Projet de loi Mobilités : panorama des amendements liés aux nouvelles technologies

LOM au volant
Droit 9 min
Projet de loi Mobilités : panorama des amendements liés aux nouvelles technologies
Crédits : metamorworks/iStock

Le projet de loi d’orientation des mobilités sera ausculté cette semaine à l'Assemblée, en commission du développement durable. À cette occasion, plusieurs amendements déposés concernent de près ou de loin le secteur des nouvelles technologies. Tour d’horizon.

Déjà adopté par le Sénat, le projet dit LOM entend « améliorer concrètement la mobilité au quotidien de tous les Français et dans tous les territoires » selon sa présentation. Parmi les amendements déposés en commission, l’un envisage de « lever les barrières juridiques sur la protection des données individuelles pour permettre aux collectivités d’instaurer un péage urbain positif ».

En clair ? Cet amendement CD2448 entend autoriser les collectivités à mettre en place un système de caméras de surveillance, non pour prévenir les infractions ou faciliter la poursuite de leurs auteurs, mais pour identifier les usagers et récompenser ceux qui n’utilisent pas les infrastructures routières durant les heures de pointe. C’est le péage urbain positif.

Techniquement, le système reposerait sur l’identification des plaques d’immatriculation (système LAPI). Le traitement enregistrerait ensuite le nombre de trajets par jour de la semaine et par tranche horaire au regard de la congestion.

« Ce dispositif mis en place notamment à Rotterdam a rencontré un franc succès, puisqu’il aurait permis de réduire le trafic de 5  à 10 % en quelques années, ce qui est suffisant pour désengorger une autoroute aux heures de pointe » annoncent les neuf députés LREM signataires du texte.

Un amendement de repli a été déposé dans le même sens pour expérimenter à tout le moins ce dispositif durant trois ans (sur cinq départements).

Des caméras sur les bus

Les caméras ont également toute l’attention de l’amendement CD1552. L’article 31 du texte prévoit qu’à titre expérimental et durant deux ans cette fois, les opérateurs de transport public de voyageurs puissent utiliser des caméras frontales embarquées dans les matériels roulants.

Cet enregistrement permanent est destiné à prévenir, mais aussi analyser les accidents de transport. Les fichiers en lien avec de tels incidents seraient conservés durant six mois, voire sans limitation de durée si les données personnelles y sont anonymisées.

Par contre, « les enregistrements qui ne sont pas en lien avec un incident ou un accident de transport ne peuvent pas être exploités et doivent être supprimés automatiquement dans un délai maximal de quinze jours ».

L’amendement des députés LR estime que cette durée de 15 jours est trop courte. Les élus souhaitent qu’elle soit portée à 30 jours, comme le prévoyait d’ailleurs initialement le texte, avant d’être corrigé au Sénat. « Les images issues des systèmes de vidéo protection des transporteurs doivent pouvoir être conservées dans des délais particuliers adaptés aux enjeux de sécurité en cause, comme l’a crument rappelé une affaire récente relative à un accès d’une jeune femme à un bus de la RATP. »

L’amendement Dashcams

Dans l’amendement CD1662, des élus du groupe LR, encore, veulent cette fois autoriser l’usage de ces caméras de bord par tout usager de la route « aux fins de fournir des enregistrements vidéo pouvant déterminer les responsabilités en cas d’incident ou d’accident ».

« De nombreux pays ont d’ores et déjà démocratisé l’usage des caméras embarquées, dites dashcams, afin de garantir aux usagers de la route la possibilité de s’appuyer sur des preuves irréfutables en cas de litige » relatent ces élus.

Selon eux, ces usages permettent « d’améliorer la sécurité juridique des personnes souhaitant prouver leur bonne foi, mais aussi, à terme, leur sécurité tout court, grâce à l’intériorisation des bonnes pratiques ». Au loin, « une baisse des frais d’assurance est également à prévoir, ainsi que des coûts de la justice, les litiges pouvant être résolus plus facilement ».

