Attendue pour cet automne, la procédure d'attribution des fréquences de la 5G ne devrait pas arriver avant le printemps 2020. Un retard de plusieurs mois qui serait causé par des divergences entre l'Arcep et le gouvernement. Pendant ce temps, la FFTélécom affirme que les opérateurs sont dans les starting-blocks... et un peu inquiets.
Cela fait des mois que le gouvernement vise la fin de l'année pour lancer la procédure d'attribution des fréquences de la 5G. Un calendrier pas spécialement en avance sur les premiers de la course, mais pas trop en retard non plus (du moins pour le moment). Rien de dramatique en tous cas, d'autant que les premiers smartphones commencent seulement à arriver, à des tarifs élevés. En 2020, la 5G devrait rapidement se démocratiser, notamment grâce à son intégration dans les modems des SoC.
De l'été 2019 à l'automne 2019...
En mai de cette année, le gouvernement communiquait à l'Arcep « ses orientations en vue de l’élaboration des prochaines attributions de fréquences pour la 5G ». Pour rappel, le régulateur propose un texte qui doit être validé par le gouvernement. Une manière de faire pouvant conduire à des frictions si le moindre grain de sable vient se mettre dans les rouages.
Dans le courrier cosigné par Jacqueline Gourault (ministre de la Cohésion des Territoires) et Agnès Pannier-Runacher (secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances), il était précisé que l'appel à candidatures devait « être lancé à l’automne 2019 pour des attributions début 2020 », soit déjà un premier retard alors qu'il était pendant un temps question de l'été 2019.
...puis au printemps 2020
Mi-juillet, le gendarme des télécoms lançait une consultation publique de son « projet de décision proposant les modalités
d’attribution de la bande 3490 - 3800 MHz en France métropolitaine ». Ouverte jusqu'au 4 septembre, elle devait permettre à l'Arcep de fixer les modalités et conditions définitives des attributions avec le retour des différentes parties (notamment les opérateurs). La suite était alors définie ainsi : « L’Arcep proposera au gouvernement un texte au cours des semaines suivantes, en vue de conduire l’attribution des fréquences à l’automne ».
On y apprenait que l'attribution se déroulerait en deux phases : une première avec un bloc d'au moins 40 MHz à prix fixe, la seconde sous forme d'enchères pour le reste des fréquences disponibles. Le premier point a fait grogner Bouygues Telecom et Free Mobile qui demandent qu'un plus gros bloc soit attribué à prix fixe.
Xavier Niel était particulièrement virulent : « Le processus de l'Arcep a été conçu pour nous détruire, Free ainsi que Bouygues Telecom. On est en train de refaire les bêtises de la 3G ». Des arguments balayés par Orange : « Je comprends la position de Free et Bouygues Telecom, mais mathématiquement, les arguments avancés sont faux ». Pendant ce temps, Sébastien Soriano rappelait sa position d'« arbitre neutre ». La situation aurait néanmoins bougé puisqu'il ne serait plus question de blocs de 40 MHz, mais de 50 ou 60 MHz.
Depuis, nous sommes sans nouvelles de cette procédure qui devait normalement débuter en cette fin d'année. On attend aussi toujours que la Commission des Participations et des transferts (CPT) précise le prix de réserve des enchères, alors qu'il devait normalement être annoncé avant la fin de l'été.
Selon Reuters, des divergences entre le régulateur et Bercy seraient à l'origine du retard : « Tout n’a pas encore complètement convergé entre l’Arcep et le gouvernement [...] Ça ne devrait plus tarder, mais c’est quand on entre dans les derniers détails de la procédure que les difficultés apparaissent », affirme une source à nos confrères.
De son côté, le gouvernement confirme timidement le nouveau calendrier au Monde : « Il y a une procédure et des délais à respecter qui sont incompressibles qui nous amènent dans ces eaux-là [au printemps, ndlr] pour une attribution effective ». Bercy ajoute que la publication du cahier des charges et du prix de réserve se fera dans les « prochains jours, d’ici fin novembre à début décembre ».
FFT : « Les opérateurs sont prêts, depuis plusieurs mois maintenant »
Suite à ces grains de sable dans les rouages de la 5G, Arthur Dreyffus était ce matin l'invité de BFM Business. Il avait pour l'occasion enfilé sa casquette de président de la Fédération Française des Télécoms (il est également secrétaire général d'Altice-SFR). Pour rappel, la FFT regroupe les principaux opérateurs tels que Bouygues Telecom, Orange, SFR et Euro-Information Télécom, mais pas Iliad/Free qui brille depuis longtemps par son absence.
Il confirme qu'il « y a manifestement un certain nombre de discussions entre le régulateur et le gouvernement », sans donner plus de détails. Il ajoute par contre que « les opérateurs sont prêts, depuis plusieurs mois maintenant », notamment car ils ont « multiplié les expérimentations ces dernières années ». Contactée par nos soins, Iliad n'a pas souhaité faire de commentaire.
Il va même jusqu'à affirmer que les opérateurs sont « impatients », mais qu'ils ont besoin de clarifications avant de pouvoir se lancer. Premier sujet : le prix de réserve. Il doit à la fois satisfaire l'appétit vorace du gouvernement qui y voit une manne financière, mais aussi ne pas être trop élevé pour faire peur aux opérateurs et/ou freiner leurs investissements dans les réseaux.
Quid de Huawei ? La FFT veut « de la clarté »
Ensuite, le cas de Huawei soulève des questions : « Il faut de la clarté pour savoir si on a le droit ou pas d'utiliser tel ou tel équipementier [...] Vous n'avez pas un opérateur français qui a des équipements Huawei dans le cœur de réseau. En revanche est Huawei est très présent en France ; c'est le cas pour SFR et Bouygues Telecom dans les équipements radio ». Arthur Dreyffus rappelle au passage que pas moins de 5 millions de smartphones Huawei seraient en circulation dans l'Hexagone.
Selon le président de la FFTélécom, « si demain un équipementier était interdit, la France prendrait un retard considérable » qui pourrait durer « des mois et des années ». Il parle même d'un « retard insupportable » pour les collectivités et les usagers. Il faudra dans ce cas que des actions soient mises en place, comme c'est le cas aux États-Unis où Huawei est banni.
De manière générale, il ne souhaite évidemment pas que la France soit en retard... avant d'ajouter que nous ne sommes « pas en avance. Ce n'est pas une question de quelques mois, ce retard on va le rattraper, mais il ne faut pas tarder ». Il rejoint ainsi Sébastien Soriano, président de l'Arcep, qui nous affirmait début 2018 qu'il « ne faut surtout pas prendre de retard sur la 5G ».
Pour Agnès Pannier-Runacher, « la 5G c’est parti » (alors que non)
Pendant ce temps-là, Agnès Pannier-Runacher déclarait ce matin au Digiworld Summit : « La 5G c’est parti », comme le rapporte Le Figaro. Nos confrères ajoutent que « la ministre attend que lui soit transmis le cahier des charges établi par l’Autorité des télécoms (Arcep). Ce qui est une affaire de jours, voire d’heures ».
Une fois la taille des blocs et les obligations de couvertures connues, la Commission paritaire des transferts pourra établir le prix de réserve en quelques jours. Ensuite, il faudra attendre un « délai légal de huit semaines, pour les opérateurs puissent constituer leurs dossiers et candidater au processus d’attribution des enchères », expliquent nos confrères. Ce qui nous amène au mieux à fin janvier. L'Arcep aura ensuite quelques semaines pour les valider avant de lancer les enchères, au printemps donc.