Les angles morts du « pass Culture », expérimenté dans cinq départements

Les angles morts du « pass Culture », expérimenté dans cinq départements

Ça pass ou ça casse

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Xavier Berne

Publié dans

Droit

05/02/2019 7 minutes
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Les angles morts du « pass Culture », expérimenté dans cinq départements

Le gouvernement vient de donner le coup d’envoi de l’expérimentation du « pass Culture » promis par le candidat Macron. Dans un premier temps, 10 000 jeunes doivent ainsi bénéficier de ce crédit de 500 euros, afin d’acheter des places de cinéma, des livres, des CD... Le dispositif s’avère encore flou en de multiples endroits.

Destiné à « faciliter l’accès à la culture », le pass Culture va devenir réalité pour 10 000 jeunes nés entre le 1er novembre 1999 et le 31 décembre 2000. Et ce à condition (notamment) qu’ils résident dans l’un des cinq départements suivants : le Bas-Rhin, le Finistère, la Guyane, l’Hérault et la Seine-Saint-Denis.

Comme le précise le décret relatif à cette expérimentation, publié samedi 2 février au Journal officiel, le fameux pass fonctionne « au moyen d'une application numérique géolocalisée » (développée sous la houlette de la Direction interministérielle au numérique, dans le cadre d’une « start-up d’État »). L’idée : permettre aux jeunes de « repérer, choisir et réserver une grande diversité de biens et de propositions culturels, du concert au théâtre en passant par le livre, la pratique artistique et les jeux vidéo ».

Une sélection par « tirage au sort »

L’expérimentation lancée par le gouvernement pourra durer jusqu’à trois ans. Si 10 000 jeunes doivent en bénéficier dès ce mois-ci, le décret prévoit que 200 000 personnes en profitent (au maximum) sur l’ensemble de l’opération.

Pour pouvoir prétendre à un pass Culture, il faut :

  • Être âgé de 18 ans au moment de la demande ou de l'activation du compte, via l’application.
  • Être de nationalité française, ressortissant de l'un des États membres de l'Union européenne ou de l'un des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou résider légalement et habituellement sur le territoire français depuis plus d’un an.
  • Résider habituellement dans l’un des cinq départements choisis pour l’expérimentation.
  • Souscrire aux conditions générales d'utilisation de l'application.

Même en remplissant toutes ces conditions, l’octroi d’un pass Culture ne sera absolument pas systématique. Le décret prévoit en effet qu’une sélection soit opérée « parmi les personnes éligibles ». Un arrêté du ministère de la Culture est ainsi censé préciser les critères qui permettront de « détermine[r], pour chaque échantillon de l'expérimentation, le nombre de personnes pouvant bénéficier d'un compte personnel numérique ».

Si ce fameux arrêté n’a toujours pas été publié, la Rue de Valois affirme dans un document de présentation que les jeunes habitant dans les départements pilotes « ont pu remplir jusqu’à début janvier 2019 un formulaire en ligne sur le site Internet pass.culture.fr, afin de candidater à l’expérimentation ». Un « tirage au sort » a ensuite permis de retenir « 10 000 jeunes répondant à des critères de représentativité (niveau de diplôme, activité, localisation du domicile...) ».

En dépit du manque de transparence sur ces critères, la sélection semble avoir été d’ores et été effectuée par le ministère de la Culture, qui affirme que les premiers participants à l’expérimentation « pourront, à partir du 1er février, activer leur crédit de 500 euros ».

Sollicités hier pour plus d’éclaircissements, les services de Franck Riester n’avaient pas répondu à l’heure où nous publions cet article.

Un manque de visibilité sur le catalogue d'offres

Pour pouvoir pleinement profiter de leur pass, les jeunes sélectionnés par tirage au sort doivent tout d’abord activer leur compte. Pour cela, ils peuvent transmettre leurs justificatifs d’identité et de domicile « de façon dématérialisée ». Un lien d’activation a alors vocation à leur être envoyé « dans un délai maximum d’une semaine ». Ils ont sinon la possibilité « de se rendre à l’un des rendez-vous d’activation à proximité de chez eux, à partir du 7 février ».

Aux termes du décret, chaque bénéficiaire peut alors se prévaloir, via l’application du pass Culture, d'une cagnotte de 500 euros TTC « permettant à son seul titulaire d'acquérir les biens et services culturels proposés au moyen de cette application ». L’utilisateur est libre d’utiliser ce crédit dans les « conditions et limites » fixées par le décret, ainsi que par les conditions générales d'utilisation de l'application.

