Microsoft a décidé plusieurs changements importants liés au contrôle de l’utilisateur sur les mises à jour et à la qualité de ces dernières. Des nouvelles bienvenues, même si le problème de fond reste entier pour l’instant : leur installation n’est toujours pas transparente.
À compter du mois prochain, les utilisateurs auront nettement plus de contrôle sur les mises à jour distribuées dans Windows Update, qu’il s’agisse des petites mensuelles ou des plus imposantes à chaque semestre. Un choix que beaucoup vont applaudir, tant Windows 10 avait accru la pression sur les correctifs, inévitables, dévorant la bande passante et redémarrant la machine à des heures incongrues.
Depuis, la situation s’est améliorée, notamment sur les redémarrages. Reste que nombreux sont les utilisateurs à se sentir bousculés, forcés d’installer des mises à jour qu’ils ont malheureusement appris à craindre, à cause d’une série de ratés qui a culminé l’année dernière.
Microsoft veut rétablir la confiance dans les mises à jour et a donc changé son fusil d’épaule. Notez d’ailleurs que ce souci de confiance touche peut-être actuellement l’éditeur de Redmond, mais reste une hantise pour toutes les entreprises commercialisant un système. Tout utilisateur est instantanément refroidi quand une mise à jour se passe mal et l’empêche d’utiliser son appareil. Chat échaudé craint l’eau froide.
Le roulement actuel
Comme beaucoup le savent, Windows Update est alimenté principalement par deux tapis roulants : les correctifs mensuels et les mises à jour semestrielles. Les premiers ne s’occupent que de réparer des problèmes – essentiellement de sécurité – les secondes apportent de nouvelles fonctionnalités et sont majeures.
Les correctifs mensuels sont obligatoires pour l’immense majorité des utilisateurs. Dès que Windows Update les a téléchargés et installés, il réclame un redémarrage pour finaliser leur application. Avec le temps, Windows 10 a appris à réfréner ses ardeurs pour redémarrer dans une plage horaire où l’utilisateur a moins de chance d’être coupé dans ses activités. Mais les ratés demeurent.
Les évolutions majeures, elles, fonctionnaient jusqu’ici selon un plan en étapes. Durant la première phase, seuls ceux allant volontairement chercher des mises à jour dans Windows Update pouvaient les récupérer. Cette solution a remplacé l’utilitaire débloquant le téléchargement pour les plus pressés.
La diffusion automatique ne commençait que plus tard, afin que Microsoft adapte ses outils et ses réponses aux retours collectés au fur et à mesure. Une prudence destinée à laisser au support le temps d’engranger les informations. Du moins en théorie. Les machines détectées comme les plus « compatibles » étaient servies en premier. La diffusion s’étendait ensuite aux machines plus exotiques, où les configurations matérielles et logicielles (ou les deux) pouvaient poser problème.
Il faut en tout plusieurs mois avant qu’une version majeure n’ouvre complètement les vannes. Pour l’actuelle 1809, le déploiement n’a commencé véritablement qu’en novembre et de très nombreuses machines n’ont pas encore été migré.
Ces mécaniques peuvent être perturbées par de gros grains de sable. L’année 2018 a été particulièrement éprouvante pour Microsoft, qui a atteint les limites de ce que son modèle de diffusion à marche forcée pouvait accomplir. D’authentiques problèmes de qualité ont généré une grande méfiance envers Windows Update et ses mises à jour aux résultats aléatoires, là où la promesse d’un « Windows as a service » nécessitait au contraire la pleine confiance des utilisateurs.
Dernier exemple en date, la décision de sauter pour la version 1809 l’étape du canal Release Preview qui, après les canaux rapide et lent, sert à tester les mises à jour a priori finalisées. Résultat, un bug provoquant sous certaines conditions la suppression des données personnelles est passé inaperçu, alors même qu’il avait été décrit plusieurs mois auparavant dans le Hub de commentaires. On peut difficilement faire pire.
