La Cour d’appel de Paris a infirmé l’ordonnance du tribunal de commerce de Paris. Le 14 juin 2019, celui-ci avait condamné Marc Longo, PDG d’Annuaire Français, pour dénigrement de Qwant. Les juges d’appel ont estimé ces demandes irrecevables, celles-ci relevant uniquement de la loi de 1881. Next Inpact diffuse la décision.
En mai 2019, Qwant avait fait assigner Marc Longo et la SAS Société Nouvelle de l’Annuaire Français devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris.
Le 14 juin, victoire. Le tribunal les condamna à cesser « tout acte de dénigrement, sous quelque forme que ce soit et sous quelque support que ce soit, à l'encontre de la SAS Qwant et de son moteur de recherche » (notre actualité : Qwant fait condamner un « concurrent » pour « dénigrement ») .
Cette décision fut frappée d’appel à la demande de Marc Longo. Qwant est donc revenue à la charge, soutenant qu’Annuaires Français et son PDG « exercent une activité concurrente de la sienne [et] se livrent à une véritable campagne de dénigrement laquelle constitue un trouble manifestement illicite qu’il y a lieu de faire cesser ». La société d’Éric Léandri leur réclame 100 000 euros de dommages et intérêt outre 5 000 euros au titre des frais.
Plusieurs messages de Marc Longo, mis à l’index dans la décision, permettent de jauger l’ambiance électrique : « La panne de Qwant en mars 2018 a révélé qu’ils n’avaient pas la main pour redémarrer leur serveur, c’est une société ISRAELIENNE qui en a la maîtrise » ; « Trahison du moteur de recherche Qwant. Les tours de passe-passe de Léandri sur l’envoi des données en secret à Microsoft », etc.
Également dans le viseur, une lettre ouverte adressée aux députés et sénateurs où est dénoncé « l’amateurisme » supposé de Qwant, parmi d'autres affirmations :
Qwant s'est planté de procédure
Selon l’interprétation de la cour d’appel toutefois, ces propos visent uniquement Qwant et son dirigeant, « à l’exclusion de ses produits ou services ». Ainsi, « ils n’ont pas pour objet de mettre en cause la qualité des prestations fournies par la société Qwant mais portent sur le comportement de cette dernière ».
Cette nuance doit être vue comme prémice de la décision : elle souligne que les passages mis en exergue sont « susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa considération en l’accusant d’utiliser un service Bing développé par la société Microsoft ou de laisser la main de son moteur de recherche à une société de droit israélienne et l’envoi de données personnelles de ses clients aux sociétés de droit américain ».
Pourtant, la cour d’appel estime que le débat est étranger au dénigrement, mais se pose uniquement sur le terrain de la diffamation, à supposer qu’elle soit vérifiée.
Un débat sur le terrain de la diffamation, non du dénigrement
Pour la faire arriver à cette conclusion, Me Olivier Itéanu, avocat de Marc Longo, s’est utilement appuyé sur un tweet de Guillaume Champeau, directeur éthique et juridique de Qwant qui, le 27 avril 2019, a invoqué l’existence de « dénigrements et diffamations ».
Mieux, d’après les juges, « il n’est nullement établi avec l’évidence requise en référé en quoi M. Longo et la société nouvelle de l’annuaire français auraient entendu profiter d’un avantage concurrentiel à raison des propos incriminés dès lors que les appelants n’exercent nullement une activité concurrentielle de la sienne ».
Toujours selon eux, ces propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt public, non dans l’objectif de détourner la clientèle de Qwant, alors que l’objet social de l’une et l’autre ne se confond pas.
« Il en résulte que les propos incriminés ne peuvent manifestement pas constituer des actes de dénigrement et sont susceptibles de revêtir la qualification de diffamation de sorte qu’ils auraient dû faire l’objet de poursuites sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse » en déduit l’arrêt. « L’ordonnance doit être infirmée et les demandes de la société Qwant déclarées irrecevables ».
Qwant devra au surplus indemniser Marc Longo à hauteur de 5 000 euros au titre des frais engagés.
La décision, susceptible de pourvoi en cassation, intervient un jour avant l'annonce d'un changement à la direction de Qwant. Eric Léandri va quitter ses fonctions de président pour la tête d’un comité stratégique de l’entreprise. Il sera remplacé par Jean-Claude Ghinozzi, aujourd’hui directeur général adjoint de Qwant et, dans le passé, en charge des ventes et du marketing de Microsoft France.