Travaux de rénovation énergétique : l’Assemblée en passe d’interdire le démarchage téléphonique

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Droit 5 min
Travaux de rénovation énergétique : l’Assemblée en passe d’interdire le démarchage téléphonique
Crédits : Douglas Craig/iStock

Les députés de la commission des affaires économiques ont adopté hier, en seconde lecture, la proposition de loi visant à mieux encadrer le démarchage téléphonique et les appels frauduleux. La majorité a notamment fait voter un amendement interdisant la prospection pour les travaux de rénovation énergétique.

Contrairement à ce que réclamaient certaines associations, parmi lesquelles l’UFC-Que Choisir, les députés n’ont pas interdit « purement et simplement » le démarchage téléphonique, sauf accord préalable du consommateur. Ce qui n’a rien d’une surprise, la majorité et le gouvernement ayant déjà exprimé leur opposition à un système d’opt-in, au nom notamment de la protection de l’emploi, lors des débats en première lecture.

Le groupe LREM a néanmoins fait un pas, en déposant un amendement interdisant « toute prospection commerciale de consommateurs par voie téléphonique » pour les équipements et travaux destinés à « la réalisation d’économies d’énergie ou la production d’énergies renouvelables ». Des secteurs qui « concentrent les litiges de consommation avec des montants qui peuvent être très significatifs », expliquait il y a peu l’UFC-Que Choisir.

Des sanctions qui pourront atteindre 375 000 euros par manquement

« En 2019, 30% des amendes administratives faisant suite aux contrôles effectués par la DGCCRF sur le démarchage téléphonique concernaient le secteur de la rénovation énergétique », expliquait la majorité en marge de son amendement.

Pour mémoire, l’année dernière a fait figure d’année record depuis la mise en place de la liste d’opposition Bloctel, en 2016, puisque les agents de la répression des fraudes ont sanctionné au total 66 démarcheurs, pour un montant total de 2,3 millions d'euros. Fin 2019, la CNIL avait d’ailleurs infligé une amende de 500 000 euros à une société d’isolation, qui avait ignoré les (nombreuses) demandes de personnes qui ne souhaitaient plus être sollicitées (voir notre article).

Le député Nicolas Démoulin, qui portait cet amendement aux côtés d’autres élus LREM, a surtout souligné que ces pratiques nuisent « à la crédibilité de la politique et des soutiens publics, d’autant que l’usurpation de l’identité de l’État ou les mensonges sur les aides disponibles accompagnent souvent la pratique de démarchage téléphonique ».

« Ces pratiques, qui sont vécues par les consommateurs comme une véritable intrusion dans leur vie privée, ont pour conséquence d’entamer leur confiance dans les travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique de leur logement et de jeter le discrédit sur l’ensemble des professionnels, y compris ceux qui sont respectueux du cadre en vigueur », ajoutait-il.

Mardi, plusieurs organisations professionnelles (Fédération française du bâtiment, Qualibat, etc.) avaient d’ailleurs publiquement appelé le législateur à « prendre des décisions immédiates et drastiques d’interdiction de la prospection commerciale de consommateurs par voie téléphonique, réalisée par des centres d’appels externalisés pour les travaux de rénovation énergétique ».

commission affaires économiques
Crédits : Assemblée nationale

Les députés de la commission des affaires économiques ont ainsi approuvé cette interdiction du démarchage, qui « pourra couvrir des travaux, tels que ceux permettant l’isolation thermique des logements, et des équipements produisant des énergies renouvelables, au nombre desquels les pompes à chaleur et les panneaux photovoltaïques », a expliqué Nicolas Démoulin.

Toute infraction sera passible d’une amende administrative de 375 000 euros, la proposition de loi débattue hier multipliant par cinq les sanctions encourues en cas de démarchage frauduleux. Le groupe LREM a néanmoins été très clair : « une telle interdiction n’[a] pas vocation à s’étendre à d’autres secteurs ou domaines », alors que les assureurs et fournisseurs d’énergie (gaz, électricité) sont régulièrement pointés du doigt par les associations de consommateurs.

Vers la fixation de jours et horaires de démarchage

Conformément à ce qu’avaient souhaité les sénateurs, les députés ont accepté hier que le gouvernement fixe par décret « les jours et horaires durant lesquels les études, les sondages et la prospection par voie téléphonique sont autorisés ».

Ils ont par ailleurs adopté un amendement prévoyant que l’inscription à Bloctel (en principe d’une durée de trois ans), soit automatiquement reconduite, sauf décision contraire du consommateur.

Déplafonnement des sanctions

La commission des affaires économiques s’est également prononcée en faveur d’un amendement supprimant le plafonnement des sanctions voté en février dernier au Sénat. Les amendes, administratives comme pénales, pourront donc se cumuler en cas d’infractions multiples en lien avec le démarchage abusif.

Autre modification importante : les députés ont limité la dérogation qui permet aujourd’hui à des entreprises de démarcher des clients, même s’ils sont inscrits sur la liste d’opposition Bloctel. À ce jour, « en cas de relations contractuelles préexistantes », les professionnels n'ont en effet plus interdiction, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers agissant pour leur compte, de solliciter par téléphone un consommateur inscrit sur la fameuse liste.

Sur proposition du rapporteur Christophe Naegelen, la commission a décidé que cette dérogation ne prévaudrait plus que pour les « sollicitations intervenant dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours et ayant un rapport avec l’objet de ce contrat ». Pas question ainsi qu’un assureur vous démarche pour vous vendre une voiture.

La copie adoptée hier reste toutefois assez large, puisqu’elle prévoit expressément que les consommateurs pourront dans ce cadre être sollicités pour « des produits ou des services afférents ou complémentaires » au contrat, voire « de nature à améliorer ses performances ou sa qualité ». On peut ainsi imaginer que les fournisseurs d’accès à Internet pourront continuer à prospecter pour des forfaits mobiles...

De nouvelles dispositions contre le « spoofing »

Comme nous l’avait annoncé Christophe Naegelen la semaine dernière (voir notre interview), la commission a suivi son rapporteur en adoptant une batterie de dispositions contre l’usurpation d’identifiants géographiques (les fameux « 01 », « 02 », etc.).

Le « spoofing » consiste en effet à tromper le consommateur, en lui faisant croire que l’appel qu’il reçoit provient de sa région, dans le but de l’inciter à décrocher. Alors qu’en réalité, de nombreux appels sont effectués depuis l’étranger.

Dans le prolongement des mesures mises en œuvre par l’Arcep depuis l’année dernière, les députés ont ainsi souhaité que les opérateurs soient dans un premier temps tenus de bloquer « les appels et messages provenant de l’international et présentant un numéro français comme identifiant de l’appelant ».

Dans un délai de deux ans, les opérateurs devront ensuite mettre en place des dispositifs d’authentification, interopérables et capables de « confirmer l’authenticité des appels et messages ». Faute d’authentification, les appels et messages devront être bloqués.

Les discussions se poursuivront en séance publique, jeudi 30 janvier. Tout l'enjeu consistera à adopter un texte qui puisse être approuvé sans la moindre modification par le Sénat, faute de quoi, la navette continuera jusqu'à arriver à un « vote conforme ».

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