Pointant du doigt les lacunes de la loi Numérique de 2016, un député LR demande à ce que les citoyens puissent savoir, via Internet, quelles associations ont bénéficié de subventions publiques. Et ce quelle que soit la somme qui leur ait été accordée.
En appui de sa proposition de loi, le député Jean-Louis Thiériot explique qu’en 2017, 22 milliards d’euros de subventions ont été distribués à des associations. Les collectivités territoriales auraient notamment ouvert leur porte-monnaie, à hauteur de 16,7 milliards d’euros. Contre 5,3 milliards pour l’État, via les ministères.
L’élu juge ainsi que « l’importance » des sommes en jeu (qui peuvent servir à épauler financièrement des festivals, des centres de loisirs, des clubs sportifs...) « appelle une plus grande transparence » de la part des pouvoirs publics. « Il y va de la question du consentement à l’impôt et du respect des règles démocratiques », se justifie notamment Jean-Louis Thiériot.
Les obligations d'Open Data de la loi Numérique « pas [à] la hauteur »
À ce jour, tout acteur public qui attribue une subvention d’un montant supérieur à 23 000 euros est tenu de rendre publiques les « données essentielles » de la convention afférente. Doivent notamment être mis en ligne, dans « un standard ouvert aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé » :
- Le montant de la subvention
- L’objet de la subvention
- La nature de la subvention
- Le nom de l’attributaire, ainsi que son numéro de SIREN (s’il en a un)
- Les éventuelles conditions de versement
Cette obligation, applicable à toutes les conventions conclues à compter du 1er aout 2017, doit être remplie « au plus tard trois mois à compter de la date de signature de la convention ». Les administrations peuvent publier ces « données essentielles » directement sur leur site, ou par l'entremise de « data.gouv.fr », le portail officiel d’Open Data (dès lors qu'elles intégrent un lien renvoyant vers ce portail).

Mais pour le député Jean-Louis Thiériot, « ces dispositions ne sont pas la hauteur de l’objectif de transparence ». L’élu LR juge tout d’abord qu’il est « très difficile de se repérer » sur « data.gouv.fr ». Il note surtout que « très rares sont les collectivités qui y ont déposé leurs listes de subventions : pour 2018, elles ne sont qu’une quinzaine ».
« Les autres milliers de collectivités qui ne sont pas présentes sur ce portail n’ont pas pour autant toutes publié les données essentielles de ces conventions de subvention sur leur propre site, déplore ensuite le député. Et quand cela est fait, il faut souvent beaucoup de temps et de patience pour trouver la liste en question. » Pour mémoire, aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect de cette nouvelle obligation de transparence.
Pour Jean-Louis Thiériot, la loi Numérique n’a finalement que « renforcé le flou » qui régnait déjà autour des subventions.
L’élu n’en démord pas pour autant. « Parce qu’il s’agit de l’usage de deniers publics, les citoyens et contribuables sont en droit de savoir à qui sont attribuées ces subventions, pour quels montants et pour quelles actions. Bien qu’individuelles, ces décisions de retenir tel projet d’intérêt général plutôt qu’un autre, sont des décisions de nature politique et pour cette raison, l’attribution de ces subventions doit être transparente afin de laisser les citoyens seuls juges de leurs élus. »
Une transparence dès le 1er euro de subvention
Sa proposition de loi entend ainsi contraindre l’ensemble des administrations de l’État, les villes, départements, établissements intercommunaux, organismes de sécurité sociale, etc. à mettre en ligne chaque décision d’attribution de subvention, « quels qu’en soient leur montant ou le nombre de salariés et bénévoles de l’organisme privé bénéficiaire ». Autrement dit, la transparence prévaudrait dès le premier euro versé par le Trésor public.
Nulle référence cependant aux « données essentielles » de la convention. Ni même de mention relative au format de publication de ces informations. Jean-Louis Thiériot souhaite « uniquement » la mise en ligne du « nom de l’organisme privé bénéficiaire, le montant, la nature et l’objet de la subvention ainsi que la date de la décision d’attribution ».
Le parlementaire précise d’autre part que ces éléments devront être publiés sous deux mois « sur une page dédiée », « accessible directement depuis la page d’accueil » du site de l’acteur public concerné. L’objectif ? Que « ce principe de publicité ne soit pas détourné comme cela est actuellement souvent le cas », explique le député. Ajoutant : « Ces précisions sont indispensables si l’on veut éviter que ces décisions ne soient noyées dans le flot des informations du site Internet et donc introuvables pour l’internaute. »
Une dérogation serait néanmoins admise pour les communes de moins de 35 000 habitants qui ne disposent pas d’un site Internet. Ces dernières pourraient publier les fameuses informations « par tout autre moyen », « accessible au public aux heures d’ouverture de la structure » (un tableau d'affichage en mairie, par exemple).
« Chaque citoyen pourra ainsi facilement vérifier par lui-même sur le site de sa commune, de son département et de sa région ainsi que sur le site de chaque ministère concerné, à qui sont versées les subventions financées par ses impôts, pour quels montants et pour quelles actions concrètes », anticipe déjà Jean-Louis Thiériot.
Sa proposition de loi est pourtant (très) loin d’avoir été adoptée... Il faudra déjà qu’elle soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, ce qui s’avère souvent compliqué pour les parlementaires (d’autant plus s’ils appartiennent à l’opposition).
En 2016, lors des débats sur le projet de loi Numérique, son collègue Julien Aubert avait déposé un amendement visant à supprimer le seuil de 23 000 euros prévu dans le texte porté par Axelle Lemaire, la secrétaire d'État au Numérique. L’élu LR n’avait cependant pas soutenu sa proposition dans l’hémicycle.