Les députés de la République en Marche ont déposé une proposition de loi « instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine ». Puisqu’il s’agit d’une « PPL », le texte est dénué d’étude d’impact ou d’avis du Conseil d’État. Il prévoit des mesures de surveillance jusqu’à 20 ans.
Alors que tous les yeux sont aujourd’hui tournés sur la pandémie du coronavirus, les députés de la majorité ont déposé une proposition de loi visant à répondre « à la menace terroriste ». Une menace qui demeurerait « à un niveau élevé ».
Si la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a inscrit dans notre droit plusieurs mesures inspirées de l’état d’urgence, le texte tout juste déposé vient muscler davantage encore le droit positif.
L’enjeu cette fois ? Le fait que certaines de ces personnes condamnées pour fait de terrorisme puissent « présenter, à leur sortie de détention, de sérieux risques de réitération ou de passage à l’acte ». Selon les chiffres fournis par le ministère de l’Intérieur, « au 4 février 2020 (…), étaient détenues dans les prisons françaises 531 personnes purgeant une peine de prison pour des faits de terrorisme (terroristes islamistes – TIS). 43 d’entre‑elles devraient être libérées en 2020, une soixantaine en 2021, 46 en 2022 ».
Selon les cas, ces personnes peuvent faire l’objet de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (dans le jargon : « MICAS ») « mais la durée de ces mesures ne peut en tout état de cause excéder douze mois » regrettent les élus. Ils proposent aussi d’introduire dans notre droit « un régime ad hoc de sûreté » destiné « à s’appliquer aux personnes condamnées pour des faits de terrorisme et en passe d’être libérées lorsque les dispositifs existants s’avèrent insuffisants ».
Qu'en est-il avec ce nouveau texte ?
Des mesures de sûreté visant le droit pénal du terrorisme
Le régime à venir concerne les faits de terrorisme, exception faite de la provocation ou de l’apologie du terrorisme et de l’extraction, de la reproduction ou de la transmission intentionnelle « des données faisant l'apologie publique d'actes de terrorisme ou provoquant directement à ces actes ». Par contre, le délit de consultation habituelle de ces sites tombera dans ce champ si du moins l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté.
Donc, si à l’exécution de la peine, l’auteur présente « une particulière dangerosité caractérisée par un risque élevé de commettre l’une de ces infractions », alors la proposition de loi, dans son article unique, programme une salve de mesures de sûreté :
- Obligation de répondre aux convocations du juge d’application des peines
- Obligation d’établir sa résidence en un lieu déterminé
- Obligation d’obtenir une autorisation avant tout changement d’emploi ou de résidence
- Obligation d’obtenir une autorisation avant tout déplacement à l’étranger,
- Obligation de présentation périodique aux services de police ou aux unités de gendarmerie
- Interdictions d’entrer en relation avec certaines personnes ou catégories de personnes spécialement désignées
- Interdiction de paraître dans certains lieux,
- Placement sous surveillance électronique mobile
Une décision prise pour un an, renouvelable pendant 20 ans maximum
Sur réquisitions du procureur de la République, c’est le tribunal de l’application des peines qui ordonnera à l’encontre de l’individu une ou plusieurs de ces mesures. Elles seront ordonnées sur une période maximale d’un an. « À l’issue de cette période, les mesures de sureté peuvent être renouvelées par le tribunal de l’application des peines et pour la même durée dans la limite de dix ans ».
La limite sera même portée à vingt ans « lorsque les faits commis par le condamné constituent un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement ».
Plusieurs conditions préalables
Plusieurs autres filtres sont imposés pour conditionner cette décision : il faudra que « les obligations imposées dans le cadre de l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des infractions » en cause. Et si ces mesures de sûreté « constituent l’unique moyen de [les] prévenir ».
C’est la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté qui évaluera le degré de dangerosité trois mois avant la libération de la personne concernée. Cette évaluation sera faite par un placement du condamné, « pour une durée d’au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité ».
La décision finale sera prise par débat contradictoire où le condamné sera assisté par un avocat.
Le fait de ne pas respecter les mesures de sûreté sera lui-même puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
Le texte commence son périple par une examen en commission. Il sera ensuite examiné en séance avant d'être transmis au Sénat. Les sénateurs LR ont d'ailleurs déposé, bien avant, un texte similaire qui prévoit des mesures de surveillance de même durée.