La loi contre les fausses informations sera sans effet chez Google. Le géant du numérique a décidé tout simplement de s’extirper du champ de ce texte, sans qu’on puisse le sanctionner.
Publiée au Journal officiel le 23 décembre 2018, la loi « relative à la manipulation de l’information » veut lutter contre les « fakenews » en une période charnière : les trois mois précédents un rendez-vous électoral d’importance. L’agenda des européennes permet ainsi d’activer l’une de ses principales dispositions.
Selon l’article 1er de la loi, les grandes plateformes, celles dépassant un seuil de connexion à définir, devront accompagner les publicités promouvant des contenus « se rattachant à un débat d'intérêt général », de tout un flot d’informations.
L’idée ? L’exemple de l’affaire Cambridge Analytica en tête, il s’agit d’éviter que des groupes de pression usent du levier publicitaire pour convertir l’opinion à une cause chère à un parti déterminé.
Des obligations conditionnées à certaines publicités
Les plateformes concernées sont ainsi contraintes, pour les seules publicités tombant dans ce champ,
« 1° De fournir à l'utilisateur une information loyale, claire et transparente sur l'identité de la personne physique ou sur la raison sociale, le siège social et l'objet social de la personne morale et de celle pour le compte de laquelle, le cas échéant, elle a déclaré agir, qui verse à la plateforme des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général ;
« 2° De fournir à l'utilisateur une information loyale, claire et transparente sur l'utilisation de ses données personnelles dans le cadre de la promotion d'un contenu d'information se rattachant à un débat d'intérêt général ;
« 3° De rendre public le montant des rémunérations reçues en contrepartie de la promotion de tels contenus d'information lorsque leur montant est supérieur à un seuil déterminé.
« Ces informations sont agrégées au sein d'un registre mis à la disposition du public par voie électronique, dans un format ouvert, et régulièrement mis à jour au cours de la période mentionnée au premier alinéa du présent article ».
Le sujet avait déjà occasionné un bras de fer entre le gouvernement et Twitter, le réseau social ayant refusé un temps la campagne #OuiJeVote au motif de ne pouvoir respecter la nouvelle loi.
Après la tempête politique, le conflit s’est soldé par un compromis, l’entreprise ayant finalement décidé « après de nombreux échanges, (…) d'autoriser désormais les publicités encourageant la participation électorale ». Néanmoins, le service en ligne a tout autant décidé d’interdire par principe les publicités ciblées, même pour « les campagnes appelant à aller voter ».
Plus de publicités soumises à la loi anti-fakenews chez Google
Google a emboité le pas de manière plus frontale encore. Dans une mise à jour de ses conditions relatives aux annonces publicitaires (les « Googles Ads »), l’entreprise indique qu’à compter du 15 avril jusqu’au 26 mai, les annonces « incluant du contenu informatif concernant un débat d'intérêt général » sont tout simplement interdites.
Par cette clause, Google s’exclut d’un claquement de doigts du champ de la loi, plus exactement ses principales dispositions : puisque ces annonces sont interdites, il ne sera plus nécessaire d’afficher les informations que souhaitait imposer le législateur.

Google n’aura donc pas à se confronter à cette législation aux difficultés d’interprétation multiples.
Dans ces mêmes pages, le géant ajoute que cette interdiction « n'inclut pas les annonces d'informations neutres sur les élections, diffusées par les organes officiels de communication du gouvernement », et de citer en exemple « les annonces de participation citoyenne du Service d'information du Gouvernement et de la Direction générale de la communication du Parlement européen ». En clair, le gouvernement pourra toujours lancer une campagne appelant à aller voter, s’il le souhaite. Mais pas plus.
Une marge d'appréciation
Le gouvernement et la majorité LREM ayant décidé de confier un pouvoir d’appréciation aux plateformes, Google pourra toujours refuser une campagne d’appel au vote qui soulèverait aussi des questions « se rattachant à un débat d'intérêt général ».
Google sera également hors du champ d’un autre article de la loi contre la manipulation de l’information. Il s’agit de celui qui contraint les plateformes « qui recourent à des algorithmes de recommandation, classement ou référencement de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général » à publier un flot de statistiques (part d'accès direct, sans recours aux algorithmes, parts d'accès indirects imputables aux algorithmes).
Seulement, cette dernière disposition vaut pour toute l’année, non sur les seuls trois mois avant une élection. Si elle ne change pas ses conditions internes, l'entreprise devra donc fournir ces informations à compter du 26 mai.