Quand la Hadopi cartographie « l'écosystème de la piraterie »

À l'abordage !
Droit 8 min
Quand la Hadopi cartographie « l'écosystème de la piraterie »
Crédits : Hadopi

La Hadopi a dévoilé une étude lui fournissant une cartographie à jour de ce qu'elle appelle « l'écosystème de la piraterie ». Elle met en avant de nouveaux acteurs et modes de consommation, tels que les boîtiers IPTV et esquisse les flux financiers faisant vivre ces activités opaques. 

Depuis la création de la Hadopi, les méthodes employées par les internautes pour se procurer des contenus culturels de manière illicite se sont diversifiées. Au début des années 2000 le peer-to-peer était roi, mais depuis quelques années le streaming, le téléchargement direct, et l'IPTV ont rapidement gagné du terrain. 

Cette évolution continue de ce que la Hadopi appelle « l'écosystème de la piraterie », méritait donc que la haute autorité s'y intéresse, ne serait-ce que pour faire le point sur l'utilité de son arsenal, mais aussi pour dessiner une cartographie des différents acteurs s'étant spécialisés à divers niveaux dans le partage illicite de biens culturels. 

Le film, fer de lance de l'offre illégale

Cette cartographie commence par l'utilisateur final, l'internaute. Ses habitudes en termes de consommation de biens culturels dématérialisées ont été scrutées par le biais d'un sondage réalisé en mars 2018, sur un échantillon de 2 001 personnes. 

Cette étude met en lumière que 55 % d'entre eux consomment ne serait-ce qu'occasionnellement des films obtenus de manière illégale. Les séries TV suivent de près (50 %) tandis que le livre complète le podium avec 36 % de pirates. Le sport, la musique et le jeu vidéo, ne sont cités que par une part inférieure à 30 % des sondés.

Selon la Hadopi, si 73 % des internautes ne consomment leur musique que de façon légale, c'est grâce « au développement d'offres attractives au sein de ce secteur au travers d'acteurs tels que Spotify, Deezer ou Apple Music ». Pour le jeu vidéo et ses 78 % de clients vertueux, ce score tient au fait que « les pratiques illicites sont plus difficiles sur ce segment », plutôt qu'à l'apparition d'offres par abonnement comme le Xbox Game Pass, Origin Access, ou PlayStation Now.

Parmi les méthodes employées par les internautes pour accéder à leurs contenus illicites, le visionnage en streaming se classe en tête, cité par 68 % d'entre eux. Le téléchargement direct vient en deuxième position (42 %), suivi par la « récupération de fichier via une personne tierce » a.k.a. « le bon copain qui sait où trouver les films » pour 36 % des français. Le peer-to-peer n'est cité que par 35 % d'entre eux, tandis que les newsgroups ferment la marche, avec 3 %. Fait notable, environ 3,6 % des internautes paient pour accéder à une offre illégale.

L'argent reste le nerf de la guerre

Une fois les habitudes des français cernées, la Hadopi s'est intéressée aux flux financiers liant les différents acteurs de l'offre illégale, se penchant à la fois sur ceux s'étant spécialisés dans ce domaine, et ceux qui le servent plus ou moins malgré eux. Et la liste est longue. 

Cartographie hadopi 

L'autorité note ainsi que « si les sites de référencement de liens et les hébergeurs de contenus continuent d’être au cœur des pratiques illicites, de nombreux nouveaux acteurs se sont positionnés dans cet environnement. Des fournisseurs de services ont investi le champ de l’illicite, pour répondre aux besoins spécifiques des acteurs contrevenants, ou se sont spécialisés dans ce secteur ». 

C'est notamment le cas du côté des intermédiaires de publicité (régies), dont certaines proposent leurs services quasi exclusivement au marché de l'illicite. Il faut voir là un moyen contourné pour les fournisseurs de contenus piratés de trouver des fonds en dehors du circuit traditionnel. Pour rappel, les acteurs de la publicité ont signé une charte en 2015 ayant pour objectif « d’identifier les sites contrefaisants et de les exclure des relations avec les professionnels du secteur, afin d’assécher leurs ressources financières ». Il en est de même du côté des prestataires de paiement, puisque certains d'entre eux, comme PayPal ou Visa, refusent de voir leurs services associés à des sites illégaux. 

