Le Défenseur des droits dénonce les « défaillances » entourant les forfaits de post-stationnement

Tarte aux prunes
Droit 6 min
Le Défenseur des droits dénonce les « défaillances » entourant les forfaits de post-stationnement
Crédits : fullempty/iStock

Au fil d’un rapport consacré au forfait de post-stationnement, le Défenseur des droits dénonce une nouvelle fois les travers de la dématérialisation à tout crin. Jacques Toubon revient également sur les dérives des systèmes de lecture automatisée de plaques d’immatriculation (LAPI).

Depuis le 1er janvier 2018, en application de la loi dite « MAPTAM », les collectivités territoriales ont davantage de latitude en matière de stationnement payant. Les traditionnelles contraventions de 17 euros ont ainsi laissé place à des « forfaits de post-stationnement », dont le montant peut varier en fonction des villes.

Les conducteurs indélicats (ou pas assez prévoyants) doivent en principe être notifiés par le biais d’un « avis de paiement », déposé sur le pare-brise du véhicule, ou bien envoyé par courrier ou même par mail, indique le site « service-public.fr ».

Le Défenseur des droits explique toutefois que cette réforme a donné lieu à « un contentieux abondant », tant auprès des collectivités territoriales que des sociétés auxquelles ces dernières font parfois appel, dans le cadre de délégations de service public. L’autorité administrative indépendante, qui s’est substituée en 2011 au Médiateur de la République, a reçu pour sa part près de 400 plaintes, rien que l’année dernière.

L’institution s’inquiète surtout d’une « recrudescence de saisines des usagers », qui illustre à ses yeux des « défaillances récurrentes » telles que « la délivrance de FPS indus, par exemple suite à une mauvaise lecture de l’heure de stationnement maximale autorisée ».

Une réforme ayant amené une grande complexité

« Les usagers ne comprennent pas toujours le dispositif de paiement et de contestation », déplore le Défenseur des droits. Le forfait post-stationnement (FPS) étant juridiquement considéré comme une redevance d’occupation du domaine public, les contestations relèvent en effet de la compétence d’une nouvelle juridiction administrative spécialisée, la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP). Un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) est toutefois impératif, comme son nom l’indique, avant tout recours.

Pour Jacques Toubon, les informations relatives au stationnement payant, qu’elles figurent sur les horodateurs, les sites Internet des communes ou sur les avis de paiement, s’avèrent cependant « diverses, peu claires voire parfois inintelligibles ».

Le Défenseur des droits dénonce en outre la « multitude d’interlocuteurs » présents à chaque échelon de la procédure : « commune ou délégataire pour le paiement, commune ou délégataire pour la contestation du FPS dans le cadre du RAPO, agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) pour l’émission des titres, direction générale des finances publiques (DGFiP) et trésorerie pour le recouvrement, CCSP pour le recours juridictionnel. Selon que le FPS est initial ou majoré, la procédure de contestation diffère. Ainsi, du fait de la décentralisation, les automobilistes qui souhaitent contester le FPS au niveau du RAPO sont susceptibles d’avoir 564 interlocuteurs différents sur le territoire national et autant d’adresses. »

L’autorité indépendante demande ainsi que chaque ville mette en place un « guichet physique pour informer les usagers sur les modalités du stationnement, les tarifs, les règles spécifiques s’appliquant à certaines catégories d’usagers et sur le suivi de l’instruction du recours administratif préalable obligatoire ».

Différents problèmes techniques

À cette complexité administrative, s’ajoutent de nombreux problèmes techniques, liés par exemple aux horodateurs. « Des usagers se voient établir un FPS alors même qu’ils sont sur le point de payer le stationnement à l’horodateur. L’annulation immédiate du FPS étant impossible auprès de l’agent qui l’a dressé, les usagers doivent alors le contester en exerçant un RAPO et fournir, pour démontrer la simultanéité du paiement et du FPS, le ticket de stationnement », déplore le Défenseur des droits.

Certaines personnes, âgées ou malvoyantes, « rencontrent des problèmes de lisibilité des écrans digitaux des horodateurs notamment pour saisir le numéro de la plaque d’immatriculation », poursuit le rapport. Pour d’autres, la problématique vient de l’absence de possibilité de payer en espèces.

