La justice ordonne à Google le déréférencement dynamique de sept sites de streaming illicites

Et 33 variantes
Droit 6 min
La justice ordonne à Google le déréférencement dynamique de sept sites de streaming illicites

Des organisations du cinéma (FNDF, SEVN, API, le SPI, l’UPC et le CNC), aidées de l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, ont obtenu le blocage de sept sites de streaming. La décision, classique pour les FAI, consacre également la possibilité d'un déréférencement dynamique des adresses sur Google.

Les faits sur lesquels se penche ce jugement du 14 décembre 2018, dont Next INpact vient de se procurer copie, remontent à 2017. L’ALPA avait alors dressé plusieurs procès-verbaux tendant à démontrer que Enstreaming, Extremdown, Filmstreaming1, FilmVF, French-Stream, Full-Serie, Serie-Streaming sont en tout ou grande partie dédiés à la contrefaçon de films et séries.

En juillet 2018, Bouygues Télécom, Free, Orange, SFR et SFR Fibre, pour la partie FAI, et Google, côté moteur de recherche, étaient alors assignés devant le tribunal de grande instance de Paris.

« Ces sites [de streaming] ne font aucun mystère des contenus qu’ils mettent à disposition, arguent les demandeurs, qu’il s’agisse de leurs dénominations, de leurs rédactionnels, des mosaïques de jaquettes d’œuvres reproduites ou encore des listes d’œuvres mises à disposition ». Ils affirment que 99 % des contenus sont issus d’œuvres protégées et un échantillon aurait démontré la présence d’un grand nombre de liens actifs menant à des œuvres contrefaisantes.

Des sites composés d’une majorité de contenus illicites

Dans une analyse menée site par site, le TGI de Paris a relevé qu’Enstreaming, par exemple, proposait au moment des constats 8 627 œuvres, avec près de 57 % d’œuvres contrefaisantes. Le site a enregistré 882 000 visiteurs uniques en janvier 2018. Pour FILMVF, ce taux d’illicéité frôle les 90 % pour 18 585 œuvres constatées et 363 000 visiteurs uniques. Des chiffres tout aussi importants selon les autres sites mis à l’index.

Ces demandes de blocage et déréférencement reposent sur l’article L336-2 du Code de la propriété intellectuelle, une disposition issue du droit européen, qui fut défendue en 2009 lors des débats Hadopi par le rapporteur Franck Riester, aujourd’hui ministre de la Culture. Il permet de réclamer du juge toutes les mesures propres à faire cesser ou prévenir une atteinte au droit d’auteur ou un droit voisin.

Sans surprise, le jugement du 14 décembre estime que la demande de blocage d’un an destinée à l'ensemble des fournisseurs d’accès est parfaitement proportionnée. Ces sites ont enregistré des « milliers voire des millions » de visiteurs, à l’aide d’un stock de contenus illicites, soit autant de témoignages d’un grave préjudice porté aux titulaires de droits.

Même si le tribunal reconnaît que des solutions de contournement existent, ce blocage va rendre plus difficile l’accès des internautes, tout en étant limité dans le temps. Un argumentaire devenu classique pourrait-on dire depuis l’affaire AlloStreaming, qui a ouvert le bal en matière de blocage.

Bataille sur le terrain de Google

S’agissant de Google, les faits sont plus intéressants, car novateurs. Les demandeurs considèrent d’abord qu’épauler le blocage d’un déréférencement sur le principal moteur de recherche réduira les éventuels contournements d’accès, notamment par l’usage de proxy ou VPN.

Pour accentuer cette disparition des résultats, ils ont surtout réclamé un déréférencement de l’ensemble des liens d’accès vers ces sites, à charge pour Google d’empêcher « l’apparition de toute réponse et tout résultat renvoyant vers l’une quelconque des pages des sites litigieux en réponse à toute requête des internautes ».

En somme, une forme de déréférencement dynamique consistant à surveiller en temps réel l’avènement de nouveaux liens menant vers ces mêmes places. Au chevet de leur demande, ils soutiennent que « Google dispose d’un certain nombre de solutions techniques qui lui permettent d’identifier les nouveaux chemins d’accès susceptibles d’être créés par l’administrateur des sites litigieux ». Ils citent l’identification des « redirections 301 » ou encore la « Google Search Console ».

Sans surprise, Google s’y est vertement opposé. Le moteur n’a pas voulu entendre parler d’un tel dispositif, considérant que « la mission d’identification et de localisation des nouveaux chemins d’accès aux sites litigieux incombe directement aux titulaires de droits ».

En somme, au tribunal de lui adresser une liste d’URL à purger, à charge pour les demandeurs de l’actualiser au besoin. Un traitement artisanal, loin de l’industrialisation rêvée par les titulaires de droits. D’ailleurs, selon l’entreprise américaine, une solution inverse viendrait violer la prohibition de la surveillance généralisée, posée à l’article 15 de la directive de 2000 dite e-commerce.