Seul hic : le décret reste relativement vague sur cet encadrement. On peut simplement lire que les détenteurs d’un pass Culture peuvent utiliser ce dernier pendant une durée précisée « par arrêté du ministre chargé de la culture », dans la limite de trois ans. Or cet arrêté manque encore à l’appel, plusieurs jours après le lancement officiel de l’expérimentation...

Quant aux conditions générales d’utilisation de l’application, elles sont tout simplement inexistantes ! « À venir », indique laconiquement le site du pass Culture.

Le dossier de presse publié par le ministère de la Culture laisse pourtant entendre que des plafonds ont bel et bien été fixés par l’exécutif.

pass culture

D'après ce document, les jeunes ne pourront dépenser plus de 200 euros pour des « biens matériels » (CD, livres, DVD, instruments de musique...). Idem pour les « offres en ligne », de type vidéo à la demande ou jeux vidéo.

En revanche, aucune limite n’est prévue pour les « sorties culturelles » : places de cinéma ou de concert, cours de musique, etc.

Pour l’heure, le ministère de la Culture ne détaille pas les offres éligibles via le pass Culture.

Un financement relativement flou

L’application semble fonctionner sur un principe de réservation, où le jeune obtient par la suite une contremarque qui lui permet de récupérer le bien ou d’accéder au service désiré.

D’après l’espace Gitbook du pass Culture, les acteurs culturels sont censés recevoir un virement, « toutes les deux semaines », afin de « rembourser les réservations et les achats validés » par les jeunes. La brochure de présentation du dispositif explique dans le même temps que l’expérimentation a vocation à préciser les modalités de financement des pass, et « en particulier la répartition entre financements publics, privés et apports en gratuité ou réductions de prix ».

pass culture

Lors de la discussion du projet de loi de finances 2019, le député Pierre Person avait expliqué que la contribution des crédits publics était « évaluée à 20 % du coût du Pass culture ». Les pouvoirs publics espèrent notamment que les « plateformes numériques » participent « jusqu’à 160 millions d’euros (soit 40 % du budget global évalué à 400 millions d’euros) ». Au titre du budget 2019, 29 millions d’euros devaient être alloués au pass Culture.

D’après le décret publié ce week-end au Journal officiel, un rapport d'évaluation sera remis au ministère de la Culture dans deux ans et demi « au plus tard ». Ce document devra notamment identifier « l'origine des financements permettant la création de comptes personnels numériques », et « évalue[r] la part des financements publics nécessaires pour assurer l'équilibre financier de l'application ».

Prochaine étape de cette expérimentation : 50 000 nouveaux bénéficiaires devraient être désignés « l’été » prochain, « dans des territoires qui restent à déterminer ».

Écrit par Xavier Berne

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Une sélection par « tirage au sort »

Un manque de visibilité sur le catalogue d'offres

Un financement relativement flou

next n'a pas de brief le week-end

Le Brief ne travaille pas le week-end.
C'est dur, mais c'est comme ça.
Allez donc dans une forêt lointaine,
Éloignez-vous de ce clavier pour une fois !

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Commentaires (31)


<img data-src=" /> 500 balles !


Surtout qu’il y a des taux de TVA réduit sur les spectacles et certains produits culturels donc l’état récupérera même pas systématique 20% de la somme !


C’est dommage qu’on ai pas de chaîne de télévision publique, on pourrait y diffuser du contenu culturel, plutôt que de construire des usines à gaz…


Mais heu… le pass culture va donc devenir un droit (passé l’expérimentation?) accessible uniquement aux gens munis de smartphones, avec un abo internet ou un accès wifi? Ok à 18 ans c’est j’imagine quasi généralisé, mais dans le principe ça me pose un gros problème.

Surtout quand on parle d’accès à la culture.


Plus simple de distribuer le fric des français que de faire le ménage dans les programmes TV abrutissants.


OK, tout n’est pas encore cadré et il y a des documents en retard. C’est gênant quand il s’agit d’un décret prévu par la loi et des CGU.



Mais, est-ce qu’il y a des points positifs dans cette expérimentation ou bien tout est-il à jeter ?



La critique systématique, ça devient u peu lourd !


D’un coté refuser d’expérimenter le revenu de base, de l’autre donner 500 balles via une appli géolocalisée et par tirage au sort ?

Ca fait un peu française des jeux non ?


