Le sénateur Jean-Pierre Leleux (LR) suggère que la Hadopi puisse rendre une décision de blocage des sites de streaming de compétitions sportives. Idéalement dans les cinq minutes après le début d’un match. Un voeu prononcé à l'occasion d'un colloque organisé par la Hadopi, jeudi dernier au Sénat.
La question du blocage judiciaire est réglée en France depuis plusieurs années. En 2013, la justice a ainsi ordonné aux FAI de couper l’accès aux sites de la galaxie Allostreaming en se fondant sur un article phare du Code de la propriété intellectuelle. Quatre ans plus tard, dans les pas de la Cour de justice de l'Union européenne, la Cour de cassation a même considéré que les frais de ces mesures pouvaient être supportés par les seuls FAI.
En effet, écrit la haute juridiction, « nonobstant leur irresponsabilité de principe, les fournisseurs d’accès et d’hébergement sont tenus de contribuer à la lutte contre les contenus illicites et, plus particulièrement, contre la contrefaçon de droits d’auteur et de droits voisins, dès lors qu’ils sont les mieux à même de mettre fin à ces atteintes ».
Seulement, avec le succès des sites de streaming de compétitions sportives, l'industrie en question ne veut se contenter d’un tel dispositif qui prend parfois des mois, si ce n’est des années, pour aboutir. Lors du colloque organisé au Sénat par la Hadopi, plusieurs voix ont sans surprise plaidé pour des solutions plus ambitieuses, en particulier le live blocking.
L'exemple anglais du live blocking
En octobre 2018, dans son rapport sur l’audiovisuel, la députée Aurore Bergé avait déjà les yeux tournés sur cet instrument en vigueur au Royaume-Uni, celui du blocage en direct.
« Chaque semaine, sont ainsi bloqués les sites de live streaming illégaux pour une période correspondant environ à la durée de l’évènement sportif qu’ils envisageaient de diffuser, détaille la Hadopi, dans un document comparant les réponses internationales au piratage. La liste des sites concernés est en principe établie au début de chaque semaine par les ayants droit. Cette liste peut toutefois être actualisée en cours de semaine. Certaines mesures sont susceptibles d’être également prises en temps réel, au moment même de la diffusion de l’évènement sportif »
Au Sénat, en marge de la conférence du 7 février, Jean-Pierre Leleux a considéré que le temps était venu de dépoussiérer l’institution. Certes, « Hadopi a fait son œuvre du mieux possible si l’on tient compte des compétences qui lui ont été confiées par la loi. La partie sensibilisation au pillage des droits d’auteur est bien gérée par elle ». Seulement, nous confie-t-il, 10 ans après le vote de la loi de 2009, « il faut [lui] donner plus de pouvoir puisqu’on se rend compte que la procédure judiciaire est trop longue, pas efficace ». Des propos dans la droite ligne des voeux de l'institution elle-même.
Une décision rendue dans les cinq minutes, après identification
À l’égard des sites de streaming de compétitions sportives, en particulier, le sénateur considère que, pour être justement efficace, cette décision doit tomber très rapidement, « dans les cinq minutes qui suivent le début d’un match ».
Sur le plan technique, « j’imagine qu’il y a des moyens », même si « le tout est de ne pas se tromper et d’avoir affaire à un site qui diffuse des liens pirates ». Pour huiler ce processus, l’idée serait en tout cas que la Hadopi soit à même d’identifier ces sites au préalable, avant de prendre une décision. Il admet tout de même que « l’élément juridique peut être compliqué parce qu’on est dans un pays de droit ».
Outre l’aspect opérationnel, la difficulté d’une décision de blocage (ou de déréférencement des moteurs) est en effet qu’elle frappe l’intégralité d’un site où des contenus licites peuvent côtoyer des contenus qui ne le sont pas. Voilà pourquoi l'appréciation par le juge de ces parts respectives est parfois complexe.
Autre piste de réforme suggérée par le sénateur : la possibilité pour l'autorité de distribuer des sanctions à l'encontre des abonnés non sécurisés, sans passage par la case judiciaire. « Il faut donner des pouvoirs de sanctions administratives, sans se départir du contrôle du juge, peut-être a posteriori dans un certain nombre de cas » considère Jean-Pierre Leleux. Son montant ? « Pas forcément très élevé, peut-être au niveau d'une contravention de première classe, 25 ou 30 euros ».