Facebook : fuite d’une réunion entre Zuckerberg et des employés

De la fuite dans les idées
Internet 7 min
Facebook : fuite d’une réunion entre Zuckerberg et des employés

The Verge a pu récupérer deux heures d’enregistrement audio provenant d’une réunion datant de juillet entre Mark Zuckerberg et une assemblée d’employés. Une session de questions/réponses révélant l’état d’esprit du PDG, à la grande colère d’Elizabeth Warren, sénatrice américaine et candidate à la présidence.

La période est on ne peut plus trouble pour Facebook. D’un côté, l’entreprise est sortie de ses problèmes les plus urgents : 5 milliards de dollars pour la FTC et 100 millions pour la SEC. Le tout assorti de très bons résultats financiers, dépassant les attentes des investisseurs.

De l’autre, la réputation de l’entreprise semble irrémédiablement ternie par les scandales à répétition, dont le plus important : Cambridge/Analytica. Et pendant que les régulateurs nationaux critiquent sa cryptomonnaie Libra, des candidats aux élections américaines – Elizabeth Warren en tête – ont déclaré vouloir démanteler l’entreprise (et plus généralement les GAFAM).

« Je n’ai pas envie d’une bataille juridique contre notre propre gouvernement »

Et voilà que The Verge a obtenu deux heures d’enregistrement audio provenant d’une réunion datant de juillet entre Mark Zuckerberg et des employés, abordant des questions posées par ces derniers en vue d’une session QA (questions/réponses), a priori fréquente au sein de l’entreprise. On y retrouve les thèmes mentionnés précédemment, et les inquiétudes liées au refus systématique du fondateur et PDG d’aller affronter les auditions européennes.

Plusieurs points forts ressortent de ces échanges. Il confirme que le réseau social serait probablement plongé dans une grande bataille juridique si Elizabeth Warren était élue. Zuckerberg semble cependant certain de l’emporter, mais il regretterait pareille situation : « Est-ce que ça craint quand même pour nous ? Ouais. Je veux dire, je n’ai pas envie d’une bataille juridique contre notre propre gouvernement ».

Démantèlement contre union coordonnée

Elizabeth Warren n’a pas tardé à réagir. Sur Twitter, elle a redit sa volonté de rendre « les grandes sociétés technologiques comme Facebook, Google et Amazon responsables ». Dans un autre tweet, elle reprend la formulation de Zuckerberg : « Ce qui craindrait vraiment, ce serait de ne pas réparer un système corrompu qui permet aux sociétés géantes comme Facebook de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles, de piétiner les droits des consommateurs à la vie privée et de fuir de manière répétée leurs responsabilités de protéger notre démocratie ».

Mais Zuckerberg estime que briser les grandes sociétés nuira à la lutte contre les interférences pendant les élections, un domaine dans lequel l’entreprise a été copieusement critiquée.

Selon lui, les sociétés « comme Google ou Amazon » doivent donc coordonner leurs efforts. Mais pas Twitter, qui prend une pique au passage, provoquant les rires de l’assistance : « Nos investissements dans la sécurité sont plus importants que le chiffre d’affaires complet de leur entreprise ».

C'est surtout une belle contradiction : face à une candidate jugeant que la taille de ces entreprises fait peser une menace sur les élections, il estime que seule cette taille est à même de permettre une surveillance de l'évènement. Surveillance que dénonce précisément Elizabeth Warren.

Contrôle total, Libra et auditions européennes

Il évoque également son contrôle absolu sur la société, qui l’aurait aidé à traverser des phases complexes pour Facebook, notamment la tentative de rachat par Yahoo en 2006. Il ajoute : « Et c’était important parce que, sans ça, il y a plusieurs points pour lesquels j’aurais été viré ». Il comprend la « peur » engendrée par cette situation, au croisement de sa position unique au sein d’une société « très puissante ».

Au sujet de Libra, il dit ne pas être inquiet. Les fortes résistances des régulateurs auraient même été prévues : l’approche du projet était ainsi « davantage consultative », Facebook ne se contentant pas d’activer la fonction du jour au lendemain dans ses applications.

