Au Sénat, débats autour de l’affichage en temps réel de la consommation électrique

Le jus de la fortune
Droit 5 min
Au Sénat, débats autour de l’affichage en temps réel de la consommation électrique
Crédits : iStock/vchal

Depuis l’année dernière, les fournisseurs d’électricité sont censés fournir à leurs clients (bénéficiaires du chèque énergie) un « dispositif déporté » d’affichage en temps réel de leur consommation, dès lors qu’ils sont équipés d’un compteur Linky. Cette réforme, jugée trop coûteuse, est en passe d’être revue par le Parlement.

« L'obligation de mettre des afficheurs déportés à disposition des bénéficiaires du chèque énergie équipés de compteurs communicants, prévue par la loi « Transition énergétique » du 17 août 2015 et qui devait s'appliquer à compter du 1er janvier 2018, n'a jamais été mise en œuvre », a déploré une fois de plus le Sénat, la semaine dernière, dans le cadre des débats autour du projet de loi « relatif à l’énergie et au climat ».

Pour aider les foyers modestes à maîtriser leur consommation de gaz et d’électricité, le législateur avait effectivement souhaité qu'un « dispositif déporté » de « transmission des données de consommation, exprimées en euros », soit mis gratuitement à la disposition des bénéficiaires du chèque énergie, à partir de l’année dernière. Un « affichage en temps réel » était même prévu en matière d’électricité.

Une réforme estimée à 272 millions d'euros

« En pratique, aucun afficheur déporté n'a à ce jour été installé en raison du coût de la mesure », a regretté le rapporteur Daniel Gremillet (LR) lors des débats en commission.

Le gouvernement a ainsi fait savoir à la Haute assemblée que le coût global de cette réforme – appelé à être compensé par l’État – pourrait atteindre 272 millions d’euros (sur une base de 3,8 millions de bénéficiaires du chèque énergie). Un chiffre d’ailleurs amené à être réévalué à la hausse, le fameux chèque ayant été accordé à 2,2 millions de foyers supplémentaires cette année.

Afin « d’assurer le déploiement du dispositif selon le meilleur ratio coût-bénéfice », le député Damien Abad (LREM) a fait voter, fin juin, avec l’appui de l’exécutif, un amendement destiné à ce que cet affichage des données de consommation d’électricité puisse également se faire via une application pour smartphones ou tablettes.

Une piste accueillie favorablement par la commission des affaires économiques du Sénat. « Pour de nombreux ménages, la mise à disposition des données via une application aura (...) plus d'impact sur la gestion de sa consommation au quotidien que la consultation, épisodique et probablement amenée à décliner peu de temps après l'équipement, d'un écran supplémentaire dont ce serait la seule fonction », a ainsi fait valoir Daniel Gremillet.

Le gouvernement veut rendre l'afficheur déporté purement facultatif

Le rapporteur a toutefois voulu aller plus loin : « Il est essentiel que pour tous les consommateurs qui ne disposent pas ou ne maîtrisent pas ces outils, un afficheur déporté demeure obligatoire. » La commission a ainsi adopté un amendement précisant que les consommateurs « qui ne disposent pas ou ne maîtrisent pas les supports de consultation d'une application dédiée » pourront bénéficier d'un « dispositif d'affichage déporté », tel qu’un petit boitier, « affichant pour l'électricité des données en temps réel ».

L’objectif reste le même : revoir le dispositif prévu en 2015 pour « assurer sa mise en œuvre effective et rapide », tout en « optimisant son coût pour la collectivité, ce que permettent notamment les nouveaux outils numériques dont la diffusion s’est accrue, y compris parmi les consommateurs en situation de précarité énergétique, depuis la loi de 2015 », s’est justifié Daniel Gremillet.

Le gouvernement ne l’entend toutefois pas de cette oreille. « Les discussions menées avec les fournisseurs ont montré que les coûts du dispositif étaient supérieurs à ceux initialement envisagés », confirme l’exécutif au travers d’un amendement qui devrait être discuté cette semaine en séance publique.

La nouvelle ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, s’apprête ainsi à proposer la disparition du « dispositif déporté » prévu par la loi de 2015. Les fournisseurs de gaz et d’électricité auraient de ce fait toute latitude pour remplir leur obligation de « transmission des données de consommation, exprimées en euros » : application pour smartphone, site web, courrier, boîtier, etc.

Des fournisseurs d'énergie qui pourraient être mis à contribution

Le gouvernement espère surtout qu’en supprimant cette obligation de proposer un afficheur déporté, la fourniture d’un tel équipement puisse à l'avenir être financée par EDF, Engie, Total, etc. via le dispositif des certificats d’économie d’énergie. À l’heure actuelle, cela reste impossible, ces certificats ayant uniquement vocation à encourager des comportements n’étant pas exigés par la réglementation...

Daniel Gremillet, le rapporteur du Sénat, a néanmoins fait savoir qu’il préférait rester sur un financement purement public. « L'alternative entre afficheur déporté et application dédiée permettra de réduire les coûts pour le budget de l'État », estime l’élu LR. Ce dernier craint surtout qu’en faisant reposer le coût de cette réforme sur les certificats d’économies d’énergie, ce soit les consommateurs, « dont les ménages en situation de précarité énergétique », qui règlent au final l’addition, par le biais de leurs factures.

Même si le Sénat rejetait l’amendement du gouvernement au profit des dispositions adoptées sous l’impulsion de Daniel Gremillet, resterait à voir quel sort leur serait réservé par les députés.

Lors des débats à l’Assemblée, le député Julien Aubert (LR) avait fait part de ses réserves à l’égard de ce dispositif : « Les personnes pouvant réagir à un stimulus les conduisant à modifier leur logement ou à y effectuer des travaux font plutôt partie de la classe moyenne (...). Les ménages précaires, eux, aimeraient améliorer les performances énergétiques de leur logement mais ne le peuvent pas. »

L’élu s'était au passage efforcé de mettre en garde la majorité, étant donné qu’il n’existe pas d’étude relative aux ondes que pourraient émettre les fameux afficheurs déportés : « Compte tenu de la très grande sensibilité de nos concitoyens vis-à-vis de ce type de dispositif, n’allez pas provoquer une seconde vague de protestations, avait lancé Julien Aubert. Le jour où vous déploierez de tels afficheurs déportés, vous aurez besoin d’apporter des garanties sanitaires en matière d’ondes. »

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