Avec une autorisation programmée « en dur » dans la loi, ces députés considèrent que le régime sortirait de son flou juridique, s’agissant de la question des données personnelles. Dans leur rustine, il est ainsi envisagé que ces enregistrements ne puissent « être exploités que dans les conditions garantissant l’anonymisation de toutes les données à caractère personnel captées ». Un coup d’éponge qui concernera donc les plaques d’immatriculation, qui sont des données personnelles.

Des vidéos transmises plus largement aux forces de l’ordre

L’amendement CD1374 déposé par les élus de Libertés et Territoires veut quant à lui faciliter la transmission aux forces de l'ordre des images du réseau de transports publics.

À ce jour, ce déport est limité à une circonstance : « la protection des véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs lors de circonstances faisant redouter la commission imminente d'une atteinte grave aux biens ou aux personnes ».

Ces élus veulent faire sauter l’adjectif « grave » tout en organisant un conventionnement tripartite entre les réseaux de transport, les forces de l’ordre et l’État pour encadrer ce dispositif. Un amendement identique a été déposé par des élus LR.

Des caméras individuelles, partout

À l’amendement CD1710, des élus LR veulent étendre l’expérimentation des caméras individuelles portées par les agents assermentés. Le texte en cours table sur six mois. Ces élus aimeraient étendre le délai sur 24 mois, en raison du « contexte actuel de lutte contre le terrorisme ». 

L’usage des caméras individuelles (ou caméras-piétons) est également proposé par des élus LR cette fois pour les agents des douanes, pour l’exercice de leurs missions de contrôle des marchandises, transports et personnes, ainsi que de police judiciaire. « Les caméras piétons permettent dans la police de faire baisser la tension lors des contrôles et contribuent ainsi à réduire les violences et à sécuriser l’action des agents qui y ont recours » assurent-ils. 

Le même mouvement est constaté cette fois au profit des agents de sécurité privé, dans l’exercice de leurs missions de sécurité publique. « Cet outil fournit (…) des preuves du bon comportement de l’agent de sécurité : preuves encore plus nécessaires dans les cas où l’agent de sécurité est amené à utiliser une arme ». Idem pour les agents des services internes de sécurité, alors que la loi n’a institué en 2016 qu’une expérimentation des caméras individuelles au profit des seuls services internes de la SNCF et de la RATP (la SUGE et le GPSR). 

Une ordonnance pour gérer les problématiques de sûreté

Le gouvernement a déposé un amendement plus ambitieux encore. Il veut être autorisé par le législateur à prendre par ordonnance dans un délai de 6 mois des mesures « relevant du domaine de la loi portant sur la sûreté des transports terrestres ».

Il justifie cette incise dans la compétence normalement dévolue au Parlement par le souhait de rendre plus lisible le Code des transports en la matière. 

L’accès des forces de l’ordre aux données des véhicules

D’autres amendements s’intéressent cette fois aux données électroniques enregistrées par les véhicules. Le texte actuel prévoit que le gouvernement pourra prendre par ordonnance dans le délai de 12 mois une mesure visant à rendre accessibles, sans consentement du conducteur et gratuitement, les données enregistrées par un véhicule avant et au moment d’un accident (notre actualité).

Ces informations serviront à départager les responsabilités à l’instant fatidique : le conducteur a-t-il freiné ou bien… accéléré avant le choc ?

Une députée LREM considère que cet accès sans consentement est en indélicatesse avec le RGPD et la directive de 2002 (dite e-privacy). Elle propose en conséquence de corriger le tir

L’appétit sur les données des véhicules connectés

L’amendement CD1287 va encore plus loin et s’appuie lui aussi sur le champ de l’ordonnance souhaité par le gouvernement. Il propose de « rendre accessibles aux gestionnaires d’infrastructures routières et aux autorités organisatrices de la mobilité, à des fins de connaissance du trafic routier et pour leur mission d’organisation de la mobilité, les données produites par les systèmes ou les dispositifs électroniques d’aide à la conduite ou de navigation indépendants utilisés à bord aux fins de déplacements. » 

En clair, les gestionnaires d’infrastructures (et plus seulement aux autorités organisatrices de la mobilité, comme se limite le projet de loi) pourraient avoir accès à l’ensemble des données produites par les véhicules connectés ou les dispositifs embarqués (smartphones, GPS, etc.) afin d’avoir les détails des flux de mobilité en voiture.

