Google devait s’attendre à une tempête. Elle n’aura pas tardé. Son choix de faire disparaître les très courts extraits de sa page Actualités, lui évitant de payer les droits voisins, fait sursauter les défenseurs des industries culturelles.
Le moteur a annoncé aujourd’hui un changement de ses pages Actualités ainsi que toutes celles de son écosystème. Alors que les éditeurs et agences se frottaient les mains, en prévision de la rémunération de leurs « droits voisins », Google leur a coupé l’herbe sous le pied.
Comment ? L’entreprise américaine n’affichera tout simplement plus les extraits d’actualités. Seuls perdureront les liens hypertextes, lesquels font l’objet d’une exception prévue par le législateur. L’affichage de ces « snippets » ne disparait pas. Il va devenir une option ouverte aux éditeurs et agences. Conclusion : s’ils l’activent, ce sont eux qui en prendront la responsabilité et… ne seront donc pas rémunérés.
Cataclysme ! Voilà un article phare de la directive sur le droit d'auteur dézingué par la cible prioritaire de cette planche à billets ! « Les déclarations de Google sur la question de la rémunération ne sont pas admissibles » réagit Franck Riester qui tient à rappeler « l’objectif politique poursuivi par la création du droit voisin, et sa traduction dans la loi » : « permettre un juste partage de la valeur produite, au bénéfice des plateformes, par les contenus de presse. De ce point de vue, la proposition de Google n’est évidemment pas acceptable ».
La Rue de Valois en « appelle à une véritable négociation globale entre Google et les éditeurs : la définition unilatérale des règles du jeu est contraire à la fois à l’esprit de la directive et à son texte ».
Google contourne la loi, selon le sénateur David Assouline
« Google devrait montrer plus de respect pour la France en appliquant la loi (dont je suis l’auteur) au lieu de la contourner. Ce géant doit payer la part infime de ses revenus colossaux pour financer la production professionnelle d’informations. À la France de ne pas se laisser faire » ajoute sur Twitter David Assouline.
Le sénateur à l’origine de la loi de transposition nous répond, toujours sur le réseau social, qu’ « au lieu de payer pour les très courts textes et les images comme prévu par la loi, Google décide de ne plus les utiliser alors qu’il le faisait abondamment auparavant. Google défie l’esprit de la loi pour ne pas payer et ne pas participer au financement de la presse ».
Google se contente, comme expliqué, de se faufiler dans la brèche de l’exception des liens hypertextes. Un abus de droit ? Une position dominante ? Julia Reda, ex-eurodéputée, s’adresse sur son compte à « ceux qui vont maintenant prétendre inévitablement qu’il s’agit d’un problème concurrentiel » : « les éditeurs ont déjà argumenté en ce sens en Allemagne ».
Outre-Rhin, le législateur avait introduit un droit voisin en 2014, mais déjà Google avait su optimiser ses positions pour éviter de payer ces sommes. « Les autorités antitrust avaient cependant fait remarquer à juste titre que le fait de ne pas utiliser une offre payante ne constitue pas une violation de ces lois ».
Pour l’ancienne représentante du Parti Pirate, « Google ne peut pas être contraint à payer pour utiliser des extraits d’articles de presse ». Elle rappelle un point important de la décision allemande : « si le résultat constitue un inconvénient pour les moteurs de recherches de moindre envergure, ce n’est pas la faute de Google, mais de la loi sur le droit d’auteur ».