Elon Musk est en forme, c'est le moins que l'on puisse dire. En l'espace de quelques jours, il a évoqué le coût opérationnel de Starship et un plan pour coloniser Mars en 20 ans, à grand renfort de chiffres qui semblent parfois sortis d'un chapeau magique.
Toujours aussi extravagant dans certaines déclarations, le patron de SpaceX (et Tesla) s'est livré à quelques estimations sur Twitter. On notera au passage qu'Elon Musk avait annoncé quitter Twitter il y a quelques jours... pour y revenir trois jours plus tard en effaçant le message d'adieu. Bref, circulez il n'y a rien à voir.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le patron de SpaceX est revenu plus en forme que jamais. Dans une série de messages, il évoque un plan – sur 20 ans – pour coloniser Mars, et parle également des coûts de (ré)utilisation de Starship. Mais de quoi est-il réellement question ? Il faut remonter quelques jours en arrière pour bien comprendre l'histoire.
Coûts opérationnels de Starship ? 2 millions de dollars selon Musk...
Le 5 novembre 2019, Elon Musk était l'invité surprise (selon Spacenews) de l'U.S. Air Force Space Pitch Day. Sur scène, il échangeait avec le lieutenant général J.T. Thomson, commandant du Space and Missile Systems Center pour l'armée de l'air américaine.
Il a commencé par affirmer une nouvelle fois que le réutilisable dans le petit monde du spatial était aussi important que dans le domaine des vélos, des avions, des voitures : « un véhicule géant réutilisable coûte beaucoup moins cher qu'un petit jetable [...] c'est le Saint Graal ».
... sans apporter le moindre élément concret
Il ajoutait qu'il faudrait dépenser environ 900 000 dollars de carburant et d’oxygène pour préparer Starship à un nouveau lancement et lui permettre de renvoyer « au moins 100 tonnes, probablement 150 tonnes en orbite ». Le dirigeant précise que, « si vous considérez les coûts opérationnels, peut-être que le montant total sera quelque chose comme 2 millions de dollars [...] c'est beaucoup moins qu'une toute petite fusée ».
L'un des principaux problèmes avec ces chiffres, c'est qu'il faut les croire sur parole. Jusqu'à présent, SpaceX n'a donné aucune information sur le coût de remise en état des premiers étages de ses fusées Falcon 9 et/ou des coiffes. Alors certes un premier étage devrait décoller lundi pour la quatrième fois, mais on ne sait toujours pas si l'opération est rentable et, le cas échéant, dans quelles proportions.
1 000 Starship et 20 ans pour une colonie martienne (toujours selon Musk)
Pour en revenir à la mise en place d'une colonie martienne, Elon Musk répond sur Twitter que le « budget [2 millions de dollars pour Starship, ndlr] devrait être de cet ordre de grandeur pour construire une ville autonome sur Mars ». Il estime ensuite qu'un « millier de Starship seraient nécessaires pour créer une ville durable sur Mars ».
En prenant en compte qu'on ne peut se rendre sur Mars par le chemin le plus court que tous les deux ans, il faudrait « environ 20 ans pour transférer un million de tonnes à la base Alpha de Mars, ce qui, espérons-le, serait suffisant pour la rendre durable ».
Cela représenterait donc une moyenne d'une dizaine de fenêtres de lancement pour faire décoller des fusées Starship, soit environ 100 Starship à chaque fois qu'une fenêtre est disponible (tous les deux ans pour rappel).
So it will take about 20 years to transfer a million tons to Mars Base Alpha, which is hopefully enough to make it sustainable
— Elon Musk (@elonmusk) November 7, 2019
« Starship est conçu pour voler trois fois par jour »
Il propose ensuite un autre calcul, sur la charge totale que SpaceX pourrait envoyer en orbite terrestre : « La charge utile en orbite par an de la flotte Starship est un indicateur époustouflant, car chaque Starship est conçu pour voler trois fois par jour, ce qui correspond à environ 1 000 vols par an »... Bien évidemment, c'est sans compter d'éventuelles remises en état et/ou inspections régulières, mais Elon Musk n'en parle pas.
« Si nous construisons autant de Starship que de Falcon, soit environ 100 véhicules et que chacun d'eux achemine 100 tonnes en orbite, la capacité sera de 10 millions de tonnes de charge utile par an en orbite ». Le calcul pour arriver à ce chiffre : 100 Starship x 100 tonnes de charge utile x 1 000 lancements par an = 10 000 000 de tonnes par an, CQFD.
Exporter la conscience à travers les étoiles
Il explique dans une autre série de tweets que coloniser Mars n'est pas qu'une solution de secours pour l'humanité : « Au début, en supposant que vous arriviez à rendre l'endroit vivable, Mars sera beaucoup plus dangereux et compliqué que la Terre, et cela prendra des décennies de dur labeur pour arriver à l'autosuffisance. C’est l’argument de vente, voulez-vous y aller ? ».
Il abonde par contre dans le sens d'un commentaire affirmant « qu'il ne s'agit pas de fuir, mais de survivre si les espèces d'une planète devaient être anéanties ». Pour Elon Musk : « C’est aussi un avenir beaucoup plus excitant et inspirant si la conscience se déploie parmi les étoiles, plutôt que de rester confinée à jamais sur Terre jusqu’à une éventuelle extinction, aussi lointaine qu’elle puisse être (très lointaine, espérons-le) ».
Michel Viso ne sera certainement pas du même avis...
Il y a quelques jours, Michel Viso (responsable astrobiologie au CNES), revenait sur un éventuel plan B pour l'humanité sur une autre planète, notamment Mars. Son discours était sans appel : « Cela ne peut pas marcher comme ça pour différentes raisons ».
Il s'expliquait : « les gens qui proposent ça pensent que l’homme peut vivre tout seul, sans la biodiversité qui l’entoure. Non seulement celle qu’on voit, mais aussi celle qu’on ne voit pas : la biodiversité microbienne qui représente 95 % de la masse vivante sur Terre ». Un discours à l'opposé de celui d'Elon Musk.
Il ne s'arrêtait pas en si bon chemin : « Les gens qui proposent ça [faire d'une autre planète un plan B pour l'humanité, ndlr] sont des criminels. Ils ne font pas rêver, ils vous endorment, ce sont des escrocs qui vous font croire que des choses sont possibles ».