LED et lumière bleue : des risques avérés pour la santé, les recommandations de l'Anses

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LED et lumière bleue : des risques avérés pour la santé, les recommandations de l'Anses
Crédits : tommaso79/iStock

L'Anses vient de publier un épais rapport des effets sur la santé (phototoxicité, perturbation du sommeil, maux de tête...) et l'environnement des systèmes utilisant des LED, qui sont de plus en plus nombreux. Plusieurs recommandations sont également formulées.

Les LED consomment moins d'énergie. Pas étonnant qu'elles soient donc souvent mises en avant dans une utilisation écoresponsable. Elles ne sont pour autant pas dénuée de défauts.

« À ce jour, la méthode la plus rentable économiquement pour fabriquer des LED consiste à combiner une diode émettant une longueur d'onde courte (dans le bleu) avec un luminophore jaune, pour produire de la lumière blanche », explique l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Risque sanitaire et lumière bleue : l'Anses persiste et signe

Problème, « les composantes intenses dans la partie bleue du spectre de la lumière émise par les LED, ainsi que les intensités de rayonnement associées posent la question de nouveaux risques sanitaires liés à ces sources d’éclairage ». C'est donc un sujet que suit de près l'Anses.

Dans son dernier rapport de 458 pages, l'Agence confirme « la toxicité de la lumière bleue sur la rétine et met en évidence des effets de perturbation des rythmes biologiques et du sommeil liés à une exposition le soir ou la nuit à la lumière bleue, notamment via les écrans et en particulier pour les enfants ». Il n'est donc pas question des LED uniquement, mais celles-ci peuvent augmenter notablement l’exposition à la lumière bleue.

Rappelons que l'Anses s'était déjà penchée sur la question en 2010. À l'époque, elle recommandait « d'adapter le cadre règlementaire et normatif » et « d'informer le consommateur des risques sanitaires liés à l’usage des systèmes d’éclairage par LED ». Qu'en est-il aujourd'hui ?

On s'était dit rendez-vous dans 10 ans...

Presque 10 ans plus tard, la situation « s’est a priori améliorée » en matière d’éclairage domestique. Les lumières sont généralement plus chaudes, appartiennent « a priori » au groupe 0 ou 1 (nous y reviendrons) et sont moins éblouissantes. Néanmoins, l'utilisation des LED s'est répandue comme une trainée de poudre durant cette période. Elles dépassent largement le cadre des dalles des écrans (smartphones, tablettes, télévisions, etc.).

Peu à peu, elles ont remplacé les ampoules à incandescences et les halogènes dans de nombreux usages, notamment auprès du grand public pour l’affichage, la signalisation, les jouets, les objets de décoration, les éclairages (publics), les phares des voitures, etc.

  • Lumière bleue ANSES

Cette situation fait que nous sommes potentiellement plus exposés aux LED, et donc à la lumière bleue et à ses effets toxiques. Dans le même temps, les risques sanitaires sont mieux documentés grâce à des études scientifiques plus nombreuses. C'est notamment le cas de la phototoxicité – un mécanisme d’altération cellulaire induit par la lumière qui peut conduire à la mort cellulaire – de la dérégulation de l’horloge biologique, de l'éblouissement et des conséquences sur la faune et la flore. 

Ce long rapport sur les effets sur la santé humaine et sur l’environnement des LED a été commandé à l’Anses fin décembre 2014 par cinq plusieurs « Direction générale » : santé, travail, prévention des risques et répression des fraudes. Quatre ans plus tard, il est là. 

Des experts et plus de 600 publications passées au crible

L'Anses a mis sur pied un groupe d'experts qui s'est réuni 25 fois entre septembre 2015 et mai 2018. Des contributions extérieures sont également de la partie avec de nombreuses auditions, ainsi que l'analyse de plus de 600 publications scientifiques sur le sujet. 

Quelques rappels avant d'entrer dans le vif du sujet : « En couplant une LED bleue à une couche de phosphore, habituellement jaune, on obtient une lumière blanche. Les proportions respectives d’émission de bleu et de jaune permettent d’avoir un blanc plutôt "froid" ou plutôt "chaud" ».

Si la proportion de bleu dans le spectre lumineux est grande, alors la lampe émet une lumière ressemblant à celle du soleil de midi. Elle est dite froide (et sa température est aux alentours de 6500 K). Au contraire, si le rouge domine, elle ressemble au soleil couchant et elle est dite chaude (environ 2700 K). La température (Kelvin) est généralement écrite cette sur les boîtes des ampoules.

