La taxe sur certaines activités du numérique sera rétroactive au début de l’année avait promis le ministre de l'Économie et des Finances. Bruno Le Maire table sur un rendement de 400 millions en 12 mois. Seul hic, la CNIL estime que la rétroactivité de cette loi fiscale sera impossible pour la première année.
Le projet de loi relatif à la taxe sur le numérique a été déposé à l’Assemblée nationale. La ponction de 3 % visera les plateformes et les publicités en ligne. L’assujettissement des entreprises dépendra de deux seuils. 750 millions d’euros de chiffre d’affaires au titre des services fournis au niveau mondial, dont 25 millions d’euros engrangés en France.
La base imposable reposera alors sur « la proportion de l’activité des utilisateurs de ce service qui sont localisés en France par rapport à l’activité de l’ensemble des utilisateurs du service », détaille l’introduction du projet de loi.
Cette clé de répartition aura de lourdes implications sur la conservation des données de connexion puisque le critère principal pour déterminer la localisation d’un utilisateur sera l’adresse IP. Plus accessoirement, Bercy pourra s’appuyer sur la localisation indiquée lors de la création d’un compte sur une plateforme.
Dans la mesure où le délai de prescription de la taxe sera de trois ans – le fameux droit de reprise de l'administration – ce régime impliquera dans tous les cas que les sociétés concernées conservent ces informations personnelles durant cette même période.
Le grain de sable du RGPD
« La taxe s'appliquera en tout état de cause au 1er janvier 2019 et elle portera donc sur l'ensemble de l'année 2019 pour un montant que nous évaluons à 500 millions d'euros », avait indiqué Bruno Le Maire, à l’occasion d'une conférence de presse à Paris. Lors de la présentation du projet de loi, le rendement a été revu à 400 millions d’euros.
Saisie par l’association des services Internet communautaires (ASIC), la CNIL considère toutefois que « la question de la mise en œuvre anticipée des mesures de conservation de données personnelles doit s’analyser au regard des textes français et européens en matière de protection des données ».
Parmi les motifs justifiant une conservation des données, outre l’intérêt légitime ou le consentement, le RGPD prévoit notamment le respect d’une obligation légale. Certes, « une fois entrée en vigueur, la loi portant création de la taxe pourrait servir de fondement légal aux traitements de données mis en œuvre dans l’unique finalité de permettre le calcul de la taxe et les éventuels contrôles associés ».
Pas d'entrée en vigueur préventive, faute de traitement justifié par la loi
Pour l’année 2019, toutefois, les choses se compliquent. Cette situation est en effet jugée impossible par l’autorité de contrôle. « Les traitements en question ne peuvent pas être licitement mis en place de façon préventive avant l’entrée en vigueur de la loi ». Pourquoi ? Tout simplement parce que « l’obligation légale justifiant la création d’un traitement [doit] exister au moment de la mise en œuvre de celui-ci ».
Dit autrement, cette taxe n'entrera en vigueur que lors de sa publication au Journal officiel, pas avant. Proportionnellement, en tablant sur une publication fin mars, ces trois mois perdus engendreront 100 millions d’euros de rendement en moins.