Les députés imposent la mise en ligne de certaines rémunérations de fonctionnaires

Réforme opporthunes
Droit 4 min
Les députés imposent la mise en ligne de certaines rémunérations de fonctionnaires
Crédits : Delpixart/iStock

L'Assemblée vient d’adopter un amendement qui obligera de nombreuses administrations à dévoiler le montant cumulé des dix meilleures rémunérations versées à leurs agents. En revanche, il n’y aura pas de mise en ligne des agendas de certains hauts fonctionnaires, l'exécutif s'étant opposé à cette proposition portée par Matthieu Orphelin.

« Les très hauts fonctionnaires en charge de la préparation des projets de loi et des décisions publiques sont amenés à rencontrer des représentants d’intérêts. De telles rencontres, qui sont utiles à la « fabrique » des décisions publiques, doivent devenir plus transparentes » a répété le député du Maine-et-Loire, vendredi dernier dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.

Reprenant l’argumentaire de l’association Transparency International France, l’élu (ex-LREM) a surtout fait valoir que les citoyens étaient en droit de « comprendre comment se font les interactions entre la société civile et les responsables publics, afin d’appréhender de façon plus juste l’empreinte normative et législative des lobbies ».

Au travers d’un amendement au projet de loi sur la fonction publique, Matthieu Orphelin proposait ainsi que les directeurs d’administrations centrales soient tenus de « publier en ligne leurs réunions avec des représentants d’intérêts » : porte-paroles d'associations ou d'entreprises, etc.

Une transparence « pas nécessairement opportune » aux yeux du gouvernement

Le député a toutefois essuyé un avis défavorable de la rapporteure, Émilie Chalas (LREM), ainsi que du gouvernement. « Il ne nous semble pas opportun de créer une règle spécifique pour les directeurs d’administration centrale » s’est tout d’abord justifié Olivier Dussopt.

Le secrétaire d’État en charge de la fonction publique a ainsi souligné que la législation relative au lobbying visait notamment les relations entre représentants d’intérêts et « membres du gouvernement, ceux des cabinets ministériels, les parlementaires et leurs collaborateurs, les présidents et membres des AAI – autorités administratives indépendantes – et des API – autorités publiques indépendantes –, et les fonctionnaires « nommés dans l’un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient », dont les directeurs d’administration centrale ».

Le représentant du gouvernement a ensuite objecté que les « réunions » visées par Matthieu Orphelin étaient « généralement préparatoires, et donc souvent, sinon même la plupart du temps, légitimes ». Elles relèvent en ce sens « d’un travail de réflexion dont la publication ou la publicité automatiques ne nous paraît pas nécessairement opportune », a soutenu Olivier Dussopt.

Face à ces explications, Matthieu Orphelin a préféré retirer son amendement. Ce dernier n’a donc pas été soumis au vote de l’Assemblée.

La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) aurait peut-être rétorqué, comme elle l’affirmait dans son dernier rapport d’activité, que la publication de ces agendas « fournirait aux citoyens une compréhension inédite de l’action quotidienne de leurs responsables publics ». Mieux encore : cela pourrait « modifier certaines idées reçues » sur la charge de travail des décideurs, « et ainsi contribuer à renforcer la confiance ».

Des rémunérations plus transparentes

Les députés ont revanche adopté les amendements, soutenus par le groupe majoritaire, destinés à améliorer la transparence sur les traitements des fonctionnaires. Il est ainsi prévu que certaines administrations diffusent chaque année, sur leur site Internet, « la somme des dix rémunérations les plus élevées des agents relevant de leur périmètre, en précisant également le nombre de femmes et d’hommes figurant parmi ces dix rémunérations les plus élevées ».

Sont ainsi concernés :

  • Les « départements ministériels »
  • Les régions
  • Les départements
  • Les villes de plus de 80 000 habitants
  • Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 80 000 habitants
  • Les établissements publics hospitaliers dotés d’un budget de plus de 200 millions d’euros

« S’il est nécessaire d’avoir une haute fonction publique compétente et mieux rémunérée pour attirer les talents il y a aussi une exigence citoyenne pour une plus grande transparence de ces rémunérations » se justifiaient notamment les porteurs de cette réforme.

Ces derniers ont reçu le soutien du gouvernement, qui a exprimé par la voix d’Olivier Dussopt sa « volonté d’améliorer la publicité et la transparence sur les plus hautes rémunérations ».

En commission, le secrétaire d’État avait néanmoins prévenu que l’exécutif s’opposerait à toute « publication de listes nominatives mentionnant la rémunération à l’euro près de ceux qui sont concernés ». Le dispositif retenu ne permettra donc pas de savoir combien gagne tel directeur d’hôpital (par exemple). Il sera simplement possible d’effectuer une moyenne pour avoir un ordre d’idée.

Du « name & shame » pour les récalcitrants

Sur les bancs de l’opposition, le député Olivier Marleix a toutefois mis en garde la majorité : « Votre amendement est formidable, mais si, d’ici à la deuxième lecture, vous n’y ajoutez pas la possibilité d’une sanction ou de substitution par le préfet, après mise en demeure, en cas de non-respect de cette nouvelle obligation légale par l’exécutif local, je pense malheureusement qu’il ne se passera rien ou presque ».

Olivier Dussopt a alors rétorqué que le gouvernement pourrait rendre publique la liste des collectivités qui n’auront pas satisfait à leur obligation, dans le cadre d’un rapport annuel au Parlement, plus largement consacré aux rémunérations dans la fonction publique (et prévu par le projet de loi débattu à l’Assemblée). « Ce ne sera pas une sanction pécuniaire ou en droit, mais être cité en exemple pour son opacité me paraît susceptible d’avoir un impact assez fort, car il faut avoir la capacité de l’assumer », a fait valoir le secrétaire d’État.

Une fois adopté par les députés, le projet de loi de « transformation de la fonction publique » sera transmis au Sénat, pour une première lecture.

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