Un sursaut de Microsoft était attendu une fois le constat rempli d’une situation menant à des échecs aussi manifestes.
Les mesures pour restaurer la confiance en Windows Update
Plusieurs décisions ont donc été prises, visant à retrouver la confiance des utilisateurs. Dans les grandes lignes, Microsoft veut leur donner ce qui aurait dû leur appartenir depuis le début : le contrôle.
Première étape, l’envoi de la version 1903 (May 2019 Update) dans le canal Release Preview, délaissé pour la mise à jour précédente. Et cette fois, pas question de faire semblant : un mois complet, alors que le rythme habituel est d’environ une semaine. Un mois durant lequel le nouveau code sera testé par un nombre accru de membres du programme Insider.
À compter de mai, quand la version 1903 sera diffusée, les utilisateurs n’auront l’obligation de rien. Une vraie cassure par rapport aux dernières années : la mise à jour sera affichée dans Windows Update, mais séparément des correctifs mensuels. Même si un utilisateur clique sur le bouton « Rechercher », la version 1903 s’affichera à part.
Indéfiniment ? Pas tout à fait. Chaque version majeure de Windows 10 crée une nouvelle branche, supportée pour 18 mois (jusqu’à 36 en entreprise pour les branches LTSC). L’utilisateur sera donc libre de n’installer aucune évolution majeure pendant cette durée. Cependant, Microsoft ne laissera pas perdurer ce contrôle au-delà du temps imparti.
Si vous possédez par exemple un PC sous Windows 10 October 2018 Update (1809), vous pourrez donc mettre de côté les deux prochaines évolutions semestrielles. À la troisième cependant, la version 1809 approchera de sa fin de support. Les modalités d’avertissement restent à définir, mais Windows Update commencera doucement à accentuer la pression, probablement en rappelant les dangers inhérents à un produit sans support. À moins que la mise à jour ne devienne obligatoire.
Parallèlement, le contrôle sur les correctifs mensuels sera lui aussi renforcé. À compter de la version 1903, toute édition de Windows 10 sera capable de repousser leur installation de 7 jours, période répétable cinq fois. Un utilisateur pourra donc stopper l’installation pendant 35 jours, quelles qu’en soient les raisons. Passé ce délai, elle redeviendra obligatoire. Mais là encore, avec des modifications.
Microsoft affirme que des efforts particuliers ont été faits pour ne pas déranger l’utilisateur. Les Heures d’activité ont été complétées par des mécanismes de machine learning afin de modifier la plage horaire – jusqu’ici statique – en fonction des habitudes. Par exemple, si l’heure de fin est définie à 18h mais que Windows détecte couramment une activité jusqu’à 19h30, il adaptera les mécanismes en conséquence.
De la transparence et encore du machine learning
Au-delà de l’approche des mises à jour, Microsoft a annoncé également plusieurs changements importants.
D’abord, l’éditeur veut s’assurer que le cas de la version 1809 ne se reproduira pas. Le bug menant à la suppression des données personnelles était signalé depuis environ trois mois, sans que les ingénieurs ne le voient dans le Hub de commentaires.
Microsoft espère donc (nous aussi) que ce type d'incident appartient au passé. Le Hub est maintenant soutenu par du machine learning pour repérer au plus vite les bugs peu signalés mais présentant un impact potentiel majeur. L’accroissement de la durée des tests ne pourra qu’aider.
L’éditeur ne se contentera d’ailleurs plus du seul Hub. Ses systèmes iront fouiller automatiquement d’autres sources de signalements potentiels, notamment Reddit.
L’actuelle page de l’historique des mises à jour va également évoluer pour devenir un tableau de bord (Dashboard) complet, avec des informations plus nombreuses et mises à jour en quasi temps réel. Il ne s’adressera pas forcément au grand public, même si ce dernier pourra s’y rendre aussi. Les données seront davantage tournées vers les entreprises, dont beaucoup attendent ce type d’information pour planifier une migration.
