Comme nous l'avons déjà évoqué plusieurs fois, la CNIL joue en France un rôle important dès qu'il s'agit de la protection de la vie privée des utilisateurs, même si elle n'a pas toujours les moyens d'agir. Pour autant, elle garde une activité assez importante pour ce qui est des conseils à suivre (voir ces guides, par exemple), et a ainsi publié une vidéo vous indiquant comment « Limiter vos traces sur internet ». Problème, il y est conseillé d'installer AdBlock Plus, sans aucune précision sur les conséquences ou la gestion des listes blanches.
Protéger sa vie privée sur internet est un besoin dont une part croissante d'utilisateurs a conscience. En effet, de nombreux sites abusent sur les systèmes de tracking, qui sont utilisés pour différentes raisons : statistiques de visites, publicité, collecte pure d'informations destinées à des tiers.
Vie privée : en France, on a peu d'action, mais on a des vidéos
Il serait d'ailleurs important que le législateur et le régulateur puissent intervenir sur ce point, ce qui n'est pas encore le cas puisqu'aucun texte ne limite à notre connaissance le nombre d'outils qui peut être utilisé sur une page, pas plus que le volume de publicités ou la mise en place d'un rafraichissement automatique afin de faire gonfler artificiellement les pages vues.
C'est donc aux éditeurs que revient la charge de cette régulation, ce qui est en soi un problème. En effet, comment demander à une société de limiter d'une manière ou d'une autre sa principale source de revenus ? Il faut bien avouer qu'à ce petit jeu, certains y mettent plus de bonne volonté que d'autres.
Des points qui sont complexes à appréhender et à mettre en place, sans doute plus qu'un guide vidéo. C'est pourtant ce dernier choix qu'a fait la CNIL en publiant ce tutoriel :
Dans celui-ci elle conseille des outils non pas pour alerter les utilisateurs du mauvais comportement d'un éditeur, mais pour bloquer l'ensemble des publicités et des outils de tracking. Problème, elle le fait de manière assez basique, sans évoquer les conséquences d'un tel choix, notamment dans le cas d'AdBlock Plus (ABP).
En effet, cet outil qui est utilisé par de plus en plus d'internautes se base sur un principe aussi simple que le conseil de la CNIL : tout bloquer par défaut. Problème, cela met dans le même panier l'ensemble des sites, qu'ils abusent ou non, et revient à les couper de leurs revenus sans même l'indiquer à l'utilisateur, qui n'a pas forcément conscience de l'impact de son choix.
Si le défaut d'information est déjà problématique de la part d'ABP, il l'est encore plus de la part de la CNIL qui devrait avoir un autre rôle que celui d'expliquer aux utilisateurs comment couper la presse d'une partie de ses revenus. Le Figaro et Le Monde qui sont ici cités en exemple apprécieront sans doute l'initiative.
Le modèle de l'information gratuite en péril : 2013 comme année charnière en France
Actuellement, les contenus sont gratuits sur la plupart des sites internet, il faut néanmoins faire vivre les rédactions et les autres employés. C'est le cas de petits acteurs tel que PC INpact (une dizaine de journalistes), ainsi que nos confrères du milieu high-tech, mais aussi de grands noms plus généralistes.
Une tendance qui commence d'ailleurs à s'inverser à l'étranger, mais aussi en France : Mediapart a toujours été payant, Les Échos (qui déclare faire travailler 180 journalistes) a activé son paywall, Libération prépare le sien pour l'été prochain... et d'autres devraient bientôt suivre. Google semble d'ailleurs pousser vers de tels modèles, comme on a pu le voir dans l'affaire qui l'opposait à la presse Belge.
Peu sont ceux qui, comme nous, ont fait le choix du modèle Freemium : le contenu reste gratuitement et entièrement accessible à tous, mais l'utilisateur dispose de fonctionnalités supplémentaires et peut cacher la publicité contre quelques euros par mois.