De « nombreuses réclamations » ont également été transmises au sujet des villes proposant l’application « PaybyPhone ». Les plaignants avaient reçu des FPS alors même qu’ils avaient acquitté le montant de la redevance via l’application mobile (ou correctement prolongé le temps de stationnement).

Les dérives du système LAPI

Le Défenseur des droits s’arrête également sur les lecteurs automatisés de plaques d’immatriculation, les fameux « LAPI ». « Ces systèmes permettent la lecture automatisée des plaques d’immatriculation, systèmes automatisés installés sur des véhicules (voitures ou scooters) qui, tout en circulant dans les zones de stationnement payant, scannent automatiquement l’ensemble des plaques d’immatriculation des véhicules stationnés puis comparent ces informations à la base de données du stationnement payant afin d’identifier les véhicules pour lesquels la redevance n’a pas été ou insuffisamment payée », explique l’autorité.

Premier problème, ces dispositifs ne savent pas faire la différence entre l’arrêt et le stationnement d’un véhicule, notamment du fait du caractère subjectif des définitions juridiques. Autre hic : les cartes de stationnement pour personnes handicapées ne sont pas prises en compte par les systèmes LAPI, ce qui a donné lieu à de nombreuses « prunes » injustifiées.

Jacques Toubon invite ainsi les collectivités et leurs prestataires à se « sensibilis[er] à cette problématique », pour surtout ne plus avoir « exclusivement recours à la méthode LAPI pour constater les FPS ».

Et pour cause : la loi Informatique et Libertés interdisant la prise de décision produisant des effets juridiques sur le seul fondement d’un traitement automatisé, la CNIL avait prévenu que les données collectées par les dispositifs LAPI ne pourraient servir « qu’à réaliser des pré-contrôles du paiement du stationnement en vue de faciliter le travail des agents de contrôle », explique le Défenseur des droits, à mots plutôt feutrés.

« Le constat de l’absence ou l’insuffisance de paiement et l’initiation de la procédure de FPS doivent être réalisés par un agent de contrôle, insiste d'ailleurs la CNIL. Le constat de l’irrégularité du stationnement d’un véhicule doit se faire en temps réel. Sauf justification particulière, l’agent ne doit pas utiliser les informations collectées par le dispositif de LAPI pour constater l’irrégularité et établir le FPS a posteriori. » En clair, les opérations de contrôle 100 % automatisées sont théoriquement à proscrire, ce qui ne semble pas être le cas en pratique.

Les limites de la dématérialisation

Enfin, le Défenseur des droits dénonce les difficultés rencontrées par les citoyens devant enclencher une procédure de contestation, via Internet. « Quand bien même les usagers du service public ont accès à Internet, ils peuvent se trouver confrontés à des problèmes ou obstacles techniques liés à des défauts de conception ou d’ergonomie des sites internet ou des procédures dématérialisées », pointe ainsi Jacques Toubon, dans la droite lignée de son rapport de 2019 sur les services publics numériques.

Les plateformes concernées « ne présentent pas, selon la commune concernée, la même ergonomie ni les mêmes informations et rubriques relatives aux motifs de contestation du forfait de post-stationnement ». L’autorité indépendante a par ailleurs été alertée « sur l’absence de prise en compte de certaines situations récurrentes dans les motifs de contestation du FPS, notamment la contestation de FPS indus par les personnes titulaires d’une carte de stationnement handicapé ».

« Le Défenseur des droits a également été saisi de situations dans lesquelles les usagers ont été soit dans l’impossibilité de corriger une erreur de saisie, soit confrontés à une panne informatique. Ils ont ainsi été privés d’accès au service public, la voie dématérialisée étant devenue la seule voie d’accès possible », soulève le rapport, tout en appelant les pouvoirs publics à se saisir du dossier, dans le prolongement d'un récent rapport sénatorial.

Pour faire reconnaître leurs droits, certains automobilistes ont ainsi été « contraints de saisir la CCSP et de payer l’ensemble des FPS », détaille Jacques Toubon. Une situation d'autant plus regrettable que ces pratiques « sont le plus souvent la conséquence du manque de formation initiale des agents et de la méconnaissance de la jurisprudence de la CCSP ».

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