Le week-end dernier, le ministre en charge des Relations avec le Parlement se faisait remarquer pour avoir dénoncé les « effets dangereux voire pernicieux » du site NosDéputés.fr sur le travail parlementaire. L’assocation Regards Citoyens, qui gère ce site réalisant depuis trois ans un travail de veille, d’archivage et de classement des données publiques relatives aux députés vient de répondre au ministre.
Lundi, le co-fondateur de Regards Citoyens Tangui Morlier se disait « surpris » par les déclarations d’Alain Vidalies, expliquant ne pas avoir observé les phénomènes décrits par le ministre. Aujourd’hui, l’association qui gère le site NosDéputés annonce sur son blog qu’elle va rencontrer « le ministre sous une dizaine de jours afin d’en discuter de vive voix ». Pour les responsables de Regards Citoyens, cette « main tendue au dialogue » est une véritable opportunité. Ces derniers espérent effectivement « pouvoir y trouver une volonté des nouveaux responsables politiques de concrétiser les efforts de transparence nécessaires à toute démocratie ».
Néanmoins, l’association a également tenu à répondre à « certaines contre-vérités » proférées par Alain Vidalies, qui s’est notamment expliqué dans nos colonnes mardi (voir notre interview du ministre : NosDéputés : Alain Vidalies souhaite un pôle de réflexion sur la transparence). Au moyen d’un exercice de « fact checking », les membres de Regards Citoyens se sont appliqués à prendre le contre-pied des propos du ministre.
Sur les interventions en commissions
Mardi, Alain Vidalies expliquait avoir constaté une « démultiplication du nombre d’interventions lors [des] réunions de commissions ». Problème : selon lui, « les débats sont ralentis par ces interventions répétitives, parasitant la bonne marche du débat démocratique ». Or, d’après Regards Citoyens « rien dans les données n’indique que le comportement des députés ait évolué de manière significative suite à la visibilité qu’offre notre site ». L’association ajoute même : « Que l’on observe le nombre de mots exprimés à chaque séance de commission ou le nombre d’interventions réalisées par un député, la session extraordinaire de juillet 2012 ne se différencie nullement de celles de 2009 à 2011 ». Regards Citoyens propose même un graphique de ses confrontations (ci-dessous), précisant que l’inflexion de courbes est « antérieure au lancement de [leur] initiative en septembre 2009 ». D'après eux, celle-ci « semblerait plutôt refléter la réforme du règlement consécutive à la modification constitutionnelle de 2008 ». (Les données utilisées par l'associations sont disponibles ici).
L’association note également qu'outre ses constatations factuelles, des consultations de « différents acteurs et observateurs reconnus de l’Assemblée » lui ont permis de « confirmer ce que les données semblent démontrer ».
Pas de rupture significative sur les questions écrites
Autre observation du ministre Vidalies : les questions écrites, utilisées par « milliers » par certains parlementaires. D’après lui, le problème est que ces questions « sont généralement écrites de manière très rapide par des collaborateurs », ce qui lui fait dire qu’il n’est « pas pertinent de placer tous les paramètres dans un même registre » (sous-entendu, le paramètre des questions écrites). Ici encore, Regards Citoyens relève qu’ « aucune rupture significative n’apparaît cependant depuis la naissance de NosDéputés.fr, il est donc difficile de nous en imputer la responsabilité ».
L’association note à cet égard que le « comportement marginal de ces quelques députés adeptes du « concours de questions écrites » a régulièrement été évoqué par des observateurs de la vie parlementaire bien avant que [le] site existe », prenant même en exemple des classements réalisés à ce sujet par certains médias dès les années 70.
Une approche purement quantitative ?
Selon Alain Vidalies, « il existe un décalage entre ce qui ressort [du compteur de NosDéputés] et la réalité du travail effectué » par les parlementaires. Ce sont en ce sens « les limites du compteur ». Or selon Regards Citoyens, « l’approche quantitative qu’apportent les graphiques et la synthèse numérique ne constituent que des introductions à l’activité de fond du Parlement : chaque intervention en débat, amendement, question, rapport ou proposition de loi est en effet republié, à la fois sur le site et sous la forme d’alerte email ou RSS, et commentable afin de susciter un débat démocratique et citoyen sur le fond des travaux du Parlement ».
Mais l’association ne se contente pas de prendre le contre-pied des critiques formulées à son égard par le ministre chargé des relations avec le Parlement. Elle se félicite en effet que NosDéputés ait été « largement utilisé durant la campagne des législatives par différents candidats, élus ou non », comme le relevait Alain Vidalies. Regards Citoyens note d'autre part qu'une forme de « frustration propre à tout exécutif » peut légitimement exister, notamment en ce que « les interventions répétitives font (...) partie du jeu parlementaire ». Surtout, elle en profite pour réclamer plus de transparence de la part des élus, par exemple au sujet de la publication réelle des votes des parlementaires, ou plus largement sur tout autre indicateur factuel qui permettrait de mieux refléter l’activité des députés.