Il n’hésite pas à jouer la carte du PDG interloqué sur les demandes d’auditions : « Je ne vais pas me rendre à chaque nouvelle audition dans le monde. Beaucoup de gens veulent faire ça. Quand les problèmes sont apparus l’année dernière sur Cambridge Analytica, j’ai fait des auditions aux États-Unis. J’en ai fait en Europe. Ça n’a pas beaucoup de sens je trouve d’aller à des auditions dans le moindre pays qui a envie que je me montre et, franchement, n’a pas la compétence de le demander ».

Conditions stressantes pour les modérateurs : des rapports « exagérés »

Autre thème récurrent dans les questions des employés : des inquiétudes liées aux modérateurs de contenus sur Facebook. Un travail ayant depuis longtemps la réputation d’être stressant, voire traumatique.

Zuckerberg reconnaît la situation : c’est un « problème sérieux sur lequel nous sommes concentrés ». Tout en ajoutant que certains rapports étaient « un peu exagérés ». Son argumentation ? Sur 30 000 personnes, la variété des expériences vécues est forcément très diverse. Il assure cependant que Facebook « fera tout » pour soutenir les personnes « ayant les pires expériences ».

Mike Schroepfer, directeur technique de Facebook, complète alors la réponse, ajoutant que des travaux sont en cours pour réduire ces frictions, notamment une détection automatique des doublons.

Le PDG confirme en outre ses plans d’attaque contre TikTok, dont le succès chez les jeunes utilisateurs ne se dément pas. La propre application de Facebook, Lasso, est toujours en développement. Elle sera testée dans des marchés où TikTok est moins utilisée, comme le Mexique.

Sur l’image de Facebook et les critiques massives

Le PDG se fait quelque peu fataliste quand il aborde la question de l’image. L’équation est selon lui très simple : au vu de la concentration que représente Facebook, les critiques sont inévitables. « Les gens vont se servir de la position de l’entreprise et la mienne pour nous critiquer. Je pense que c’est, à un certain degré, quelque chose de normal que nous devons simplement gérer et s’attendre à voir arriver », estime Zuckerberg.

Il pense quand même que la structure, telle qu’elle existe aujourd’hui, a « bien servi la communauté ». « Mais nous subirons beaucoup de critiques. Que ce soit à cause de ça ou de la concentration des grandes entreprises en général, je pense que nous devons assimiler que si ce n’était pas ça, ce serait quelque chose d’autre », ajoute-t-il.

Il reconnait toutefois que les inquiétudes actuelles sont légitimes et que, quel que soit le débat, Facebook doit s’y « engager humblement ».

Il explique également que s’il est « toujours concentré davantage sur la substance […] et un peu moins sur la perception », l’entreprise n’a « plus ce luxe désormais ». Pourquoi ? Parce que « les critiques les plus dévastatrices » touchent aux motivations, pas à la substance. « Donc soit on s’en fiche parce qu’on tient juste à faire de l’argent, parce qu’on est une entreprise. Soit on se fiche de certains problèmes parce que nous sommes partiaux », résume le PDG.

Estimant qu’il est « dur de briser ces perceptions », il indique aux employés qu’ils ont un rôle à jouer dans leur entourage. Ce constat fait suite à leur demande récurrente sur la position à adopter quand ils sont face à des personnes ayant une mauvaise image de Facebook.

Il leur propose donc d’être des « ambassadeurs » de l’entreprise, mais à leur entière discrétion. Il pousse néanmoins en ce sens : « Dans les conversations que j’ai, même avec nos plus gros critiques, je trouve juste que s’asseoir, parler aux gens et leur faire savoir que nous nous sentons concernés par les problèmes, qu’il y en a et que vous travaillez à les résoudre... je pense que ça fait une grande différence ».

Au sujet des transcriptions publiées par The Verge

Mark Zuckerberg n’a pas cherché à nier le moindre de ses propos ni même n’a affiché de surprise. Dans une publication sur Facebook hier matin, le patron du réseau social rappelle qu’il fait ce genre de session questions/réponses avec des employés, qui peuvent « demander n’importe quoi ». il dit « partager ouvertement » ce qu’il pense « sur tous les types de projets et problèmes ».

Il rappelle qu’il y a déjà eu des fuites et n’hésite pas à donner lui-même le lien vers l’article de nos confrères. On peut dès lors se poser la question de l’adaptation de ses réponses à la perspective d’une « fuite » si ces sessions se mettent à fuiter régulièrement. Le discours franc et ouvert pourrait laisser place à un exercice de communication plus classique.

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