Les parlementaires ont réussi à trouver un compromis, hier, sur le projet de loi « anti-gaspillage ». Indice de « durabilité » des produits, obligation de fournir des mises à jour pendant deux ans, extension de garantie pour les produits d'occasion, fin de l’impression systématique des tickets de caisse, vidéo-verbalisation des dépôts illicites de déchets... Retour sur dix mesures-clés.
Lors de sa présentation en Conseil des ministres, en juillet dernier, le projet de loi « relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire » s'articulait autour de douze articles. Après une lecture dans chaque chambre et un accord en commission mixte paritaire, mercredi 8 janvier, le texte en compte désormais plus de 130 !
Bien que le texte définitif n’ait pas encore été rendu public, Next INpact a pu recueillir les confidences de certains membres de la commission mixte paritaire sur plusieurs réformes-clés.
Un indice de « réparabilité », dès 2021. La mesure avait été proposée par le gouvernement : à partir de l’année prochaine, les fabricants d’équipements électriques et électroniques devront transmettre un indice de réparabilité « ainsi que les paramètres ayant permis de l’établir » (« démontabilité » du produit, différence entre le prix des pièces de rechange et celui du produit neuf, etc.) aux vendeurs, bien entendu « sans frais ». À charge ensuite aux magasins d’afficher cette sorte de note de manière visible, y compris en cas de vente en ligne, sur le modèle de l’étiquette énergie (A, B, C...).
Un indice de « durabilité », à horizon 2024. En complément à l’indice de réparabilité, un indice de durabilité viendra renseigner les consommateurs sur la « fiabilité » et la « robustesse » de certains « produits et équipements », selon la même logique.
Une garantie légale de conformité d’un an pour les biens d’occasion. Afin d’inciter les consommateurs à acheter des produits reconditionnés (smartphones, ordinateurs...), le projet de loi double la durée de la garantie légale de conformité pour les biens d’occasion. De six mois, cette protection passera à un an (voir notre article).
Électronique : des pièces détachées pendant 5 ans minimum. Afin de favoriser les réparations, les fabricants « d’équipements électroménagers, de petits équipements informatiques et de télécommunications, d’écrans et de moniteurs » seront tenus de fournir des pièces détachées pendant au moins cinq ans « à compter de la date de mise sur le marché de la dernière unité du modèle concerné ».
Les réparateurs devront quant à eux proposer des pièces d’occasion à leurs clients, dans certains cas de figure, exactement comme les garagistes (depuis 2017).

Fin de l’impression systématique des tickets de caisse, de carte bancaire, etc. Cette réforme, introduite par les députés, a suscité des réticences chez certains sénateurs. Ces derniers ont obtenu que l’impression « à la demande » des tickets de caisse et de carte bancaire n'entre en vigueur qu'en 2023 « au plus tard » – au lieu de 2022. Il en ira de même pour les « bons d’achat » et autres coupons promotionnels, ainsi que pour les tickets délivrés par des « automates » (distributeurs de carte bancaire, stations-essence, etc.).
Des internautes sensibilisés à leur « empreinte carbone ». À compter de 2022, les opérateurs de téléphonie mobile et fournisseurs d’accès à Internet devront préciser à chacun de leurs clients « la quantité de données consommées dans le cadre de la fourniture d’accès au réseau » (vraisemblablement sur leurs factures), et surtout l’équivalence en « émissions de gaz à effet de serre » (voir notre article).
Introduction d'un « droit à la réparation ». En complément au délit d’obsolescence programmée en vigueur depuis 2015, le texte interdit « toute technique, y compris logicielle, par laquelle un metteur sur le marché vise à rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d’un appareil hors de ses circuits agréés ». Des dérogations pourront néanmoins être prévues, par arrêté ministériel, d’une part pour certains « produits », et d’autre part en cas de « motifs légitimes » (sécurité, santé des utilisateurs...).
Pour faciliter le travail des réparateurs indépendants, il est en outre prévu que tout accord ou pratique « ayant pour objet de limiter l’accès d’un professionnel de la réparation aux pièces détachées, modes d’emploi, informations techniques ou à tout autre instrument, équipement ou logiciel permettant la réparation des produits » soit prohibé.
Dans un cas comme dans l’autre, les contrevenants s’exposeront à des sanctions pouvant atteindre deux ans de prison et 300 000 euros d’amende.
Des mises à jour pendant au moins deux ans. Alors que les sénateurs espéraient obliger les fabricants à proposer des mises à jour de leurs systèmes d’exploitation pendant dix ans, dans l’optique de lutter contre l’obsolescence logicielle, les députés ont opté pour un délai de deux ans minimum pour tous les « biens comportant des éléments numériques ». Le gouvernement pourra étendre cette période, par décret, pour certaines catégories de produits, « eu égard au type et à la finalité des biens et éléments numériques et compte tenu des circonstances et de la nature du contrat ».
Il est d’autre part prévu que les vendeurs informent les consommateurs quant aux mises à jour, y compris de sécurité, « nécessaires au maintien de la conformité » des biens vendus (ordinateur, téléphone, etc.).
Vidéo-verbalisation des dépôts illicites de déchets. Policiers et gendarmes pourront désormais verbaliser les auteurs de dépôts illicites d’ordures, à distance, sans interpellation, à partir des images retransmises par les caméras filmant l’espace public. Et en consultant au besoin le fichier des cartes grises, précise le projet de loi. Cette extension de la vidéo-verbalisation concernera aussi de nombreuses atteintes à la propreté des voies publiques : abandon d’encombrants, jet de mégots, de sacs plastiques, etc. Des infractions en principe passibles d'une amende forfaitaire de 68 euros.
Interdiction de détruire les invendus. Les producteurs et distributeurs seront tenus de « réemployer », « réutiliser » ou « recycler » leurs produits non alimentaires neufs (sauf rares exceptions), mais en privilégiant le don, notamment aux associations. Le recyclage, qui reste une forme de destruction, ne sera ainsi possible qu’en dernier recours. Tout manquement sera passible d’une amende administrative de 15 000 euros.
Les dispositions donnant la possibilité aux maires d’interdire les panneaux publicitaires numériques sur leur commune ont été supprimées, contrairement à ce qu’avaient souhaité les députés (contre l’avis du gouvernement).
Sauf énorme surprise, le compromis trouvé hier sera définitivement adopté par les parlementaires dans les prochaines semaines. Un vote est d’ailleurs d’ores déjà prévu à l’Assemblée nationale le 21 janvier.