On pourra y trouver le statut de chaque mise à jour, y compris les évolutions semestrielles. Le Dashboard affichera notamment l’ensemble des problèmes connus. Par exemple, une incompatibilité avec un pilote, un matériel ou une application, un bug interne provoquant des erreurs selon des critères particuliers, etc. Le tout accompagné par des solutions recommandées, quand elles existent.
Du contrôle pour les uns, de la fragmentation pour les autres
L’attitude de Microsoft face aux tests de ses mises à jour pouvait sembler méprisante, tant l’éditeur paraissait pressé de publier ses nouvelles versions, que les utilisateurs soient prêts ou pas, que le code ait été suffisamment testé ou non.
Ce comportement a mené au désastre de la version 1809, les premiers utilisateurs téléchargeant la mise à jour étant alors considérés comme les testeurs du canal Release Preview. Un « rush » qui ne pouvait que faire craindre des retombées. La peur de la fragmentation ne peut justifier en aucun cas de pousser des mises à jour dont l’affinage a été bâclé.
La fragmentation, justement, semble tout à coup être devenue une inquiétude secondaire pour l’éditeur. Car il est évident que la décision de redonner du contrôle sur les mises à jour aura un impact dans ce domaine.
Les évolutions semestrielles fournissent en effet de nombreuses nouveautés, il n’y a qu’à consulter notre récent article sur la May 2019 Update pour s’en rendre compte. Au-delà des fonctionnalités ajoutées, Microsoft en profite toujours pour faire évoluer la base et, souvent, pour renforcer la sécurité. Permettre aux utilisateurs de repousser ces mises à jour majeures jusqu’à un maximum de 18 mois ne sera pas anodin.
Les développeurs doivent également se poser des questions. Comme toujours avec les nouvelles versions des systèmes, certains voudront profiter rapidement des apports. De fait, les développeurs auront le choix entre attendre qu’une version particulière soit suffisamment déployée, ou avertir que leur nouvelle application réclame telle mouture de Windows 10.
Le choix seul ne sera pas suffisant
D’un point de vue utilisateur, la décision de Microsoft sera largement appréciée. Chacun sera alors libre de faire ce qu’il veut, des plus enthousiastes aux plus réfractaires. Mais vue de l’éditeur, l’homogénéité tant recherchée du parc va s’éloigner un peu plus. La fin proche de Windows 7 va d’ailleurs requérir toute son attention, l’ancien système étant bien parti pour réitérer le cas Windows XP.
Dans tous les cas, Microsoft doit reconquérir une confiance largement érodée en 2018. Les décisions récentes vont dans ce sens, mais ne sauraient remplacer un processus qualité poussé – et donc des tests complets de fiabilité – pour s’assurer que le processus restera fluide.
Et malheureusement, les derniers correctifs d’avril sont venus jouer les trouble-fêtes, à cause en particulier d’incompatibilités avec des antivirus. Un problème fréquent, mais dont la banalité est d’un piètre réconfort pour les utilisateurs dont la machine ne redémarre plus.
Microsoft n’a jamais caché que son ambition était de fournir un Windows qui se mettrait à jour seul, « comme un grand ». L’éditeur est encore loin de cet objectif. Le seul processus qualité ne saurait être tenu pour responsable : l’infinité des configurations rend la tâche presque impossible. Comment serait-il possible de calculer les interactions d’un nouveau code avec la multiplicité des matériels et logiciels, sans parler des pilotes parfois mal développés et autres antivirus aux privilèges élevés.
Mais Microsoft n’a d’autre choix que de poursuivre. Le Graal serait une plateforme capable d’appliquer des modifications en toute sécurité et fiabilité, sans avoir à redémarrer la machine. Puisque nous en sommes loin, les utilisateurs auront au moins beaucoup plus de contrôle sur ce qu’ils doivent ou peuvent installer.