Vous voyez certainement venir le problème : les lumières froides qui nous entourent ont tendance à recrées une ambiance comme si nous étions le midi pour l'organisme, ce qui est problématique lorsqu'il s'agit d'aller se coucher, sans même parler d'un dérèglement du rythme biologique.

Perturbation des rythmes circadiens et du sommeil 

Cela ne surprendra donc certainement personne, mais « la perturbation des rythmes circadiens [cycles biologiques avec une durée de 24h environ] induite par l’exposition à une lumière riche en bleu [provenant d'une LED ou non, ndlr] en soirée ou la nuit est considérée comme avérée ». C'est le cas de la latence à l'endormissement, de la durée et de la qualité du sommeil. 

Les personnes les plus sensibles sont les enfants – des nourrissons, aux jeunes adultes de moins de 20 ans –, les femmes enceintes avec des effets sanitaires « potentiels » sur l’enfant à naître, les travailleurs de nuit et les personnes avec des troubles du sommeil.

Par contre, l’exposition à la lumière bleue améliore les performances cognitives et augmente le niveau de vigilance de jour comme de nuit, c'est du moins ce qu'affirme l'Agence dans son rapport.

Lumière bleue ANSES
Crédits : Dr. Dina ATTIA

La phototoxique , ou le risque pour les cellules

D'autres facteurs de risques sont étudiés par l'Anses. Les experts rappellent en effet qu'une exposition aiguë à une lumière intense est phototoxique : elle peut entrainer la perte irréversible de cellules rétiniennes, pouvant aller jusqu'à la cécité totale. Un exemple : regarder une éclipse solaire sans dispositif de protection adéquate. 

Par contre, « les données disponibles ne permettent pas de quantifier précisément le risque de survenue de pathologies oculaires lié à l’exposition aux LED », notent les experts. Faute d'un « manque de données » encore une fois, les effets chroniques liés à exposition une lumière froide à faible dose, notamment les ordinateurs et les smartphones ne peuvent pas être évalués eux non plus.

Néanmoins, « le risque de toxicité aiguë des LED à usage domestique "blanc chaud" basse température de couleur) est faible », affirme le rapport. Pour faire simple, privilégiez si possible les ampoules avec une température basse (aux alentours de 2700 K). 

Dans tous les cas, le rapport met en avant un point important : « De nombreuses études montrent que les valeurs limites d’exposition (VLE) retenues par l’Icnirp [International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection, ndlr] pour la toxicité rétinienne de la lumière ne sont pas suffisamment protectrices ». Pour certains, elles seraient même trop élevées d'un facteur 20.

Éblouissement, confort visuel et danger pour la peau

Là encore, il n'y a pas assez de données pour quantifier précisément les risques d'éblouissement et le confort visuel liés aux LED. Néanmoins, les experts estiment que « certains dispositifs d’éclairage incluant des LED peuvent conduire à un risque d’éblouissement important : les lampes torches, les phares automobiles, les spots à LED, matrices de LED, etc. ». L'Anses en profite pour tacler au passage des fabricants de lampes à LED :  « si certaines ont un meilleur rendu de couleur qu’il y a quelques années, celui-ci reste perfectible ».

Toujours selon le rapport, la lumière bleue (LED ou non) pourrait avoir un effet nocif sur la peau, accélérant le vieillissement et retardant les processus de cicatrisation, alors que la lumière rouge (entre 590 et 700 nm de longueur d'onde) aurait les vertus inverses.

Néanmoins, il faut relativiser : « compte tenu des niveaux d’exposition associés à un usage domestique des éclairages à LED et de la faible profondeur de pénétration des rayonnements optiques bleus dans la peau, que le risque de survenue de pathologies cutanées lié à une exposition à la lumière bleu issue des LED est faible ». 

Sont principalement concernés, les nouveaux nés exposés à une photothérapie à LED. L'Anses en profite pour lancer un appel : « l’effet cancérogène (induction de mélanome) retardé induit par une photothérapie à LED bleues pour traiter l’ictère néonatal devrait faire l’objet d’une attention particulière ». Sur cinq études, trois auraient montré un nombre accru de nævus (grains de beauté) communs ou atypiques chez les enfants exposés, indiquent les scientifiques.

Migraines, fatigue visuelle, accidents, crises d’épilepsie...

Selon la fréquence des sources de lumière, des effets perceptibles par l'œil humain peuvent arriver : papillotement (flicker), effet stroboscopique et réseau fantôme. Cela peut aussi être dangereux pour les épileptiques. « Cependant, les fréquences de modulation des lampes et luminaires à LED disponibles sur le marché sont trop élevées pour déclencher des crises chez ces personnes »... sauf dans certains cas ou la fréquence est anormale à cause d'un produit défectueux ou d'une incompatibilité avec le variateur.