Pour le moment les points positifs :




  • inciter à consommer du produit culturel

  • inciter à utiliser son smartphone

    Le reste ne sera visible qu’au terme de l’expérimentation, on manque clairement de recul.


Difficile de trouver du positif dans une mesure “d’annonce” uniquement destinée à séduire l’électorat.



Surtout quand elle est autant en retard, bancale dans son application, et dont le financement final n’a toujours pas été établi…













recoding a écrit :



Mais heu… le pass culture va donc devenir un droit (passé l’expérimentation?) accessible uniquement aux gens munis de smartphones, avec un abo internet ou un accès wifi? Ok à 18 ans c’est j’imagine quasi généralisé, mais dans le principe ça me pose un gros problème.

Surtout quand on parle d’accès à la culture.





Pas les plus démunis :/

Dommage ils sont censés être la cible principale de ce genre d’offres <img data-src=" />



Donc il faut que le jeune soit tiré au sort, avoir un smartphone récent, activer son compte (pour cela, il faut transmettre les justificatifs d’identité et de domicile), aller sur le site Pass Culture, essayez de trouver un bouquin dans la liste (et je pense elle va être longue) que la librairie a numérisé et importé.

Après sélection d’un livre sur le Pass Culture, un mail de confirmation

sera envoyé à la librairie de proximité&nbsp;correspondant à l’utilisateur,

géolocalisé par l’application charge au libraire de s’inscrire pour

participer, à l’aide de son SIREN. «&nbsp;Le livre est mis de côté par la librairie&nbsp;», précise le document, sans indiquer si des commandes de titres seront possibles.



L’utilisateur de l’application recevra une contremarque numérique, et

pourra venir récupérer son livre dans les 7 jours suivants. Dans ce

délai, il présente sa contremarque au libraire, qui vérifie son

identité, lui remet le livre et sort ce dernier de son stock.



Ou comment encore plus compliquer les choses. Une simple carte (ou porte monnaie&nbsp; virtuel) à présenter dans sa librairie ou à utiliser un code sur les sites participant n’aurait-il pas été plus simple et surtout moins couteux ?



PS : d’après ce que j’ai pu lire aussi les librairies participantes recevront les noms, prénoms et adresses mail des utilisateurs, et pourront ensuite les exploiter.


Quant aux conditions générales d’utilisation de l’application, elles sont tout simplement inexistantes ! « À venir », indique laconiquement le site du pass Culture.

S’il s’agit du” À venir” de cette page, il s’agit des CGU pour les partenaires, pas pour l’application à destination des jeunes “expérimentateurs”. <img data-src=" />


Un petit test grandeur nature pour la transformation du peuple en cheptel de têtes que l’on nourri, loge, à qui on dit ce qu’ils ont droit de lire ,de regarder, d’écouter. Plus de salaires pour un travail; un revenu sous conditions distribué par l’état à la place.

Contestataire: on te coupe tout.

Un peuple bien docile qui ne mordra pas la main qui le nourri.



Ne pas se fier aux soit disant bons sentiments derrière ce type de mesure.

&nbsp;








Quiproquo a écrit :



C’est dommage qu’on ai pas de chaîne de télévision publique, on pourrait y diffuser du contenu culturel, plutôt que de construire des usines à gaz…



&nbsp;



Il y a quand même une différence entre regarder une pièce de théâtre à la télé&nbsp;ou dans un théâtre. Et ça s’applique également à des ballets, des concerts, voir des films dans une cinéma,…. du coup peut être que le dispositif permet trop de possibilité au niveau ludique (cinéma, jeux vidéos, …) et pas assez d’occasion de découverte.



Pas assez de recul en France.



Une expérimentation a par contre eu lieu en Italie :https://www.la-croix.com/Culture/Bilan-mitige-Pass-culture-Italie-2018-03-08-120…



En gros :

* Pas mal de non-consommation du pass (40 % ne l’ont pas réclamé)

* 78 % de dépenses en livres (mais pas mal de livres scolaires/manuels ?)

* marché noir où les jeunes préfèrent des vrais euros pour acheter autre chose


Je ne demandais pas un bilan au tout début de l’expérimentation…


C’est la phase pilote donc le tirage au sort n’est pas si choquant. Le retard cote decrets, CGU, etc est plus genant en effet.

Apres, si ca peut permettre aux jeunes (notamment defavorises) de sortir et d’experimenter, c’est une bonne chose.


