L’ALPA, association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, adresse régulièrement des demandes de déréférencement à Google. Cet organisme de défense a considérablement étendu le volume de ses dernières requêtes, qui se chiffre désormais en dizaines de milliers d'URL.
Pour lutter contre le « piratage » des films et séries, plusieurs leviers existent. Autant d’armes utilisées de manière concomitante par l’industrie culturelle. Il y a bien entendu les actions judiciaires aux fins de blocage des sites de streaming et de direct download. Il y a aussi les actions intentées contre les internautes.
Il y a encore le passage par la Hadopi, laquelle s’attaque, non à la personne soupçonnée de contrefaçon, mais à l’abonné accusé de mal sécuriser sa connexion Internet. Dernier axe : l’effacement des liens dans les moteurs de recherche et tout particulièrement sur le plus important d’entre eux, Google.
Ces demandes dites DMCA permettent de gommer les traces de ces contenus, donnant l’impression à l’internaute que les sites n’existent pas. Pour les services en ligne, c’est aussi du trafic en moins, et donc des rémunérations en berne, du moins pour ceux financés par la publicité.
Selon nos constatations, l’ALPA a adressé ces derniers jours une salve de fichiers contenant des dizaines de milliers de lignes d’URL. Rien que le 12 janvier par exemple, elle a effectué dix demandes intégrant chacune un listing de plus de 14 000 lignes d’adresses différentes menant vers des œuvres audiovisuelles.
Le trusted copyright removing program
« Nous utilisons notre TCRP pour adresser des notifications massives » indique Frédéric Delacroix, délégué général de l’ALPA, joint par Next INpact. Les titres adressés sont mis à jour toutes les trois semaines environ afin de traquer les nouveaux cas de mise à disposition sur Internet. « C’est un programme lancé l’an dernier ».
Le TCRP ou trusted copyright removing program de Google permet donc d’adresser des wagons de demandes de déréférencement depuis un partenaire de confiance. Cette hausse d’activités est très claire dans le rapport de transparence relatif à l’association et dressé par le moteur :
Frédéric Delacroix nous précise que l’ALPA fait appel à LeakID, une société française spécialisée dans ces opérations. Seulement, selon le site LumenDatabase, qui répertorie l’ensemble de ces requêtes, c’est la société Rivendell qui s’est chargée en pratique de les adresser à Google. Témoignage d’un bug ou d’un lien très étroit entre Rivendell et LeakID.
Rivendell s’enorgueillit sur son site (dénué de mentions légales) de faire retirer « 750 000 liens » chaque jour dans Google et ce via 50 « happy clients ». Comme l’a révélé Torrent Freak à l’aide du rapport de transparence Google, Rivendell a envoyé en tout un demi-milliard de « take down » à Google (au 25 janvier 2020).
70 % de demandes visant des contenus non indexés par Google
Seulement adresser une demande de retrait ne signifie pas que le contenu ait été effectivement indexé par le moteur. Dans un graphique « présentant les résultats de chaque URL dans chaque avis identifiant ce titulaire en tant que titulaire des droits d'auteur », on découvre que près de 70 % des demandes envoyées par l’ALPA, directement ou non, concerne des contenus qui n’étaient « pas dans l’index ».
En tout, « ce titulaire de droits d'auteur ou son représentant autorisé a demandé la suppression de 4 820951 URL sur 982 demandes individuelles des résultats de recherche ». Seules finalement 22,8 % des URL ont été effectivement retirées.
Chez Rivendell, si 372 millions d'adresses ont bien été supprimées, 103 millions n'étaient pas dans l'index. Un chiffre qui permet de relativiser le demi-milliard placardé sur son site.
110 sites attaqués
L’Alpa ne limite pas son action à l’envoi massif de demandes de déréférencement. Selon le dernier décompte, elle a déjà attaqué 110 sites (chiffre qui ne tient pas compte de leurs miroirs) et de nombreuses autres actions sont sur la rampe.
Son prochain rapport devrait permettre de jauger de l’efficacité de ces mesures, avec l’éventuel report de ces brebis égarées sur le chemin de l’offre légale. Un sujet qui nourrira nécessairement les débats autour du projet de loi sur l’audiovisuel où le CSA va absorber les compétences de la Hadopi.
Avec, en plus, de nouvelles armes contre les sites de direct download et streaming. Le conseil sera rhabillé pour l’occasion derrière une nouvelle autorité, l’Arcom ou Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.