Pour le Conseil d’État, #BigBrotherBercy est un cavalier budgétaire

Pour le Conseil d’État, #BigBrotherBercy est un cavalier budgétaire

Une collecte cavalière

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Marc Rees

Publié dans

Droit

06/11/2019 4 minutes
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Pour le Conseil d’État, #BigBrotherBercy est un cavalier budgétaire

À l’aide du projet de loi de finances, Bercy et les Douanes souhaitent pouvoir chaluter les réseaux sociaux et les sites de ventes en ligne tel le Bon Coin pour dénicher des indices de fraudes ou commerce illicite. Le Conseil d’État a dénoncé toutefois un cavalier législatif, dans son avis révélé par Next INpact.

La presse ne s’est pas beaucoup penchée sur l’article 57 du « PLF » pour 2020. Le texte va pourtant autoriser ces deux administrations à collecter en masse les informations publiques sur Facebook, Twitter, Le Bon Coin, les marketplaces, et autres sites analogues.

L’enjeu ? Aspirer un maximum de données qui viendront nourrir ensuite des algorithmes auto-apprenants pour détecter des traces de fraudes puis d’ouvrir au besoin une enquête ciblée sur les personnes en cause. La CNIL a déjà tiré la sonnette d’alarme. Elle dénonce un dispositif disproportionné puisqu’en pratique, les photos, textes, vidéos de dizaines de millions de personnes vont pouvoir être aspirés par le fisc et les Douanes avant passage au « data mining ».

Elle considère que des données sensibles pourront tomber dans les filets à cette occasion, comme les opinions politiques ou les orientations sexuelles. Autre crainte, celle d’une atteinte à la liberté d’information et d’expression. Se sachant surveillés, les internautes pourraient en effet modifier leurs comportements en ligne, à l’instar de ce que la commission a signalé à la ville de Saint-Étienne.

Un texte pouvant relever du pouvoir règlementaire

En commission des lois, quelques amendements portés par le rapporteur Philippe Latombe (MoDem) ont été adoptés pour encadrer ces aspirations. Saisie pour avis, elle suggère d’interdire la sous-traitance pour éviter que ces données soient collectées puis traitées par une société privée, par exemple américaine.

Un document avait toutefois été jalousement conservé par le gouvernement : l’avis du Conseil d’État que nous reproduisons ci-dessous. Ce 20 septembre dernier, soit quelques jours après l'avis de la CNIL, la section des finances ne montre pas vraiment la même sensibilité que l’autorité indépendante sur la question des données personnelles.

Elle indique ne pas avoir relevé « à ce stade, de risque sérieux d’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution au regard des finalités poursuivies et des principes généraux du dispositif envisagé ». Toujours selon cette branche spécialisée dans le domaine budgétaire, la collecte de masse, pourtant épinglée par la CNIL, engendre si peu de risque que le gouvernement pourrait se satisfaire d’un décret en Conseil d’État.

De fait, la prévalence du règlement général sur la protection des données (RGPD), conjugué à la loi de 1978 Informatique et Libertés, serait suffisante pour encadrer le mécanisme.

Un cavalier législatif

Un point plus sensible est cependant soulevé par la haute juridiction. Selon son constat, ces dispositions du projet de loi de finances (inscrites à l’article 57, numéroté F9 dans l’avant-projet) « se bornent à autoriser la collecte et l’exploitation de données au moyen d’un traitement automatisé par les administrations fiscale et douanière, sans doter celle-ci de prérogatives spécifiques, ni créer de procédures nouvelles de contrôle ou de recouvrement ».

Conclusion de cette instance spécialisée : « ces dispositions, qui ne concernent ni les ressources ni les charges de l’État et ne sont pas davantage relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui n’affectent pas l’équilibre budgétaire, ne relèvent pas du domaine de la loi de finances ».

Cette prose ne doit rien au hasard. Selon la loi organique de 2001, « les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État, ainsi que l'équilibre budgétaire et financier qui en résulte. Elles tiennent compte d'un équilibre économique défini, ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu'elles déterminent ». 

En d’autres termes, la section spécialisée y voit un véritable cavalier législatif qui n’a rien à faire dans le projet de loi de finances. Comme le texte passera inévitablement devant le Conseil constitutionnel, celui-ci devrait trancher cette question lorsque viendra le temps du contrôle.

Avis Conseil d'état Big Brother Bercy
Crédits : Next INpact.com

Écrit par Marc Rees

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Sommaire de l'article

Introduction

Un texte pouvant relever du pouvoir règlementaire

Un cavalier législatif

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Commentaires (18)


Etouffer l’avis du Conseil d’Etat du 20 septembre 2019 qui clairement remet en cause le véhicule pour faire passer ce texte, mais continuer à faire de la mousse dans les médias dessus tout en sachant qu’il ne passera pas le state du Conseil Constitutionnel s’il est adopté.



