Alors que le pays a été frappé par un nouvel attentat, L’Allemagne a notifié à la Commission européenne son projet de loi « visant à lutter contre l’extrémisme de droite et les crimes inspirés par la haine ».
Mercredi, l’attentat d’Hanau a coûté la vie à neuf personnes outre-Rhin. Préalablement, l’homme de 42 ans soupçonné d’être l’auteur de cette tuerie publiait sur YouTube un manifeste qui, selon les constatations du Monde, dessine « le portrait d’un homme paranoïaque aux propos conspirationnistes et racialistes confus ».
Hasard du calendrier, quelques heures plus tôt, ce même 19 février, le gouvernement approuvait un projet de loi visant en particulier à obliger « les plateformes de réseaux sociaux à signaler de manière proactive les contenus illégaux tels que les menaces de mort ou l'incitation à la haine aux autorités », indiquait par exemple Politico.
La ministre fédérale de la Justice et de la Protection des Consommateurs dévoilait en effet « un paquet législatif », lui-même préparé après l'attaque terroriste de Yom Kippour à Halle-sur-Saale le 9 octobre 2019.
Ce texte a fait l’objet d’une notification hier à la Commission européenne. Une contrainte formelle imposée par droit de l’Union dès lors qu’une disposition impose des normes techniques aux prestataires de la société de l’information.
Dans cette notification, l’Allemagne prévient que les fournisseurs de services en ligne devront à l’avenir dénoncer aux autorités les contenus signalés comme répréhensibles par les internautes, signalement accompagné de l’adresse IP de l’auteur du post. Il sera envoyé au bureau central de l’Office fédéral de la police criminelle. Le ministère public déterminera alors de l’opportunité des poursuites. « L’obligation de transmission est limitée à certains délits » tempèrent nos voisins.
Une obligation d'alerte des autorités
Jusqu’alors, les plateformes n’étaient pas contraintes de signaler ces faits aux autorités. « Les services répressifs ne prenaient souvent pas connaissance des contenus supprimés (…), de sorte que cette suppression (…) renforçait l’impression qu’Internet évolue et devient une zone de non-droit ».
Cette obligation de signalement aux autorités concernera la préparation d'un acte de violence grave mettant en danger l'État, les incitations et représentations de la violence troublant la paix publique, les menaces d’atteintes à la vie, à l'autodétermination sexuelle, à l'intégrité physique ou encore les contenus pédopornographiques.
« Les insultes, la calomnie et la diffamation ne sont pas couvertes par cette obligation de signalement », prévient le gouvernement, toutefois « à l'avenir, les réseaux sociaux devraient informer les utilisateurs sur les modalités d’un dépôt de plainte ».
Le gouvernement profite de cette fenêtre parlementaire pour ajouter à la liste des infractions à retirer celles dénigrant la mémoire d’un défunt, le texte se souvenant du meurtre de Walter Lübcke préfet du district de Cassel le 2 juin 2019. Le droit électoral est d’ailleurs ajusté pour que les listes ne mentionnent plus l’adresse des candidats. De même, les insultes publiques en vont à l'avenir être punies de deux ans d’emprisonnement (contre une année, aujourd’hui).
Les difficultés d'application de la loi NetzDG
La loi NetzDG (Netzwerkdurchsetzungsgesetz), qui a inspiré la proposition de loi Avia contre la haine en ligne, est entrée en vigueur le 1er octobre 2017. Elle oblige les plateformes à supprimer les contenus manifestement haineux en 24 heures après signalement, sous la menace d’imposantes amendes : jusqu’à 50 millions d’euros. Si l’illégalité n’est pas manifeste, le délai s’étend à une semaine. « Le contenu doit relever de l'une des 21 dispositions du Code pénal allemand auxquelles se réfère la loi NetzDG » explique le rapport de transparence de YouTube
De la lecture de cette législation à la réalité concrète, il y a plus qu’un petit pas. D’abord, Google exige que la case « NetzDG » soit cochée dans les signalements. À défaut, ils sont évalués « uniquement en fonction du règlement de la communauté ».
La plateforme relève aussi que les diffamations et insultes sont souvent délicates à traiter. « Les tribunaux délibèrent parfois sur la légalité d'un contenu pendant des années pour arriver à des conclusions différentes », alors que la loi allemande exige une réaction en quelques heures ou jours.
« Contrairement aux tribunaux, les réseaux sociaux ne disposent pas toujours de toutes les informations nécessaires ». La plateforme relève que « de nombreuses réclamations pour diffamation ou insultes, effectuées en vertu de la loi NetzDG ne sont pas déposées par la personne qui en est la cible, mais plutôt par des tiers qui partent du principe que cette personne peut se sentir diffamée ». Problème : « Le réseau social ignore si c'est effectivement le cas ».
En France, l’actuelle proposition de loi Avia impose aux plateformes d’informer « promptement les autorités publiques compétentes » toutes activités notifiées par un internaute, du moins celles rattachées manifestement à l’une des infractions dites « haineuses ».