Un capteur acoustique est actuellement testé sur la commune de Saint-Forget, afin de mesurer le bruit excessif émis notamment par certaines motos. Une expérience qui pourrait en amener d’autres, les députés ayant récemment ouvert la porte au développement de dispositifs de contrôle automatisé.
Après les radars automatiques, les radars de feux rouges, les « radars tronçons » ou même les « radars piétons », verra-t-on bientôt des « radars de bruit » fleurir le long de certaines routes ?
Depuis le 15 juillet, l’association Bruitparif effectue différents relevés de décibels par le biais d’un capteur acoustique, installé le long de la D91, à Saint-Forget (Yvelines). Une route composée de nombreux virages, qui attirent les motards et autres conducteurs appréciant de se « tirer la bourre »...
« Installé en haut d'un mât, ce capteur, totalement paramétrable, dispose de quatre microphones qui détectent les bruits environnants dix fois par seconde. Ceux-ci peuvent être associés, selon leurs fréquences, à des engins et donc reconnaître aisément une moto voire une auto très bruyante », racontait Le Parisien la semaine dernière.
Fanny Mietlicki, la directrice de l’association Bruitparif (qui a développé ce capteur), nous explique que « le décalage temporel de l'arrivée de l'onde sonore entre les quatre micros permet de déterminer les angles de provenance du bruit, et donc de localiser cette provenance ».
Le fameux appareil, appelé « Méduse », est également équipé d’un capteur photographique. « On reconstitue comme ça la provenance du bruit, et, dans le cadre d'un véhicule, sa trace acoustique au cours de son déplacement », poursuit Fanny Mietlicki.

Une sorte de « radar acoustique pédagogique », dans un premier temps
Initialement, la Méduse était destinée à certains quartiers animés de la capitale. Face à l’exaspération des riverains, le centre d’observation du bruit en Île-de-France a cependant décidé de s’installer à Saint-Forget, pour se focaliser sur les nuisances provenant des véhicules – ne dépassant pas forcément les limitations de vitesse, du fait par exemple du surrégime dans les virages.
Avec cette expérimentation de dix-huit mois, Bruitparif et élus locaux espèrent pouvoir installer d’ici septembre des afficheurs pédagogiques de part et d'autre du capteur, pour sensibiliser les conducteurs lorsqu'ils font trop de bruit. « On va envoyer des messages, un peu comme les radars de vitesse pédagogiques », explique Fanny Mietlicki.
Vers une procédure de « contrôle à la volée »
Certains lorgnent cependant déjà sur l’étape suivante : l’instauration d’un contrôle automatisé. L’expérimentation menée à Saint-Forget n’est pourtant pas destinée à cela. « Notre capteur est un capteur à visée scientifique, d'étude », souligne en ce sens Fanny Mietlicki. Précisant : « Les photos prises par la Méduse ne sont pas stockées, elles sont floutées de manière à ce qu'on ne reconnaisse pas de personnes ou de plaques d'immatriculation, par exemple. On ne conserve aucune donnée personnelle. »
« Mais il est clair que notre technologie pourrait être pertinente en vue d’un radar acoustique-sanction », poursuit la directrice de Bruitparif.
Jean-Noël Barrot, le député (Modem) des Yvelines, a justement fait adopter en juin dernier, avec le soutien du gouvernement, un amendement autorisant les forces de l’ordre à « tester une procédure de contrôle à la volée des niveaux sonores émis par les véhicules, notamment par les deux roues, afin de pouvoir sanctionner les comportements routiers bruyants perçus par des radars acoustiques ».
Formellement, les députés ont ainsi approuvé le principe d’une expérimentation de deux ans, dédiée à « la constatation des niveaux d’émissions sonores des véhicules par des appareils de contrôle automatique ». Les détails de mise en œuvre de cette initiative seront cependant fixés ultérieurement, par décret.
Pour que cette expérimentation voit le jour, il faudra surtout qu’elle soit tout d’abord approuvée par le Parlement, le projet de loi d’orientation des mobilités étant appelé à faire l’objet d’une nouvelle lecture, dès la rentrée, au Sénat.
De nombreuses problématiques techniques et juridiques
L’hypothèse d’une telle réforme suscite toutefois beaucoup d’interrogations, voire de craintes. « Le bruit est complexe à mesurer, a par exemple fait valoir Hubert Gourden, de la Fédération française des motards en colère, auprès du Parisien. Celui d'une moto est calculé selon un rapport de tours par minute bien précis. Or, quand on passera devant ce capteur, on aura du mal à faire la comparaison avec ce régime. Comment va-t-on prouver que je suis en faute, surtout si c'est un groupe de motards qui passe ? »
Pour l’heure, la Méduse de Bruitparif est incapable d’identifier les véhicules dont elle mesure le bruit. « Pour la détection des engins trop bruyants, il va falloir changer notre mode de fonctionnement, reconnait Fanny Mietlicki, pour passer soit sur de la vidéo en continu, soit sur un couplage avec une caméra de lecture de plaques d'immatriculation. » Un partenariat avec un professionnel du secteur des radars sera alors impératif.
Le développement d’un radar acoustique « nécessite encore des travaux supplémentaires », confie au passage la directrice de Bruitparif. « Nous ne sommes pas encore sur ce volet-là. Il faudra au minimum deux ans, d'un point de vue technique, pour bien identifier le protocole qui pourrait être mis en place pour certifier qu'un engin dépasse les normes autorisées. »
Sur le plan juridique, les problématiques pourraient également s’avérer nombreuses : « Est-ce qu'on vise les niveaux d'émission figurant sur les cartes grises des véhicules ? Est-ce que la réglementation évolue pour imposer un niveau de bruit « au passage » pour tout engin, à ne pas dépasser en zone urbaine, par exemple ? Il y a plein de questions qui se posent », explique Fanny Mietlicki.