Une salariée licenciée pour avoir insulté son patron sur Facebook et par SMS, dans le cadre d’échanges avec des collègues de travail, a obtenu gain de cause devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Pour les juges, de tels messages relevaient de la sphère privée.
Coiffeuse dans un salon niçois, Madame X est licenciée en décembre 2015, après quasiment dix années passées au sein de la même entreprise. « À plusieurs reprises, vous avez tenu à vos collègues de travail des propos injurieux inacceptables à mon encontre tant par SMS que sur le réseau social Facebook », explique l’employeur dans sa lettre de licenciement.
Le patron justifie cette décision en précisant que le comportement de la salariée se révèle « préjudiciable à l’activité » de son entreprise, ces multiples dénigrements ayant « pour conséquence de créer une ambiance délétère au sein du salon et de générer une démotivation du personnel ».
Madame X décide alors de contester son licenciement devant les tribunaux. Bien lui en a pris : déboutée par le conseil des prud’hommes de Nice, courant 2017, l’intéressée a finalement vu son licenciement invalidé par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, fin 2019.
« C’est un con », « il n’a pas de couille »...
Lors du procès, le gérant du salon de coiffure, directement visé, avait produit plusieurs textos et extraits issus de Facebook, datant tous de 2015 : « il n’a pas de couille », « c’est un con », « pas de patron, pas de serviette, salon de merde », « il part en couille », « organisation de merde », etc. Des propos « ouvertement péjoratifs et insultants à l’égard du gérant du salon, (...) de l’entreprise ou de certains salariés », a reconnu la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Pour autant, les juges ont conclu que le licenciement était « dépourvu de cause réelle et sérieuse ». Et pour cause : « les SMS envoyés à un seul destinataire à partir de la ligne téléphonique personnelle de Mme X relevaient, ainsi que cette dernière le soutient, d’une conversation purement privée dont l’employeur ne pouvait faire état dans le cadre du licenciement ». Autrement dit, bien que les textos litigieux aient été rendus accessibles au gérant du salon de coiffure, ce dernier ne pouvait s’en prévaloir pour limoger sa salariée, puisque relevant de la correspondance privée.
Concernant les messages émanant de Facebook, les choses auraient pu être plus compliquées... La cour d’appel a toutefois relevé qu’aucune pièce ne venait contredire la version de l’ex-salariée, selon laquelle « il s’agissait d’échanges privés, manifestement dans le cadre d’un groupe restreint de correspondants ». L’employeur avait déclaré avoir eu connaissance de ces échanges « non pas en allant sur Internet mais à la suite de leur communication, lors d’une réunion, par les salariées Y et Z, correspondantes de Mme X » – ce qui laissait à penser qu’ils n’étaient pas « publics ».
« En l’état de l’ensemble de ces constatations et eu égard au respect de la correspondance privée du salarié s’imposant à l’employeur, le grief sera écarté », a conclu la cour d’appel.
La salariée protégée au titre du respect des correspondances privées
Quant au fait que le dénigrement reproché à la coiffeuse aurait porté préjudice à l’entreprise, les magistrats ont estimé qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes en la matière. Les attestations fournies par l’employeur, qui contredisaient celles de la salariée, présentaient en effet « des garanties d’objectivité insuffisantes pour démontrer que l’appelante (...) serait responsable des mauvaises relations au sein du salon ou d’un mal être du personnel pouvant avoir de multiples autres causes ».
La cour d’appel a au passage souligné que l’intéressée « était absente depuis huit mois en raison d’un congé parental », et que « la procédure de licenciement a été engagée le 24 novembre 2015, jour de son retour dans l’entreprise ».
« Le doute devant en toute hypothèse profiter à la salariée », les juges ont donné gain de cause à cette dernière.
Alors que Madame X réclamait plus de 20 000 euros à son ex-employeur, dont 11 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a décidé de lui accorder 5 000 euros « à titre d’indemnité de licenciement abusif ».
Les juges auraient cependant pu avoir un autre regard sur ce dossier si les messages litigieux avaient été échangés par le biais d’un téléphone de fonctions. La Cour de cassation a en effet déjà jugé que les SMS envoyés depuis un appareil professionnel étaient accessibles « par défaut » à l’employeur (voir notre article).