Facebook a provoqué une certaine colère des trois institutions européennes. Commission, Conseil et Parlement ont adressé un courrier au réseau social pour qu’il accepte leurs publicités d’intérêt général à l’échelle européenne. À ce jour, les règles actuelles les limitent à la Belgique.
La Commission européenne avait édité en janvier dernier un code de bonne pratique pour aider les plateformes à traquer les fausses informations. Elle invitait dans le même temps les signataires (Google, Facebook, Twitter et Mozilla) « à intensifier leurs efforts » contre ces contenus sensibles en période électorale.
Afin de se prémunir contre ces campagnes, Facebook a ainsi décidé depuis quelques semaines de mettre en place une série de règles en Europe, inspirées de ses pratiques aux États-Unis.
Accusé par l’UE d’être trop laxiste, en référence aux interférences durant les élections américaines de 2016, Facebook indique désormais qu’« en cas d’élections générales ou nationales dans l’Union européenne (…) les partis politiques et les candidats en campagne pour ces élections devront faire une demande d’autorisation publicitaire et placer des avertissements portant la mention « Financé par » sur toutes leurs publicités, et ce, jusqu’à la fin de la période électorale ».
Restrictions sur les publicités transfrontalières
En plus de ces règles de transparence, le réseau social introduit une barrière très rigoureuse pour éviter justement ces ingérences étrangères. Les annonceurs dans l’Union européenne qui prévoient de diffuser des publicités politiques ou liées à des débats d’intérêt général devront eux aussi passer par ce processus d’autorisation.
Or, dans les critères examinés à cette occasion, le réseau social a mis au-devant de la scène celui de la localisation : « vous ne pourrez diffuser des publicités que dans le pays pour lequel une autorisation vous a été accordée. Vous devrez compléter le processus d’autorisation pour le pays dans lequel vous souhaitez diffuser les publicités ».
Impossible donc pour des acteurs européens de placer de la publicité dans d’autres États membres que leur pays de résidence, pour parler d’un débat d’intérêt général.
Les pubs du Parlement, du Conseil et de la Commission limitées... à la Belgique
Seul hic, les secrétariats du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne sont finalement victimes de ces mesures de restrictions. C’est ce que révèle une lettre dévoilée par Guy Verhofstadt, président du groupe ALDE sur son compte Twitter.
Le Conseil de l’Union européenne utilise déjà Facebook pour informer les citoyens à propos de ses travaux à travers l’Europe et le monde. « Les publicités payantes constituent une importante part de leur trousse à outils d’informations numériques » écrivent les trois signataires. Même démarche pour la Commission européenne.
Or, avec les nouvelles règles, « en pratique, nos institutions ne pourraient plus être en capacité de promouvoir du contenu sur Facebook ailleurs qu’en Belgique ». Alors que par nature, elles ont vocation à s’adresser à l’Europe entière.
Dans ce courrier, les trois organisations européennes implorent Facebook de reconsidérer ses règles pour autoriser ces institutions, mais également d’autres acteurs comme les partis politiques ou les eurodéputés « à lancer des campagnes paneuropéennes » à l’occasion du rendez-vous électoral.
Une politique pro-nationaliste, selon les Verts
Pour les Verts, ces règles « créent une barrière sans précédent pour les organisations politiques européennes, où le seul moyen de s'y conformer serait de créer des entités et d'employer du personnel dans tous les pays de l'UE ».
L’eurodéputé Reinhard Bütikofer juge donc anormal « qu’une entreprise privée impose des règles aux institutions démocratiques et aux organisations telles que le Parlement européen ou les partis européens qui ont le droit légitime de faire de la publicité dans toute l'Union européenne ». Toujours selon le président du parti de Verts, « avec ces règles, Facebook met de facto en place des obstacles qui menacent les discours autour de la démocratie européenne ».
Son collègue Philippe Lamberts, à la tête du groupe au Parlement européen, va même plus loin : avec ces nouvelles règles, « en substance, Facebook favorise les nationalistes et les multinationales en empêchant la communication des organisations transnationales. »
Google interdit les publicités se rattachant à un débat d’intérêt général
Depuis le 15 mars, Google a également pris de nouvelles mesures, en particulier en France. Le géant du Net interdit désormais toutes les publicités se rattachant à un débat d’intérêt général.
Par cette exclusion, l’entreprise américaine vient finalement sortir des griffes de la loi contre la manipulation de l’information. Un texte qui impose certes de nombreuses obligations de transparence, mais que de nombreux intermédiaires jugent trop flou et donc impraticable. Voire dangeureux puisque susceptible d'engendrer de lourdes sanctions.
Maria Gomri, directrice du service juridique de Google en France, nous confirme cette position : « à la suite de l’adoption d'une nouvelle loi en France, nous n'autoriserons plus les publicités faisant la promotion de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général pendant la période électorale relative aux élections européennes de 2019. Nous travaillons avec les annonceurs concernés pour nous assurer qu’ils comprennent bien ces changements. »
Fait notable, ces nouvelles règles ne concernent pas seulement les campagnes sur le moteur Google, mais également sur la plateforme YouTube, bref tout son écosystème.
L’entreprise a rédigé par ailleurs un livre blanc pour expliquer comment elle lutte contre la désinformation en ligne. Sur ses propres outils d’abord, ses algorithmes mettent davantage en avant les contenus jugés plus fiables.
S’agissant des élections européennes, Google a notamment introduit un nouveau processus de vérification d'annonces afin de s'assurer que l'annonceur est bien celui qu'il prétend être. En outre, un rapport sur la transparence des annonces électorales spécifique à l'UE sera présenté. Il devrait fournir davantage d'informations sur les annonceurs, sur les destinataires de ces annonces et sur le montant des sommes dépensées.