Le gouvernement veut que le mesures de DAS ne se fassent plus à 5 mm, comme décidé précédemment par la Commission européenne, mais au contact. Il veut également renforcer l'application Open Barres et demander aux constructeurs d'agir sur la base du volontariat. Enfin, l'ANFR devra augmenter de 30 % ses contrôles de mobiles.
En début de semaine, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) publiait un épais rapport sur les « effets sanitaires éventuels liés aux valeurs élevées de DAS de téléphones mobiles portés près du corps ». Il avait été réalisé à la demande de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) et de la Direction générale de la santé (DGS).
Lire notre dossier sur l'exposition aux ondes, le DAS et les rapports et de l'ANFR :
- Ondes émises par les smartphones : #PhoneGate, risques sanitaires et mesure du DAS
- Le long chemin de la mise en ligne (partielle) des mesures du DAS de l'ANFR
- DAS : plongée dans les rapports détaillés de l'ANFR, sur les ondes émises par 442 téléphones
- Exposition aux ondes (DAS) : l'ANSES alerte et veut changer les règles
Vendredi, les ministres de la Transition écologique et solidaire, des Solidarités et de la Santé, et de l’Économie et des Finances lui emboîtent le pas et annoncent quatre « actions ». Certaines seront menées par l'ANFR, toujours pour « répondre aux préconisations formulées par l’ANSES ».
Les ministères rappellent que « l’avis ne met pas en évidence de danger grave et immédiat, mais souligne que les résultats des études scientifiques publiés à ce jour ne permettent pas d’exclure l’apparition d’effets biologiques chez l’homme au-delà de certains seuils ». Là encore, il s'agit d'une « approche de précaution » du gouvernement, un terme également utilisé par l'ANSES dans son rapport.
Comme le préconise l'ANSES, le gouvernement veut un DAS au contact
Dans les grandes lignes, l'ANSES était arrivée à la conclusion qu'il y avait effectivement « des effets biologiques, en particulier sur l’activité cérébrale liés à des expositions supérieures à 2 W/kg », mais uniquement « avec des éléments de preuve limités ». Elle en profitait pour émettre une série de trois recommandations. L'une d'entre elles demande que la mesure du DAS se fasse une distance de 0 mm (au contact) au lieu de 5 mm afin de représenter une situation certes « maximisante », mais surtout « réaliste de l’exposition » des utilisateurs de smartphones.
Le gouvernement suit totalement l'avis de l'ANSES sur ce point : « La France va demander à la Commission européenne de renforcer les exigences applicables aux nouveaux téléphones portables mis sur le marché. Comme le recommande l’ANSES, le gouvernement demandera que les tests d’homologation soient réalisés au contact de l’appareil, et non à 5 mm comme c’est le cas actuellement ».
Comment la valeur de 5 mm a-t-elle été fixée ?
Pour rappel, c'est effectivement la Commission qui a décidé de la distance de 5 mm, mais elle ne l'a pas fait seule. Début 2018, Gilles Brégant, directeur général de l'ANFR, nous relatait cette histoire : « La directive RED [directive européenne 2014/53/UE, ndlr] introduit une nouvelle notion : l'usage raisonnablement prévisible. Ça veut dire que les administrations ont aussi leur mot à dire sur ce qu'elles pensent raisonnable ».
« Nous on considère que ce n’est pas très raisonnable d'avoir une distance qui est à 25 mm, donc on a ouvert le débat avec la Commission [...] Maintenant que ça a été clarifié par la Commission, on considère que la conformité ne peut s'évaluer qu'à 5 mm. Ça a été précisé par l'association des organismes de contrôles européens dont on fait partie. Partout en Europe, 5 mm est la norme de fait ».
Avant cette directive, c'était au constructeur de fixer la distance, entre 0 et 25 mm. Or, comme nous l'avons déjà largement expliqué, le DAS augmente très rapidement lorsque le téléphone se rapproche du corps. « On a fait pression pour avoir quelque chose qui soit plus en rapport avec le téléphone moderne, un smartphone plutôt plat, avec un facteur de forme qui n'est plus du tout celui d'un Nokia des années 90 [...] On a dû faire des mesures expérimentales à 0 et 5 mm pour donner des idées à la Commission sur les nouvelles valeurs à retenir », nous expliquait encore le directeur général de l'ANFR.
Désormais, la France souhaite donc passer à 0 mm, comme le demandaient depuis le début certaines personnes et associations.
