Sans crier gare, Altice France vient d'apporter un changement important sur l'ensemble des box SFR (et RED) : elles ne sont plus livrées avec un disque dur physique, mais avec un NPVR, c'est-à-dire un enregistrement des programmes sur les serveurs de SFR, avec 8 ou 100 heures de capacité. De quoi « optimiser » la redevance copie privée.
Depuis le 11 avril, SFR n'envoie plus de disque dur avec ses box 4K, mini décodeur TV et Décodeur Plus. Elles couvrent pour rappel l'ensemble des offres actuelles (xDSL, fibre et câble), y compris chez RED. À la place : la fonctionnalité « Disque dur numérique SFR », comme repérée par Ariase. Alors que l'on pourrait penser qu'il s'agit des premiers effets du rachat de Molotov par Altice France, le FAI réfute.
Il n'est donc plus question de 40 à 500 Go de stockage, mais d'un nombre d'heures d'enregistrement dédié aux seuls flux TV, directement sur les serveurs de SFR : 8h (un choix tout sauf anodin, nous y reviendrons) pour Starter et RED, 100h pour Power et Premium. Dans sa foire aux questions, le FAI ne donne aucune indication sur la définition, la qualité ou le débit des enregistrements effectués sur son cloud.
Des économies sur la copie privée pendant plusieurs années pour SFR
Au-delà du changement pour le client, ce déport en ligne des flux TV a des répercussions sur le terrain de la redevance copie privée payée par Altice France. Explications.
Sans le barème taillé pour Molotov, SFR aurait pu échapper au paiement de la redevance. Mais depuis la loi Création de 2016, l’opérateur doit verser la douloureuse, avant de se retourner économiquement sur l’abonné.
Les flux télévisés ne pourront être enregistrés que sur cet espace dans le « cloud » SFR. Nulle part ailleurs. L’opérateur, qui est également distributeur, tombe dès lors dans le champ de l’article L311-4 du Code de la propriété intellectuelle : un service d’enregistrement à usage privé à partir d’un programme diffusé de manière linéaire et dont la reproduction est demandée par une personne physique soit « avant la diffusion du programme » soit « au cours de celle-ci pour la partie restante ». D'ailleurs la marque au carré rouge précise bien que « l’enregistrement débute à l’activation de la fonctionnalité. Le service n’est pas rétroactif ».
Selon le barème en vigueur, pour 8 heures d’enregistrement, SFR payera 0,105 euro par mois. Pour 100 heures, 0,417 euro (notre actualité).
Avec un disque intégré à la box, le FAI aurait respectivement payé 6,30 euros (8 Go) et 16 euros (100 Go) sachant que dans le petit monde de copie privée, 1h est égal à 1 Go. Ainsi, ce n’est qu’au bout de 5 et 3 ans que SFR payera davantage de redevance avec une solution déportée plutôt qu’un disque interne.
L’écart temporel est encore plus important en tenant compte des disques intégrés sur les « anciennes » box du FAI, c'est-à-dire celles proposées jusqu'au 10 avril. Pour rappel, les capacités oscillaient entre 40 et 500 Go pour le client (parfois avec des paliers payants), soit de 9,30 à 30 euros de copie privée.
SFR optimise, les clients trinquent
Pour SFR, l’affaire est donc très intéressante : en réduisant les capacités de stockage, désormais déportées en ligne, le FAI payera moins aux ayants droit. Cela explique aussi pourquoi celui-ci a ventilé les fonctions d’enregistrement.
Pour les fichiers personnels, il faudra en effet passer par un disque externe, où la redevance est payée par l’utilisateur. Il ne pourra d'ailleurs pas être utilisé pour enregistrer les flux TV : « Si un disque dur est branché sur votre box, il sera vu comme un support pour le Mediacenter. Vous pourrez y lire les photos et vidéos qu'il contient. Mais vous ne pourrez pas l'utiliser pour enregistrer vos programmes TV », explique SFR.
Pour la pause du direct, la carte SD fournie par l’opérateur devrait être dénuée de redevance, même si l’avis est divergent chez Copie France, l’organisme collecteur au profit des ayants droit, pour qui cette fonction s’apparente à de la copie privée. Le sujet pourrait tôt ou tard être tranché devant les tribunaux.
Pour SFR au contraire, il s'agit d'une « concentration des services qui facilite l’expérience client » : « Le cloud, service intégré dans nos offres [10 Go sur Starter, 100 Go sur Power/Premium, ndlr], est aujourd’hui utilisé pour les documents et les enregistrements TV ». Tant pis pour ceux qui préféreraient avoir leurs données en local.
Canal+ et +18 ans interdits sur les serveurs de SFR
Pour revenir sur le fonctionnement du NPVR, SFR met en avant des restrictions pour certaines chaines : Canal+, celles ne figurant pas dans le Guide TV SFR et celles interdites aux moins de 18 ans ne peuvent pas être enregistrées sur les serveurs de la marque au carré rouge. Interrogé, le FAI nous explique qu'il s'agit d'une « question technique, liée à la mise à disposition des flux par les chaînes concernées ».
Pour le moment, il n'est visiblement pas encore possible de lancer un enregistrement ou de le regarder à distance, depuis un autre équipement que sa box, son mobile par exemple. Dommage, car c'est justement un des avantages du NPVR : ne plus dépendre exclusivement de sa box.
Il n'est pas non plus possible d'étendre la durée (8h ou 100h), mais une telle option payante devrait certainement arriver un jour, de quoi permettre à SFR de récupérer auprès du client une partie des sommes qu'il reverse au titre de la copie privée.
Ces deux fonctionnalités (gestion en dehors de la box et étendre la durée) sont « à venir » nous précise la marque au carré rouge.
Le Disque dur numérique absent des... pages des offres SFR !
On regrette enfin que la page de présentation des offres Box de SFR ne fasse pas mention du « Disque dur numérique ». Il faut attendre la page de confirmation de votre panier pour voir apparaître la ligne « Mes enregistrements 8h inclus » ou « Mes enregistrements 100h inclus » pour qu'apparaisse enfin une indication, encore trop discrète, du NPVR.
Pour les lignes avec un faible débit, il n'est en effet pas anodin de devoir récupérer le flux en ligne plutôt que directement sur le disque dur de sa box pour ensuite en profiter sans utiliser de la bande passante. « La communication est en cours et se fera de manière progressive », alors que les offres sont déjà en vente depuis la fin de la semaine dernière.
Ce changement ne concerne que les nouveaux clients, mais les anciens pourront « ensuite en profiter dans le cadre d’un changement d’équipement ».
Pour rappel, Orange travaille également sur une fonctionnalité du genre avec la virtualisation de la Livebox. Le service est déjà en place depuis longtemps en Roumanie, mais tarde à arriver en France.