Le projet de loi « énergie et climat », qui a récemment fait l’objet d’un compromis entre Assemblée et Sénat, ne contient aucune mesure concernant les panneaux lumineux. Dans les deux chambres, des parlementaires se sont pourtant élevés en faveur d’une interdiction des écrans publicitaires.
« Un panneau lumineux consomme autant d’énergie que trois foyers ; ce n’est pas rien ! » a dénoncé l’écologiste Ronan Dantec, lors des débats au Sénat, le 17 juillet dernier.
D’après l’élu, les écrans publicitaires, qui pullulent notamment en ville, jusque dans les transports en commun, incarnent les « contradictions » et « aberrations » de notre société : « Si l’on veut mobiliser la population en faveur de [la transition écologique], il ne faut pas que nos concitoyens aient le sentiment que, dans l’espace public, on accepte à peu près l’inverse du message qu’on leur tient sur la sobriété. »
Faut-il de ce fait interdire purement et simplement ces nouveaux dispositifs destinés à mieux capter l’attention de passants toujours plus sollicités ? C’est ce qu’ont tenté différents députés et sénateurs ces dernières semaines – en vain.
Des panneaux « énergivores » pointés du doigt
Dès le 27 juin, à l’Assemblée nationale, les députés LFI sont montés au créneau pour réclamer une interdiction des « dispositifs publicitaires numériques » (sur proposition de l’association France Nature Environnement). « Alors que la France s’est fixée des objectifs de baisse de sa consommation d’énergie, ces panneaux publicitaires ne sont pas utiles à la collectivité dans un contexte d’urgence climatique et de transition énergétique », lance alors Danièle Obono.
L’élue a ainsi pointé du doigt ces appareils « énergivores lors de leur fabrication », et qui ont besoin de « beaucoup d’énergie » pour fonctionner.
Delphine Batho a de son côté soutenu un amendement prévoyant une prohibition de toutes les « publicités lumineuses », afin de cibler également les panneaux rétroéclairés. « Aucune économie d’énergie ne peut être considérée comme négligeable », se justifie l’ex-ministre de l’Écologie.
Ces arguments n’ont toutefois pas fait mouche auprès de la majorité. Le rapporteur comme le gouvernement se sont sèchement opposés à ces amendements, l’heure tardive des débats (dans la nuit du jeudi au vendredi) n’aidant visiblement pas à la discussion.
Seul le député Julien Aubert est intervenu pour s’inquiéter de l’impact économique d’une telle interdiction. « La loi aurait des effets dès demain sur les entreprises du secteur de la publicité numérique : leur activité devenant interdite, vous les tuez », a ainsi prévenu l’élu LR.
« Si nous voulons engager une véritable transition écologique et énergétique, il va falloir modifier certaines spécialités et former les salariés à de nouvelles pratiques. D’après les études nombreuses sur le sujet, cette évolution permettrait de créer 900 000 emplois », rétorque alors Danièle Obono.
Julien Aubert n’en démord pas pour autant : « C’est une analyse magnifique, facile à défendre lorsque l’on n’est pas concerné », raille le parlementaire.
Sans surprise, tous les amendements visant à interdire les panneaux publicitaires numériques comme lumineux sont rejetés.
Second round de débats au Sénat
Le 17 juillet, au Sénat, ce sont les écologistes, socialistes et communistes qui prennent le relais pour un second round de débats.
« Les effets néfastes de l’éclairage nocturne sur la santé humaine et, plus généralement, sur les écosystèmes sont de mieux en mieux connus. Ils sont particulièrement graves sur les êtres vivants : ils déboussolent les animaux et ont des effets négatifs sur les plantes », ajoute alors Angèle Préville (PS).
D’après la sénatrice, ces panneaux, lorsqu’ils sont placés au bord des routes, constituent en outre « un danger pour la sécurité routière, car les stimuli lumineux attirent prioritairement l’attention visuelle des conducteurs, au détriment des informations importantes ».
« Chacun ici partage la volonté de réduire, voire de supprimer, tous les usages superflus d’énergie », concède le rapporteur, Daniel Gremillet. L’élu LR objecte néanmoins qu’il s’avère « très difficile » de définir précisément ce qui est visé derrière l’expression de « dispositif publicitaire numérique ». « On pourrait se demander pourquoi seuls les écrans lumineux seraient interdits, et non les panneaux déroulants ou rétroéclairés, entre autres », poursuit-il.
Surtout, le rapporteur fait valoir que « les maires peuvent d’ores et déjà (...) réglementer l’installation et le maintien de ces publicités numériques ». De plus, « les publicités et préenseignes lumineuses doivent déjà être éteintes [entre une heure et six heures du matin] dans les agglomérations de moins de 800 000 habitants ».
Un appel à évaluer la réglementation d'ores et déjà en vigueur
« L’on avance sur ces questions », embraye ensuite la ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, les yeux rivés sur un arrêté pris en décembre 2018 afin de limiter la pollution lumineuse (en voir l’analyse de l’association ANPCEN).
« S’assurer de la bonne application des dispositions et des interdictions existantes est déjà un véritable enjeu », confesse surtout la ministre. Élisabeth Borne a ainsi appelé les parlementaires à « creuser davantage ces sujets, afin de mettre à plat ce qui est déjà interdit et ce qui est laissé à la main des maires, de rappeler les conditions de mise en œuvre des interdictions qui existent déjà et de reprendre ce sujet après une véritable évaluation et une concertation avec les collectivités concernées ».
Comme à l’Assemblée, l’initiative s’est donc soldée par un échec. Il n’y aura d’ailleurs plus de « fenêtre de tir » supplémentaire, un compromis ayant été trouvé le 25 juillet en commission mixte paritaire (où siègent sept députés et sept sénateurs) au sujet du projet de loi « énergie et climat ». Le texte devrait être définitivement adopté à la rentrée.
« Même une mesure de bon sens comme l’interdiction des publicités lumineuses n’a pas passé le test des lobbies », a pour sa part dénoncé Adeline Mathien, en charge des questions Énergie pour France Nature Environnement.