Alors que les sénateurs souhaitaient que les téléphones et tablettes bénéficient de mises à jour pendant au moins dix ans, les députés ont préféré opter pour une durée de deux ans (néanmoins étendue à tous les « appareils numériques »). La piste d'une dissociation obligatoire entre mises à jour de sécurité et de « confort » n'a pas été retenue.
« Cela n’est pas du tout à la hauteur », s’est emporté le communiste André Chassaigne, mercredi 11 décembre, dans le cadre des débats sur le projet de loi « anti-gaspillage ». Et pour cause : en commission, la majorité a fait disparaitre les dispositions, introduites par le Sénat, obligeant les constructeurs de smartphones et de tablettes à proposer des mises à jour de leurs systèmes d’exploitation pendant au moins dix ans.
Une mesure destinée à lutter contre l’obsolescence logicielle, qui rend difficile (voire impossible) l’utilisation de certains appareils, pourtant encore en état de marche. Le cas typique : un ordinateur qui ne peut plus recevoir de mises à jour, le constructeur considérant l’appareil comme trop vieux pour lui en fournir.
En lieu et place, les députés ont renforcé les obligations d’information pesant sur les fabricants. L’idée ? Que les consommateurs soient systématiquement informés de « la durée au cours de laquelle les mises à jour des logiciels fournis lors de l’achat du bien restent compatibles avec un usage normal de l’appareil ».
Vers une meilleure information des consommateurs
Depuis les bancs de la majorité, le député Vincent Thiébaut a fait valoir que cette réforme permettrait « d’informer le consommateur, au moment de l’achat du produit, sur la durée au cours de laquelle il peut s’attendre à recevoir des mises à jour logicielles suffisantes pour l’utiliser ».
Un argumentaire qui n’a toutefois pas convaincu André Chassaigne. « Nous devons précisément prendre des dispositions tendant à faire en sorte que les téléphones portables et les tablettes soient encore fonctionnels dix ans après leur commercialisation. Il y a là une profonde différence d’approche entre nous », a martelé l’élu communiste.
Ce dernier proposait, par le biais d’un amendement, d’imposer aux fabricants « d’appareils numériques » de fournir des « mises à jour correctives du système d’exploitation utilisé par leurs appareils » pendant au moins dix ans après leur mise sur le marché. Le tout sous peine de deux ans de prison et 300 000 euros d’amende.
« Rien n’interdit de faire en sorte – comme le demandent de nombreuses associations de consommateurs – que les mises à jour correctives du système d’exploitation soient disponibles pendant la durée de commercialisation de l’équipement, et au moins cinq à dix ans après. Les fabricants et les éditeurs de logiciel peuvent tout à fait s’organiser à cet effet », s’est justifié André Chassaigne. Poursuivant : « À défaut, on pourrait imaginer que les logiciels qui ne sont plus maintenus tombent dans le domaine public. On pourrait également obliger les fabricants et les éditeurs à fournir des supports d’installation des logiciels d’origine. »
Le gouvernement comme la majorité se sont opposés à cet amendement, en raison d’un « double problème de compatibilité avec le droit européen et de faisabilité technique », dixit la rapporteure, Graziella Melchior (LREM).
Des mises à jour pendant au moins deux ans
La rapporteure a néanmoins fait adopter, avec le soutien du gouvernement, un amendement censé permettre à la France de « franchir un pas supplémentaire » contre l’obsolescence logicielle.
Première mesure : les vendeurs devront veiller à ce que chaque consommateur « reçoive les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité » du bien qu’il vient d’acheter, pendant au moins deux ans. L’exécutif pourra étendre cette période, par décret, pour certaines catégories de produits, « eu égard au type et à la finalité des biens et éléments numériques et compte tenu des circonstances et de la nature du contrat ».
Calqué sur une directive européenne en date du 20 mai 2019, l’amendement prévoit d'autre part que le consommateur devra être informé par le vendeur « des mises à jour, y compris des mises à jour de sécurité, qui sont nécessaires au maintien de la conformité de ces biens ». Les « modalités d’installation de ces mises à jour » devront être présentées « de façon suffisamment claire et précise ».
Libre ensuite au consommateur de refuser ces mises à jour, poursuit l’amendement. Le vendeur devra d’ailleurs informer son client « de la conséquence du refus d’installation ». Bénéfice du dispositif : le vendeur ne pourra être tenu pour responsable « d’un éventuel défaut de conformité qui résulterait de la non-installation de la mise à jour concernée ».
Pas de dissociation entre mises à jour de sécurité et « de confort »
Autre proposition ayant émergé au cours des débats : obliger les fabricants à dissocier les mises à jour de sécurité, indispensables au bon fonctionnement des appareils électroniques, des mises à jour « de confort », facultatives. « Ainsi, chacun choisira, et les appareils numériques répondront mieux aux attentes des Français » a fait valoir François-Michel Lambert (Libertés et Territoires).
« Nous sommes tentés de changer de smartphone parce qu’on nous oblige à télécharger des mises à jour de confort en même temps que des mises à jour de sécurité. En vérité, elles créent une confusion s’agissant de l’usage de l’appareil, et le ralentissent parfois, car les options que nous ajoutons sans en avoir besoin le sollicitent jusqu’à le saturer », s’est justifié l’élu.
Son amendement imposait une distinction, « de manière à permettre au consommateur, s’il le souhaite, de n’installer que les mises à jour de sécurité à l’exclusion des autres mises à jour, sans que ce choix entraîne de défaut de conformité du bien ». Cette proposition n’a cependant pas prospéré, suite à un simple « avis défavorable » du gouvernement et de Graziella Melchior.
Ce sujet pourrait néanmoins être remis sur la table du Parlement prochainement. En vue de la transposition d’autres mesures issues de la directive du 20 mai 2019, le projet de loi « anti-gaspillage » prévoit que le gouvernement présente un rapport « sur la durée de vie des appareils numériques et connectés, sur l’obsolescence logicielle et sur les options pour allonger la durée de vie des équipements concernés ».
Dans ce cadre, l’exécutif devra plancher sur différentes évolutions législatives, dont « une dissociation entre les mises à jour de confort et les mises à jour de sécurité ».

Le gouvernement ayant enclenché la procédure accélérée sur le projet de loi « anti-gaspillage », il n’y aura pas de seconde lecture. Députés et sénateurs se réuniront prochainement au sein d’une commission mixte paritaire, à l’issue de cette première lecture, en vue de trouver un compromis. Faute de quoi, le dernier mot sera donné à l’Assemblée nationale.
Il est donc plus que probable que ces dispositions soient maintenues, au moins dans les grandes lignes.