Trop de publicités et de tracking : les acteurs se mobilisent... lentement
Car c'est bien cela le problème principal actuellement : la publicité gêne les utilisateurs, et il peut arriver qu'elle soit beaucoup trop présente. On ne compte plus les sites qui multiplient les habillages sur l'ensemble des pages, auxquels s'ajoutent une barre en bas de l'écran, un large bandeau en haut... sur un ordinateur portable, on arrive parfois à peine à voir le header :
Le site de 20 Minutes, quelques jours avant Noël
Cette surenchère va en général de pair avec les outils de tracking qui sont parfois nécessaires aux sites (pour leurs statistiques par exemple), et parfois ne servent qu'un but purement commercial. Dans certains cas, les choses sont plus ténues, comme avec les boutons de partage vers les réseaux sociaux.
En effet, si ceux-ci peuvent être considérés comme une manière de vous faciliter le partage avec vos amis sur Facebook, Google+, Twitter et autres, ils permettent aussi à ces sociétés de savoir quels sites vous visitez lorsque vous êtes connecté. Une collecte d'informations généralisée dont tout le monde n'a pas toujours conscience qu'elle pourra ensuite être utilisée pour identifier votre profil et permettre un meilleur ciblage publicitaire.
Mais comme vous pourrez le constater ci-dessous, le nombre que l'on relève sur certains sites avec des outils tels que Ghostery montre le peu de limites en la matière. Ce nombre peut varier d'une visite à une autre, mais voici un échantillon de ce que nous avons pu constater dans certains cas, avec un record à 48 outils de tracking relevés :
Les outils de tracking sur la page d'accueil du Parisien, du Nouvel Observateur et de 20 minutes (dans cet ordre)
Pour faire face à tout cela, et au peu de volonté des acteurs nationaux d'intervenir sur ces problématiques est née l'initiative Do Not Track. Ainsi, dans les navigateurs récents, vous pouvez activer une option qui spécifie aux sites que vous ne voulez pas de tracking. Ceux qui respectent ce choix, ce qui n'est nullement obligatoire, désactiveront alors ces outils.
Des options de contrôle vous sont accessibles : utilisez les
Mais certains proposent les choses de manière un peu plus claire. Ainsi, dans vos options Twitter, vous en trouverez une permettant de désactiver le ciblage en fonction de vos visites. Ce sera aussi le cas chez Google, qui recense en plus ses outils de gestion de la confidentialité. À l'inverse, sur Facebook vous pourrez seulement limiter l'utilisation de vos noms, photos ainsi que ce que vous aimez au sein des publicités du site.
Dans le cas de PC INpact, nous nous sommes toujours imposé deux choses de manière historique, en plus de chercher à limiter au maximum le nombre de publicités et d'outils de tracking sur chaque page :
- Proposer à nos utilisateurs de retirer les éléments qui pouvaient être considérés comme gênants
- Permettre à chacun de lire l'ensemble de nos contenus, sans limitation.
Ainsi, nous avons toujours proposé de nombreuses options à nos membres, leur permettant à la fois de personnaliser la façon dont s'affiche le site (différents thèmes, header réduit, ne pas afficher les actualités à la une, mode compact, différents filtres, position de la barre sociale...) mais aussi concernant la publicité et plus récemment la gestion des réseaux sociaux.
Depuis la v5 lancée l'année dernière, vous pouvez en effet choisir de ne pas afficher les boutons de Facebook, Twitter et Google+ sur l'ensemble de nos pages. Vous n'avez ainsi pas à utiliser une extension pour cela, puisque c'est nativement proposé. Il en est de même pour différents types de publicités comme les habillages (qui ne sont affichés que sur la page d'accueil), certains liens publicitaires et les « Flash transparent » qui s'affichent par dessus la page. Ces options avaient d'ailleurs été mise en place dès le moment où nous avions accepté ces formats. De plus, un sujet est ouvert sur notre forum afin de recenser les soucis éventuels.
Comme nous l'avons déjà évoqué, nous passons ainsi avec nos lecteurs un contrat de confiance mutuelle : nous cherchons à vous fournir le meilleur contenu possible, à avancer, à innover et à embaucher toujours plus de journalistes et de développeurs pour cela. Nous vous demandons juste en retour d'afficher nos publicités, en désactivant celles qui vous paraissent les plus gênantes en ayant simplement conscience que moins vous en affichez, moins nous sommes rémunérés.
