En dépit des « demandes CADA » de Next INpact, le gouvernement est incapable de dévoiler le détail de ses dépenses dites de représentation (qui peuvent atteindre 150 000 euros par an et par ministre). La CADA a suivi l’exécutif, estimant que ces informations étaient trop difficiles à extraire des logiciels comptables.
Le train de vie des responsables publics fait souvent l’objet de polémiques, comme l’a récemment souligné l’affaire De Rugy. En juillet dernier, l’Observatoire de l’éthique publique avait ainsi plaidé pour que les frais de représentation des ministres soient rendus publics, en Open Data, comme le font d’ores et déjà certains députés s’agissant de leurs frais de mandat.
Matignon avait auparavant confirmé que cette « dotation de frais de représentation » pouvait atteindre 150 000 euros annuels pour un ministre, 120 000 euros pour un ministre placé auprès d'un autre ministre, et 100 000 euros pour un secrétaire d'État.
Avec cette enveloppe, l'État prend en charge les dépenses « directement liées à l'exercice des fonctions ministérielles » : frais de réception d'un homologue étranger, organisation de points presse, réception d'élus ou d'associations, remise de prix ou de décorations, déplacements officiels, etc. En pratique, cependant, il est bien difficile de savoir quelles sommes ont été dépensées, et surtout pour quoi...
Des données trop difficiles à extraire selon Matignon
Loi « CADA » sous le bras, nous avions donc pris les devants en demandant aux différents ministères et secrétariats d’État de publier le détail de leurs frais de représentation, au nom du droit d’accès aux informations publiques (voir notre article). Face au silence de l’exécutif, nous avons dû nous tourner vers la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), fin août.
L’institution, qui fait office de médiateur dans ce type de procédure, a finalement donné gain de cause à l’exécutif, il y a quelques semaines. Et pour cause. Les services du Premier ministre ont fait valoir auprès de l’autorité indépendante que les documents sollicités « n’exist[aient] pas ».
En clair, les frais de représentation des ministres ne sont aucunement retracés dans un registre unique... Or la loi CADA est très claire : seuls les « documents » peuvent être communiqués aux citoyens, non des éléments d’information dispersés dans différents documents comptables...
Matignon a d'ailleurs laissé entendre que ces informations pourraient être retrouvées dans Chorus, le logiciel comptable de l’État. Une opération d’extraction serait toutefois trop complexe :
« À partir de l’extraction de l’ensemble des dépenses (...), il serait en effet nécessaire d’analyser manuellement si elles relèvent de la catégorie des frais de représentation et de les affecter en conséquence, le logiciel CHORUS ne comportant pas de champ de recherche permettant de procéder automatiquement à cette ventilation. Il faudrait en outre, pour chaque dépense de représentation ainsi identifiée, examiner si elle se rattache à l’administration centrale du ministère ou au ministre et à son cabinet, les dépenses imputées sur le programme n’étant, sauf exceptions, pas distinctement affectées à ces diverses entités compte tenu de la mutualisation des fonctions support, avec au surplus, pour certaines dépenses présentant un caractère indivisible, la nécessité d’une proratisation. »
Jugeant que les informations sollicitées ne pouvaient être obtenues par le biais d’un traitement automatisé d’usage courant, la CADA a donc conclu que nos demandes étaient « sans objet ».
Une déception, mais pas forcément une surprise. « Ça devient très classique », soupire Matthieu Caron, le directeur général de l’Observatoire de l’éthique publique. « C'est toujours la même argumentation : on prétexte que c'est trop compliqué ou que c'est trop lourd pour ne pas répondre aux citoyens. »
« On se demande ce qu'il y a à cacher »
En 2014, saisi par l’universitaire, le tribunal administratif de Paris avait ordonné au ministère des Finances de dévoiler le détail du budget de fonctionnement des cabinets ministériels. Initiative qui s’était soldée par l’envoi d’éléments jugés indéchiffrables : « Il s’agissait de la communication de lignes comptables abstraites, non détaillées, qui rendaient l’analyse du train de vie des cabinets impossible », raconte Matthieu Caron.
Depuis, l’Observatoire de l’éthique publique a tenté d’obtenir davantage d’éléments par le biais de questions écrites envoyées par certains de ses membres, parlementaires, tel le député Régis Juanico. « Malheureusement, le résultat est grosso modo le même : on obtient un certain nombre d'informations, comme sur le plafond des frais de représentation des ministres, mais jamais le détail. »
Or pour le think tank, il est impératif que les Français puissent savoir quelle utilisation est faite de ces deniers publics, à l’euro près, notamment afin de mettre un terme aux suspicions. « Face à cette opacité, on se demande ce qu'il y a à cacher », résume Matthieu Caron. L’Observatoire de l’éthique publique continue ainsi de plaider pour l’ouverture de ces données, sous l’œil d’un déontologue du gouvernement.
Sur ce même sujet, l’organisation propose de créer un site officiel recensant « toutes les informations actuelles relatives à l’indemnisation des 500 000 élus français ».