Plus embêtant : « certains éclairages autonomes sur les vélos (rechargement par induction magnétique) sont très fortement modulés (pourcentage de modulation de 100 %) à des fréquences variant avec la vitesse du cycliste. À certaines vitesses, les modulations temporelles se situent dans la bande la plus critique pour le déclenchement de crises d’épilepsie, autour de 15 Hz ».

Pour voir ce qu'il en était, les experts ont diligenté des mesures sur 53 dispositifs. 18 lampes (environ 34 %) ont une modulation temporelle très faible (moins de 1 %). 12 (environ 23 %) sont entre 1 et 15 % (semblable à celui des lampes halogènes et fluocompactes), 14 (environ 26 %) sont comprises entre 12 % et 70 % et enfin les 9 dernières (environ 17 %) ont un pourcentage de modulation très élevé allant de 70 à 100 %.

Ainsi, « certains lampes et luminaires à LED possèdent des niveaux de modulation suffisamment élevés pour que l’effet de réseau fantôme soit perceptible, spécialement en situation de conduite automobile ». Le risque existe, mais il faut prendre en considération un autre élément : « Les données scientifiques ne permettent pas de conclure à l’existence ou non d’un effet de la perception de l’effet stroboscopique ou de réseau fantôme sur l’accidentologie lors de la manipulation de machines ou d’outils, ou sur les routes ».

Les protections sont-elles efficaces ?

Dans la suite de son analyse, l'Anses s'est penchée sur les lunettes spécifiques de protection et les verres ophtalmiques traités contre la lumière bleue. Le premier est plus efficace que le second, mais aucun des deux ne l'est suffisamment « pour être considéré comme un équipement de protection individuelle (EPI) ». 

De plus, « il est impossible d’affirmer que ce filtrage est suffisant pour empêcher la diminution de la sécrétion de mélatonine induite par une exposition lumineuse en soirée et les effets de retard à l’endormissement qui peuvent être associés », ajoute l'Agence.

Des écrans revendiquant une limitation de l’émission de lumière bleue ont été testés par l'Anses... sans réelle efficacité à la clé.

Un autre problème est qu'il n'y a pour le moment pas d'indice normalisé pour mesurer l'efficacité d'un produit. Par contre, « la diminution de la température de couleur (passage au blanc chaud) et de la luminosité des écrans a, en revanche, montré une certaine efficacité sur la diminution de la quantité de bleu dans le spectre ». 

Pour rappel, les systèmes d'exploitation modernes (Windows, macOS, Linux, Android, iOS, etc.) permettent de programmer automatiquement une diminution des lumières bleues à partir d'une certaine heure. Si ce n'est pas encore fait, il est peut-être bon de l'adopter. 

LED Windows lumière bleue

La faune, la flore et la pollution lumineuse

Le rapport de l'Anses ne se contente pas d'étudier les effets sur l'Homme : « Quel que soit l’écosystème étudié, la tendance générale relevée dans la littérature scientifique montre, à long terme, une augmentation de la mortalité et un appauvrissement de la diversité des espèces animales et végétales étudiées dans les milieux éclairés la nuit, y compris par des éclairages à LED ». 

Selon les experts du groupe de travail, « le changement des technologies d’éclairage par des LED pourrait augmenter ou diminuer la pollution lumineuse, en fonction des choix retenus pour l’éclairage public, d’intérieur, de mise en valeur architecturale et paysagère, etc. ».

Parmi les facteurs aggravants : les enseignes, les affiches et publicités lumineuses, l'éclairage des zones commerciales, agricoles et industrielles, des parkings extérieurs, etc. A contrario, « le remplacement des lampes de l’éclairage public (sur la voirie) et d’intérieur par des LED pourrait contribuer à réduire la pollution lumineuse, en ciblant davantage les zones à éclairer (et donc en limitant la diffusion) ».

Des conclusions inquiétantes

Cette nouvelle analyse conforte les résultats de 2010 et permet d'établir plusieurs points en rapport direct avec la lumière bleue, présente dans les LED et dans les ampoules avec une lumière froide : 

  • sur la rétine, l’effet phototoxique d’une exposition aiguë est avéré
  • l’effet sur le long terme de la contribution à une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est avéré
  • la perturbation des rythmes circadiens induite par l’exposition en soirée ou la nuit est avérée
  • augmentation de la mortalité et appauvrissement de la diversité des espèces animales et végétales dans les milieux éclairés la nuit

Enfin, « une forte proportion de lampes à LED testées présentent des performances dégradées (modulation temporelle importante). Sans que le risque sanitaire associé à l’exposition à cette modulation ne soit déterminé, certaines personnes (enfants, adolescents et jeunes adultes, opérateurs de machines et conducteurs de véhicules…) pourraient être plus sensibles aux effets potentiels sur la santé induits par cette modulation de la lumière : maux de tête, fatigue visuelle, risque accidentel, etc. ».