C’est un concept … <img data-src=" />








crocodudule a écrit :



Etouffer l’avis du Conseil d’Etat du 20 septembre 2019 qui clairement remet en cause le véhicule pour faire passer ce texte, mais continuer à faire de la mousse dans les médias dessus tout en sachant qu’il ne passera pas le state du Conseil Constitutionnel s’il est adopté.



C’est un concept … <img data-src=" />







Allez, tous En Marche vers le ravin.<img data-src=" />









Ricard a écrit :



Allez, tous En Marche vers le ravin.<img data-src=" />





Ah ben là je pense qu’ils sont déjà tombés, ont touché le fond, et qu’ils attaquent le sol à la pelle … <img data-src=" />









crocodudule a écrit :



Ah ben là je pense qu’ils sont déjà tombés, ont touché le fond, et qu’ils attaquent le sol à la pelle … <img data-src=" />







Me parle pas de pelle. J’ai retourné du béton toute la journée. <img data-src=" />









Ricard a écrit :



Me parle pas de pelle. J’ai retourné du béton toute la journée. <img data-src=" />





Je doute qu’eux se fatiguent à creuser, ils doivent déléguer aux attachés parlementaires <img data-src=" />



Quel est l’enjeu, puisque le cavalier risque d’être rejeté ? Lancer une réforme constitutionnelle ? Tenter le coup, et, le cas échéant, préparer une nouvelle loi distincte, expliquant que celle-ci avait déjà été votée précédemment, rejetée par le Conseil constitutionnel par pure forme, et que son adoption ne devrait être qu’une formalité ? Bref, faire de la politique politicienne afin d’empêcher les citoyens de prendre conscience qu’ils sont de plus en plus fliqués, et que leurs libertés, ici, la vie privée, sont grignotées en douce ?




Elle indique ne pas avoir relevé «&nbsp;à ce stade, de risque sérieux

d’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution au regard

des finalités poursuivies et des principes généraux du dispositif

envisagé&nbsp;».





&nbsp;:eek:


Le premier cavalier de l’apocalypse moderne est en marche !


L’enjeu est sûrement qu’après, ils se serviront des médias à leur botte pour faire de la pédagog… euh pardon, pour informer les citoyens que le corps législatif ne peut pas disposer des moyens pour fliquer les riches fraudeurs.



Ainsi, il sera possible de réformer ce qui gène car l’opinion publique gobera ce mensonge éhonté. Ça passera d’autant mieux que les journalistes éviteront les questions de fond.



Comment ça, j’exagère ? <img data-src=" />


“Dans le système législatif français, on appelle cavalier législatif un article de loi qui porte sur des mesures qui n’ont rien à voir avec le sujet dont traite le projet ou la proposition de loi en cours de discussion.



Cette pratique répond à la tentation d’introduire des dispositions législatives sans susciter l’attention des éventuels opposants ou en l’absence des spécialistes du sujet.”



http://www.toupie.org/Dictionnaire/Cavalier_legislatif.htm








TheKillerOfComputer a écrit :



L’enjeu est sûrement qu’après, ils se serviront des médias à leur botte pour faire de la pédagog… euh pardon, pour informer les citoyens que le corps législatif ne peut pas disposer des moyens pour fliquer les riches fraudeurs.



Ainsi, il sera possible de réformer ce qui gène car l’opinion publique gobera ce mensonge éhonté. Ça passera d’autant mieux que les journalistes éviteront les questions de fond.



Comment ça, j’exagère ? <img data-src=" />





Attention, tu vas avoir le droit a un contrôle fiscal avec tes idées subversives<img data-src=" />



Pour le coup, comme les données personnelles seront collectés sur des réseaux sociaux publics, on peut&nbsp; s’accorder avec le conseil d’États pour considérer que le risque de fuite de données n’est pas nécessairement le plus patent.








apm a écrit :



Pour le coup, comme les données personnelles seront collectés sur des réseaux sociaux publics, on peut  s’accorder avec le conseil d’États pour considérer que le risque de fuite de données n’est pas nécessairement le plus patent.





Où as-tu vu que le Conseil d’État parlait de fuites ?



&nbsp;quelle époque de merde


C’est la lecture du conseil d’état, le conseil constitutionnel peut avoir une lecture plus permissive en estimant par exemple que la lute contre la fraude fiscale permet à l’état d’assurer au mieux la collecte de l’impôt.








