Les députés LREM ont déposé un amendement au projet de loi d’orientation des mobilités (LOM). Son objet ? Interdire aux applications de cartographies et autres GPS d’identifier des contrôles routiers en cours.
« L’impact de la mesure est de l’ordre de 0,1 % du linéaire de réseau routier français, étant entendu que seules sont visées les routes nécessaires pour éviter que la diffusion de position des forces de l’ordre ne puisse donner lieu à un trajet d’évitement », assurent les parlementaires de la majorité.
Dans le cadre du débat autour de la future LOM, ces élus ont donc injecté un amendement pour interdire la possibilité, via des applis de cartographies dynamiques, de signaler par messages la présence d’un contrôle routier.
Ils ont de fait repris pour leur compte une disposition qui avait d’abord été programmée par un décret en gestation, puis intégrée par le gouvernement dans l’avant-projet de LOM, mais finalement disparue dans le texte déposé.
À ce jour, l’article R413-15 du Code de la route prohibe déjà le fait de détenir ou transporter un appareil « de nature ou présenté comme étant de nature à déceler la présence ou perturber le fonctionnement » d’un radar.
Cette interdiction est également applicable « aux dispositifs ou produits visant à avertir ou informer de la localisation d'appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation routière ». Mais le texte d’ordre simplement réglementaire ne vise que ces opérations de contrôle de vitesse, pas plus.
L’amendement déposé par le groupe LREM prévoit en conséquence que lors de la réalisation de certains contrôles routiers, impliquant l’interception des véhicules, le préfet pourra interdire « à tout exploitant d’un service électronique d’aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation, de rediffuser au moyen de ce service tout message ou toute indication émis par les utilisateurs de ce service dès lors que cette rediffusion est susceptible de permettre aux autres utilisateurs de se soustraire au contrôle. »
Ces opérations concernent le contrôle d’alcoolémie ou de stupéfiants, ceux commandés par les articles 78‑2-2 ou 78‑2-4 du code de procédure pénale (trafic d’armes, d’explosifs, vol, recels, prévention des atteintes graves à la sécurité, etc.).
S’y ajoutent la recherche de personnes pour des crimes ou délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement, de fichés S, celles qui ont fait l’objet d’une décision de placement d’office en établissement psychiatrique ou sont évadés d’un tel établissement.
Occultation impérative de tous les messages et indications
L’interdiction de rediffusion se matérialisera par l’occultation de « tous les messages et indications qu’il aurait habituellement rediffusés aux utilisateurs dans un mode de fonctionnement normal du service ».
Elle ne concerne que les exploitants d’un service électronique d’aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation, pas les autres acteurs (d’autres automobilistes communiquant entre eux, directement, par exemple).
Ce grand sommeil pourra durer (au maximum) deux ou douze heures suivant le type d'opérations menées. Le périmètre de l’occultation sera enfin vaste : dix kilomètres autour du point de contrôle routier hors agglomération ou deux kilomètres en agglomération.
Comme dans l’avant-projet du gouvernement, il est prévu que certaines opérations ne pourront jamais être occultées. Il s’agit d’évènements prévus par le droit européen qui doivent au contraire faire l’objet d’un service « d’informations minimales universelles sur la circulation » : route temporairement glissante ; animal, personne, obstacle, débris sur la route ; zone d’accident non sécurisée ; travaux routiers de courte durée ; visibilité réduite ; conducteur en contresens ; etc.
Des questions pratiques à régler dans un futur décret
Le texte ne rentre pas dans les détails concrets de la mise en œuvre. Cette mission est dévolue à un décret en Conseil d’État qui devra fixer les modalités de détermination des voies ou portions de voies concernées par l’interdiction, les modalités de communication avec les exploitants de service électronique d’aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation et enfin « les mesures destinées à assurer la confidentialité des informations transmises ». Un point crucial pour la solidité du dispositif.
Des problèmes concrets vont tôt ou tard devoir être tranchés. Reviendra-t-il aux autorités d’identifier l’ensemble des services de navigation ou bien à ces derniers de se manifester pour être prêts à recevoir les ordres d’occultation ?
Une certitude, le service contrevenant risquera deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende s’il ne respecte pas l’interdiction de diffusion ou bien s’il exploite les données à une autre fin.
Cet amendement vient mettre en pratique l’une des préconisations du plan du Comité interministériel de la sécurité routière qui prévoyait dès 2018 de « permettre aux forces de l’ordre, à leur demande, de suspendre temporairement les systèmes de localisation de leur contrôle d’alcoolémie et de stupéfiants », ou encore à l’occasion d’opérations de lutte contre le terrorisme et la criminalité.
Le texte sera examiné en séance durant les deux premières semaines de juin.