Renforcer l'application Open Barres
La seconde « action » du gouvernement concerne le développement de nouveaux outils par l'ANFR. Ainsi, l’application mobile Open Barres « sera complétée d’ici la fin de l’année afin de permettre à chaque utilisateur de connaître les émissions de son modèle de téléphone mobile ». Il n'est pas précisé s'il s'agit des mesures effectuées lors des tests de conformité avant la mise sur le marché, des résultats de laboratoires mandatés par l'ANFR, ou des deux le cas échéant.
Ce n'est pas tout : « Les distances d’usage recommandées seront également indiquées sur le site de l’ANFR (data.anfr.fr), qui mentionne déjà les distances pour les téléphones contrôlés, ainsi que sur l’application "Open Barres". À la condition d’une bonne coopération des fabricants, elles seront disponibles également d’ici la fin de l’année ».
Nous avions déjà évoqué cette piste avec l'ANFR début 2018. En effet, chaque smartphone dispose d'un dossier de certification payé par le fabricant et réalisé dans un laboratoire certifié. Mais il existe une importante limitation sur le vieux continent : « Différence de l'Europe par rapport aux États-Unis : ces documents ne sont pas publics », ils sont protégés par le secret des affaires et accessibles uniquement aux administrations autorisées.
La disponibilité de ces documents permettrait en plus à l'ANFR de cibler certains smartphones s'approchant des limites réglementaires. Jusqu'à présent, l'Agence ne récupère le dossier de certifications qu'après avoir prélevé un smartphone dans le commerce.
Le gouvernement rêve d'une « démarche volontaire » des fabricants
Troisième point : « Le gouvernement réunira les principaux constructeurs afin qu’ils s’engagent dans une démarche volontaire à mettre à jour les logiciels de leurs modèles mis sur le marché avant l’application des normes récentes, plus restrictives en termes d’émissions ».
L'idée sous-jacente est de ne plus avoir de smartphone avec un DAS dépassant allégrement la limite des 2 W/kg au contact. Mis en vente avant l'application de la directive RED en 201/20176, certains n'auraient pas forcément pu l'être en 2018/2019. Trois exemples : Polaroid Pro 881A, Huawei 4X et HTC One SV à plus de 7 W/kg. Il ne s'agit pas de cas isolés puisque des dizaines (voire des centaines) de références dépassent les 2 W/kg au contact.
Une idée qui va sans aucun doute dans le bon sens, mais plusieurs questions restent en suspens : à quoi correspondent « les principaux constructeurs » ? Le volontariat sera-t-il suffisamment incitateur pour les fabricants ? Une mise à jour logicielle sera-t-elle toujours possible ? Espérons que cette « action » sera suivie de faits pour ne pas rester que de simples paroles en l'air.
« Hall of Fame » des mesures de l'ANFR
30 % de contrôles supplémentaires par l'ANFR... quid du budget ?
Enfin, « le contrôle par l’ANFR des produits mis sur le marché sera intensifié de 30 % en 2020 », sans plus de précision. La hausse de 30 % sera-t-elle reconduite en 2021 et les années suivantes ? Ce n'est malheureusement pas indiqué.
L'Agence ausculte environ une centaine de smartphones par an actuellement. Gilles Brégant nous expliquait que les vérifications sont coûteuses et payées par de l'argent public, pris sur la subvention versée par le ministère... dont il n'est pas précisé si elle sera augmentée en conséquence. Interrogé, le ministère n'a pas donné suite pour le moment.
Pour rappel, la méthode de sélection de l'ANFR est la suivante : « On fait un premier test exploratoire et si on voit que le téléphone mérite qu'on creuse, on en fait d'autres. En revanche si on voit qu'il affiche des valeurs montrant qu'il n'y a probablement pas de soucis, on préfère consacrer un test approfondi à un autre modèle ». L'ANFR « préfère tester plus de téléphones avec le même budget, que moins de téléphones à fond ». « On cherche des infractions, pas à refaire le contrôle », nous expliquait le directeur général de l'Agence.
Enfin, le gouvernement rappelle « six bons comportements » pour utiliser son smartphone afin de réduire son exposition aux ondes :
- Utiliser un kit main-libre
- Privilégier les messages texte pour communiquer
- Privilégier les zones de bonne réception
- Éviter de maintenir votre téléphone à l’oreille dans les transports
- Choisir un téléphone mobile ayant un débit d’absorption faible
- Éviter les conversations trop longues