C'est aussi pour cela que nous avons mis en place nos abonnements Premium il y a trois ans, qui sont une alternative viable pour nous d'un point de vue économique, permettant à certains membres de n'afficher aucune publicité. C'est ainsi que nous avons pu cette année encore embaucher Thomas, notre nouveau développeur, mais aussi Kévin et Xavier au sein de la rédaction.
Comment détecter les outils de tracking et agir avec les sites qui abusent
Mais il n'est pas toujours simple de connaître les options de tous les sites, de les régler correctement et comme nous avons pu le voir, certains n'en proposent tout simplement pas. La première chose que l'on peut vous conseiller est donc d'identifier les sites qui abusent sur les points évoqués précédemment.
C'est la politique d'un outil que nous ne pouvons que vous conseiller : Ghostery. S'il est facile d'identifier un site abusant sur la publicité, il en est tout autrement pour les outils de tracking. Par défaut, celui-ci vous affichera donc un décompte et une liste de ceux qui sont présents sur chaque site que vous visitez.
Pour chacun, vous pourrez savoir par quelle société il est proposé et dans quel but. Vous pourrez alors choisir de le bloquer ou non. Si vous ne voulez pas trop vous embêter, vous pourrez ensuite choisir de bloquer tous les outils de tracking qui n'ont d'autre but que de relever des informations sur vous par exemple, ou ceux qui sont spécifiques aux boutons tels que ceux des réseaux sociaux. Ce choix sera alors effectué de manière consciente.
Dans le cas d'AdBlock Plus, évoqué par la CNIL, nous ne pouvons que regretter que ce soit un blocage par défaut de l'ensemble des publicités (ou presque) qui soit proposé. Vous pouvez néanmoins faire le choix de placer certains sites dans une liste blanche afin de continuer à afficher la publicité et de ne pas les couper de leurs revenus.
Nous ne pouvons que vous conseiller de le faire pour les sites que vous visitez de manière fréquente, surtout s'ils n'abusent pas avec les différents espaces publicitaires. Si c'est le cas, faites leur part de votre mécontentement, et n'hésitez pas à consulter une source d'information plus respectueuse de votre bien-être visuel.
Car il ne faut pas oublier que l'utilisation systématique d'AdBlock n'arrange en rien le problème. Si sur un site comme PC INpact cela peut représenter jusqu'à la moitié de nos visites, c'est aussi le cas ailleurs. Ainsi, certains rajoutent de la publicité afin de maintenir leurs revenus, ce qui constitue un cercle vicieux qui n'aura de fin agréable pour personne.
L'avenir de la presse et de l'information gratuite en ligne se joue en ce moment
Car l'on pourrait rapidement aboutir à une forte baisse de la gratuité de l'information en ligne, et à un système à deux vitesses entre ceux qui pourront payer pour le contenu de leur choix, et ceux qui devront faire avec les sources qui resteront gratuites, qui devront trouver de nouveaux revenus. Certes, les blogs pourront en partie compenser ce manque, mais là aussi il faudra bien trouver un financement si cela devient une activité constante, comme l'a récemment indiqué Korben. Autant de détails que la CNIL semble avoir oublié de soulever au sein de sa vidéo.
Source : GMC Factory
Tout cela ne manquera d'ailleurs pas de poser une autre question qui est actuellement en train de se jouer, celle de la réelle qualité de l'information et de son financement. Celle-ci est en effet délivrée par des journalistes au statut de plus en plus précaire, et les sources de revenus passent le plus souvent par des aides de l'état et par des publicités qui cherchent parfois à se confondre avec l'éditorial : billets / rubriques sponsorisés, publirédactionnel, campagnes basées sur l'avis des lecteurs (voir ci-dessus). Des phénomènes qui risquent de s'accentuer si l'on oppose une presse en ligne gratuite à une presse payante (avec ou sans publicité), comme cela peut déjà être le cas avec le modèle « papier ».
Reste maintenant à chacun d'agir en conscience, et à attendre de voir quel sera le résultat dans les mois et les années à venir. N'hésitez pas à nous faire part de vos réactions et de votre avis sur la question au sein de nos commentaires.