Recommandations pour les pouvoirs publics et les usagers

Fort de ses constatations, l'Anses émet plusieurs recommandations. La première série s'adresse aux pouvoirs publics (et donc indirectement aux particuliers) qui devraient notamment renforcer leurs informations sur : 

  • la nécessité de limiter l’exposition à des lumières riches en bleu (LED ou autres), avant le coucher et pendant la nuit
  • l’importance de renforcer le contraste lumineux entre le jour et la nuit en augmentant l’exposition à la lumière naturelle en journée et en limitant l’exposition à la lumière artificielle avant l’heure du coucher et la nuit.
  • l'effet phototoxique de la lumière de certains dispositifs d’éclairage à LED comme les lampes torches et frontales, jouets, phares automobiles, guirlandes décoratives à lumière bleue, etc. 
  • l’efficacité très disparate des moyens de protection

L'Agence aimerait que les pouvoirs publics limitent le nombre d’installations lumineuses en extérieur et réduisent les surfaces des zones éclairées au strict nécessaire. Elle demande aussi la création d'espaces protégés « sans éclairage artificiel ».

Dans le secteur automobile, l'Anses souhaite « limiter la luminance des phares de véhicules (sans forcément réduire le flux global, et donc la distance de visibilité) ».

Plusieurs pistes de recherches sont également évoquées pour améliorer nos connaissances.

Réviser les valeurs limites, mesurer l'efficacité des protections

Au niveau national, l'Anses recommande de « faire respecter la réglementation sur l’extinction des éclairages intérieurs émis vers l’extérieur et l'illumination des façades de bâtiments et celle sur l’extinction des enseignes publicitaires ». Au niveau européen, il est demandé « de réviser les valeurs limites d’exposition aux rayonnements optiques proposées par l’Icnirp, de façon à les rendre suffisamment protectrices vis-à-vis du risque phototoxique ». 

La création et l'obligation de marquage d’un indice d’efficacité sur les moyens de protection à la lumière bleue sont aussi évoqués, ainsi qu'une norme européenne précisant les conditions de mesure pour éviter que les fabricants fassent leurs tambouilles internes, comme c'était le cas avec le DAS des smartphones à une période.

Toujours sur les écrans à LED, l'Agence aimerait « imposer la généralisation de la possibilité d’abaisser automatiquement la température de couleur (passage au blanc chaud) et la luminosité des écrans de téléphones mobiles et tablettes avant l’heure du coucher ».

Mieux encadrer les groupes réglementaires

Enfin, au niveau réglementaire, l'Agence recommande de limiter la mise à disposition des systèmes à LED (lampes, luminaires, objets et notamment jouets) auprès du grand public au groupe 1 au maximum.

Il existe quatre groupes de risques :

  • Groupe 0 : « sans risque »
  • Groupe 1 : « risque faible »
  • Groupe 2 : « risque modéré »
  • Groupe 3 :  « risque élevé »

Dans le groupe 0, le temps d'exposition pour dépasser les valeurs limites de I'Icnirp est supérieur à 10 000 secondes, soit près de 3h. Dans le groupe 1, le temps est supérieur ou égal à 100 secondes seulement (moins de deux minutes), contre 0,25 seconde pour le groupe 2. Pour le dernier, on passe sous 0,25 seconde. La différence est donc importante entre les Groupe 2 et 3.

Actuellement, les lampes doivent se limiter au groupe de risque de niveau 0 ou 1 selon la norme NF EN 62471. Néanmoins, pour les luminaires non portatifs, « il n’existe pas de limitation du groupe de risque, mais uniquement une obligation d’avertir le consommateur en cas de groupe de risque supérieur ou égal à 2 ».  Pour le reste des produits, rien n'est précisé. 

Problèmes, des « dispositifs lumineux appartenant à un groupe de risque 2 (lampes-torches, lampes frontales, jouets ou certains phares automobiles) sont disponibles sur le marché ». L'Anses souhaite donc mettre en place une restriction plus importante en limitant « la mise à disposition des systèmes à LED (lampes, luminaires, objets et notamment jouets) auprès du grand public à ceux de groupe de risque inférieur ou égal à 1 ».

 

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