Non mais le titre de l’article…

Sérieusement un peu de positivité de temps en temps c’est difficile ? Sur NXi on a de plus en plus l’impression d’avoir droit à une chaine en continue de l’information numérique (à la BFM) où il faut forcément noircir les choses pour faire le plus d’audience <img data-src=" />


C’est à partir de quel age qu’on est plus jeune ?

Est-ce définis par décret ou dans la loi ?&nbsp;


Peut être me trompe-je mais j’ai l’impression qu’aucun des derniers articles de NXi ne trouve grâce à tes yeux…



Du coup pourquoi continuer à lire NXi ? Peut-être serait il plus judicieux pour toi de prendre de la distance non ?








carbier a écrit :



Non mais le titre de l’article…

Sérieusement un peu de positivité de temps en temps c’est difficile ? Sur NXi on a de plus en plus l’impression d’avoir droit à une chaine en continue de l’information numérique (à la BFM) où il faut forcément noircir les choses pour faire le plus d’audience <img data-src=" />



Quand on fait des tests, c’est justement pas pour regarder ce qui fonctionne, mais pour chercher ce qui peut ne pas fonctionner… Et donc le titre est tout sauf choquant : le but de cette expérimentation est de déceler les angles morts avant de soit les corriger avant généralisation, soit stopper le projet.









Tandhruil a écrit :



Peut être me trompe-je mais j’ai l’impression qu’aucun des derniers articles de NXi ne trouve grâce à tes yeux…



Du coup pourquoi continuer à lire NXi ? Peut-être serait il plus judicieux pour toi de prendre de la distance non ?





Oui tu te trompes car NXi et IH ce n’est pas que des articles “politiques” et heureusement.



Pour finir, encore heureux qu’on puisse donner son avis et ne pas être d’accord. Sinon ton concept de l’information est intéressante: uniquement s’abonner aux medias qui vont dans ton sens en permanence.



La version française semble mieux bétonner contre le marché noir. Tellement mieux que ça va être une plaie à utiliser.


La corruption ne se cache même plus entre le petit monde de copains du divertissement et l’état <img data-src=" />








carbier a écrit :



(…)&nbsp; Sinon ton concept de l’information est intéressante: uniquement s’abonner aux medias qui vont dans ton sens en permanence.





J’avoue, je n’ai jamais songé m’abonner à Minute désolé pour ce manque de pluralisme.



De quoi tu parles précisément ?




Les pouvoirs publics espèrent notamment que les « plateformes numériques » participent « jusqu’à 160 millions d’euros (soit 40 % du budget global évalué à 400 millions d’euros)





On connait déjà le résultat: des centaines de millions d’argent public vont finirent dans la poche des majors, c’est de la subvention déguisée aux riches <img data-src=" />


Tu parlais de corruption, ce que tu dis n’a rien à voir.


Comme je suis un vieux stalinien borné, j’ai tendance à penser que cet argent serait mieux utilisé à financer des services publics (par exemple pour faciliter l’accès au théâtre/ballet/opéra via l’école publique) plutôt qu’à subventionner des multinationales du divertissement. Mais j’assume le fait d’avoir un préjugé assez vieux jeux envers le concept de voucher.



Après, si ça permet de démonter qu’en arrosant des jeunes à faible capital culturel de pognon, ils vont s’ouvrir spontanément à des pans de la culture dont ils ignorent presque l’existence, ça sera une grande avancée en science sociale <img data-src=" />.








Quiproquo a écrit :



Comme je suis un vieux stalinien borné, j’ai tendance à penser que cet argent serait mieux utilisé à financer des services publics (par exemple pour faciliter l’accès au théâtre/ballet/opéra via l’école publique) plutôt qu’à subventionner des multinationales du divertissement. Mais j’assume le fait d’avoir un préjugé assez vieux jeux envers le concept de voucher.



Après, si ça permet de démonter qu’en arrosant des jeunes à faible capital culturel de pognon, ils vont s’ouvrir spontanément à des pans de la culture dont ils ignorent presque l’existence, ça sera une grande avancée en science sociale <img data-src=" />.





Mais je suis d’accord avec toi ! Par contre passer ça à la télé je trouve ça un peu too much car ceux qui regarderons seront principalement ceux qui sont déjà initiés (encore qu’un peu plus de théâtre ça ne ferait pas de mal) alors qu’envoyer des classes entières voir du théatre, du ballet, de l’opéra comme tu le dis c’est plus intéressant.



En dessous de l’age médian, tu es jeune; au dessus de l’age moyen, tu es vieux. <img data-src=" />

https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381476