Sans intérêt a écrit :



Quel est l’enjeu, puisque le cavalier risque d’être rejeté ? Lancer une réforme constitutionnelle ? Tenter le coup, et, le cas échéant, préparer une nouvelle loi distincte, expliquant que celle-ci avait déjà été votée précédemment, rejetée par le Conseil constitutionnel par pure forme, et que son adoption ne devrait être qu’une formalité ? Bref, faire de la politique politicienne afin d’empêcher les citoyens de prendre conscience qu’ils sont de plus en plus fliqués, et que leurs libertés, ici, la vie privée, sont grignotées en douce ?





Une loi n’est jamais rejetée: Elle est passe juste un peu moins vite que possible.

Il suffit de la reformuler, de la re-proposer sous un autre nom, dans un autre contexte, encore & encore (si nécessaire en plusieurs bouts) jusqu’à ce qu’on veux.



La proposer en une fois comme ça permet d’habituer les gens aux concepts : A force de discussion, d’amendements, de reformulation, ce qui paraissait outrancier devient acceptable, puis accepté et voté.



On remarquera que ça ne marche jamais dans l’autre sens, ya un effet cliquet.









OB a écrit :



[…]

La proposer en une fois comme ça permet d’habituer les gens aux concepts : A force de discussion, d’amendements, de reformulation, ce qui paraissait outrancier devient acceptable, puis accepté et voté.



On remarquera que ça ne marche jamais dans l’autre sens, ya un effet cliquet.





Le droit est toujours en retard sur la morale. Et la morale peine toujours à entrer dans le droit.



En l’occurrence, la collecte massive de données (le fichage, comme on l’appelait dans les années 1970 ou le Big Data comme on l’appelait dans les années 2010) a tendance à entrer dans le droit car la préoccupation économique et la préoccupation d’ordre public en font, à tort ou à raison, un enjeu de plus en plus honorable et bénéfique dans notre société.









joma74fr a écrit :



&nbsp;car la préoccupation économique et la préoccupation d’ordre public en font, à tort ou à raison, un enjeu de plus en plus honorable et bénéfique dans notre société.







Le danger pour moi est que le prétexte à cette collecte ne soit que transitoire , et exposé QUE parce que, comme tu dis, elle est vue comme honorable & bénéfique.



En terme purement économique , à long terme une harmonisation fiscale entre pays et la lutte contre les évasions / fraude fiscale des entreprises serait très nettement plus bénéfique au plus grand nombre.



L’avantage d’une loi nationale, c’est qu’il n’y a que très peu de discussions et de compromis à faire , et ça va toucher plein de gens qui n’ont pas , directement, leur mot à dire.

Négocier des traités internationaux & implémenter des règles fiscales supra-nationales, ça prends des années , surtout quand on est pas en position de force.



La seule question que je me pose c’est de savoir si les personnes qui poussent à cette collecte savent déjà que les données seront utilisés dans quelques années à tout autre chose, ou bien si ils ne s’en rendent pas compte.



Si cette base est constitué par Bercy, à terme tout le monde pourra piocher dedans à loisir : Police, enquêteurs, assurances, cambrioleurs (via des fuites inéluctables).

De plus, le fichage par définition a un taux d’erreur important et un manque de contextualisation.&nbsp; Quand ces fichiers sont fabriqué par des entreprises avec comme finalité de t’envoyer des spam ou t’inonder de pub, c’est pénible… mais bon.



Mais là, on parle d’utiliser ces mêmes données, recueillie de la même façon, comme des faisceaux d’indices, voire de preuve à terme - à la manière chinoise.



Si la RGPD protège des entreprises privées, elle ne fait rien contre l’état. Déjà actuellement des enquêtes ont montrés que faire corriger des données dans des fichiers de police abouti rarement et que ces fichiers - pourtant remplis manuellement - sont truffés d’erreurs & d’homonymes.



Comme l’a dit l’un des député sur un article récent c’est une présomption de culpabilité, mais pire que ça : comme il n’y a pas de demande ni d’obligation de réalité, un simple mauvais choix d’algo peux te valoir un contrôle fiscal (par exemple). Le problème des contrôles fiscaux , même en règle, c’est le temps et l’emmerdement que ça prends (va rechercher un ticket de CB d’il y a 2 ans… faudrait ptet les dématérialiser d’ailleurs)

Et ça, c’est le meilleurs des cas , j’ose pas imaginer avec un gouvernement d’extrême droite ce qu’ils pourraient s’amuser. (Ho, ça fait 3 mois que t’a pas acheté un saucisson ? hum…)

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