Google ajoute qu’elle ne dispose pas de moyens lui permettant « d’identifier automatiquement, sans risque d’erreur, les actuels ou futurs noms de domaine renvoyant vers un ensemble éditorialisé de contenus identiques à ceux actuellement accessibles via les noms de domaine litigieux ».

L’entreprise a même soutenu qu’une telle obligation porterait « atteinte à son modèle économique », au point de lui faire supporter des « sacrifices insupportables ». Un argument contesté par les demandeurs au regard notamment du faible nombre de sites visés, « des nombreuses technologies d’empreintes et d’intelligence artificielle visant à la reconnaissance des contenus mises en œuvre par la société » et des « immenses moyens techniques, financiers et humains » à sa disposition.  Bref, aucun « risque de porter atteinte à sa liberté d’entreprendre ou à la viabilité de son modèle économique ».

Une surveillance active des nouveaux liens vers ces sites

Le tribunal va retenir la position de l’industrie culturelle : le droit européen autorise les autorités à prendre des mesures effectives pour mettre un terme à une violation ou qu’elle la prévienne. En conséquence, en déduit-il, une mesure qui se limiterait à imposer un déréférencement URL par URL, obligeant les titulaires de droits à actualiser régulièrement la liste des adresses, « serait une exigence inadaptée à l’objectif de protection des droits de propriété intellectuelle et à l’atteinte massive portée à ces droits ».

En effet, précise-t-il, « un même site ou un même nom de domaine peut contenir des milliers de pages et autant d’adresses URL différentes, le nombre et le contenu de ces pages pouvant évoluer à tout moment ».

Décider du contraire engendrerait un coût et de trop nombreux éléments de preuves pour identifier chaque URL et ne serait donc pas « efficace » au sens de l’article L336-2 du CPI. Cela serait d’une « efficacité très faible, voire nulle, passés quelques jours ». Selon le tribunal, Google est d’ailleurs parfaitement en capacité technique d’identifier les nouveaux chemins  susceptibles de donner accès aux sites litigieux, comme l’ont démontré les demandeurs.

Toujours selon la décision, ces mesures ne tombent pas dans le champ de la surveillance généralisée interdite par le droit européen. En effet, « elles n’ont pas pour objet d’imposer à la société Google LLC de rechercher activement les sites sur lesquels des atteintes aux droits des demandeurs sont susceptibles d’être perpétrées, mais uniquement de contribuer à remédier à l’indexation et au déréférencement par le moteur de recherche Google des liens illicites amenant vers les sites contrefaisants », sachant que Google aura « la liberté du choix des mesures à prendre ».

En somme, le filtrage étant focalisé sur ces sept sites, difficile de parler d’une surveillance généralisée.

Au final, Google devra durant un an prendre « toutes mesures utiles en vue d'empêcher l'apparition sur les services du moteur de recherche (…) de tout résultat en réponse à une requête émanant d’internautes à partir du territoire français, y compris des collectivités d’outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie et des Terres australes et antarctiques françaises, renvoyant manifestement vers l'une des pages des sites Enstreaming, Extreme Down, « Filmstreaming1 », « Filmvf », « French-Stream », « Full-Serie », « Serie-Streaming » et "Tfarjo" » accessibles « notamment » aux adresses : 

  1. http://tfarjo.ws/
  2. http://tfarjo.com/
  3. http://streamingz.net/
  4. http://seriestreaming.ws/
  5. http://serie-streaming.cc/
  6. http://serie.cc/
  7. http://filmsvf.co/
  8. http://full-serie.ws/
  9. http://full-serie.info/
  10. http://full-serie.com/
  11. http://full-serie.co/
  12. http://full-serie.biz/
  13. http://french-stream.tv/
  14. http://french-stream.me/
  15. http://frenchstream.com/
  16. http://french-stream.co/
  17. http://filmvf.ws/
  18. http://filmvf.tv/
  19. http://filmvf.net/
  20. http://filmvf.co/
  21. http://filmvf.cc/
  22. http://filmvf.biz/
  23. http://filmsvf.org/
  24. http://filmstreaming1.xyz/
  25. http://filmstreaming1.com/
  26. http://filmstreaming1.co/
  27. http://extreme-down.pro/
  28. http://extreme-down.one/
  29. http://extreme-down.in/
  30. http://extreme-down.com/
  31. http://extreme-d0wn.com/
  32. http://enstreaming.tv/
  33. http://enstreaming.org/

Cette décision vient confirmer une jurisprudence de 2018 où dans des décisions de référé des mesures similaires avaient été ordonnées à l'encontre du même moteur. Fait notable, eu égard au contexte de cette affaire, le TGI a laissé chaque partie conserver la charge de ses propres dépens.

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