La question du RGPD n’est pas mentionnée dans l’exposé des motifs.

Un délai entre réservation et prise en charge pour protéger les taxis

Le texte est très dense. Au fil des 2 884 amendements enregistrés à cet instant, l’amendement CD799 compte imposer un délai entre la réservation préalable d’un véhicule et la prise en charge effective du client. Deux députés UDI veulent ainsi « préserver le marché de la maraude face au développement des nouvelles technologies », les taxis ayant le monopole de la maraude…

Cette idée, qui consiste à ralentir le pas de l'avenir pour donner sa chance au passé, est reprise par plusieurs élus de Libertés et territoires : « Afin de respecter la loi et garantir une concurrence loyale, seuls les taxis doivent pouvoir informer la clientèle de leur géolocalisation et de leur disponibilité sur ces plateformes multimodales » exposent-ils, en s’appuyant sur l’article L.3120-2 du Code des transports. 

Plus de pub pour les véhicules Diesel ou essence, même hybrides

Les députés LFI veulent s’attaquer à un autre problème, poussés par l’urgence écologique. Dans leur amendement CD2040, ils souhaitent que les messages publicitaires en faveur des véhicules fonctionnant exclusivement au diesel ou à l’essence soient interdits à partir du 1er janvier 2021. Cette interdiction serait étendue aux véhicules hybrides consommant du diesel ou de l’essence dès 2025.

Cette interdiction serait large, mais «  dans le cas des messages publicitaires sur internet, télévisés ou radiodiffusés, cette obligation ne s’applique qu’aux messages émis et diffusés à partir du territoire français et reçus sur ce territoire ». En somme, un constructeur allemand ou japonais pourrait toujours inonder nos écrans depuis Berlin ou Tokyo.  

Néanmoins, pour les élus LFI, « il est impossible de préparer la conversion du parc automobile à des modes moins polluants et le développement des transports en commun si le monde de la publicité continue de vendre aux citoyens le mythe de l’accomplissement individuel et de l’épanouissement personnel par l’acquisition de véhicules à motorisation thermique ».

Contre le bidouillage des systèmes antipollution

La pollution est aussi au centre de l’amendement CD567. Actuellement, les poids lourds peuvent désactiver les dispositifs antipollution (systèmes de réduction catalytique sélective ou SCR) en couplant un logiciel Adblue Emulator. Celui-ci, proposé pour quelques euros, « permet de tromper le calculateur qui empêche le moteur de démarrer lorsqu’il détecte un dysfonctionnement du système SCR ».

L’article L. 318‑3 du Code de la route sanctionne d'une amende de 7 500 € « le fait de réaliser sur un véhicule des transformations ayant pour effet de supprimer un dispositif de maîtrise de la pollution, d'en dégrader la performance ou de masquer son éventuel dysfonctionnement, ou de se livrer à la propagande ou à la publicité, quel qu'en soit le mode, en faveur de ces transformations ».

Seulement, le texte d’interprétation stricte ne sanctionne que « le fait de réaliser » non celui de « faire réaliser ». Une nuance qu’entendent combler ces députés LREM et qui s’appliquera pour l’ensemble des véhicules, pas seulement les poids-lourds.

L’ensemble de ces amendements doit être ausculté en commission. Leur dépôt ne garantit évidemment pas leur adoption. Une fois cette phase préparatoire achevée, le texte sera examiné en séance entre les 3 et 7 juin.

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