Or, la publicité reste aujourd'hui encore la principale source de revenus pour ces sites, qui se tournent désormais vers des annonceurs centrés sur des thématiques bien particulières dont « les jeux en ligne, les sites de rencontre et les fausses alertes aux virus informatiques » note la Hadopi

En dehors de la publicité ?

Les sites de partage illégaux comptent donc de plus en plus sur d'autres sources de revenus pour subsister. Certains sont passés à l'abonnement, d'autres tentent de glaner quelques deniers via le minage de cryptomonnaies. Les plus malins proposent à la fois les contenus, et des moyens techniques de contourner la surveillance de la Hadopi, et se servent de leurs propres espaces publicitaires pour en faire la promotion. « Ainsi, le nombre de parties prenantes au sein de l’écosystème croît et les relations entre les acteurs se multiplient » note la Hadopi au sujet de ces partenariats.

 

Hadopi VPN 

Du côté du live streaming, la Hadopi note que l'offre est « exclusivement gratuite » et repose donc uniquement sur la publicité. Pour le streaming et le téléchargement direct (DDL), les offres d'abonnement sont de plus en plus fréquentes et proposent une levée de certaines limitations (notamment de débit pour le DDL), des coupe-files, l'absence de publicité, du stockage cloud etc.

Des moyens de contournement peu utilisés

L'autorité s'est également penchée sur les différents types de services facilitant les usages illicites. A commencer par les VPN, qui « permettent aux internautes de naviguer sur Internet discrètement, en masquant leur adresse IP » et de « contourner les mesures de blocage géographique visant certains sites Internet ».

Selon l'étude de la Hadopi, 5 % des consommateurs de contenus illicites feraient usage de ces réseaux privés pour camoufler leurs activités. Elle estime que la baisse de la pratique du P2P a pu limiter le recours aux VPN ces derniers temps, mais que parallèlement l'apparition d'offres gratuites à l'usage simplifié pourrait inverser la tendance. Une inquiétude d'autant plus grande pour la Hadopi qu'elle note qu'un grand nombre des publications web autour des sujets illicites font référence à l'usage de VPN pour se camoufler. 

Les proxys sont quant à eux utilisés par seulement 1,8 % des internautes consommant des contenus illicites, une part qui tend à diminuer rapidement, notamment au profit des VPN qui ont l'avantage de chiffrer les données en transit. L'usage des seedbox enfin reste très confidentiel, avec seulement 0,20 % d'utilisateurs, que l'autorité qualifie de « technophiles ». 

L'IPTV, entre fichiers gratuits et boîtiers préconfigurés

Les offres IPTV viennent quant à elle donner du fil à retordre à la Hadopi. Il n'est toutefois pas question ici du flux que vous recevez au travers de votre box, mais plutôt d'offres illicites, tantôt gratuites, tantôt par abonnement, permettant d'accéder à une foule de chaînes normalement vendues au prix fort. 

On retrouve deux principaux types d'offres avec d'un côté des fichiers M3U à glisser dans son lecteur vidéo préféré ou des extensions Kodi permettant d'accéder à une importante liste de chaînes. De l'autre on trouvera des boîtiers TV sous Android préconfigurés, souvent associés à un abonnement payant. Il suffit alors de les relier à son téléviseur pour accéder à tous les programmes. 

Le souci avec ces boîtiers, c'est qu'il est très aisé de s'en procurer. « Les fournisseurs de ces solutions utilisent désormais différents services en ligne pour distribuer leurs produits, au travers par exemple des sites de commerce électronique en ligne ou des places de marché grand public », se désole ainsi la Hadopi, qui poursuit ainsi : 

« Les places de marché traditionnelles sont, quant à elles, investies par certains revendeurs pour distribuer des boitiers TV configurés permettant une consommation illicite massive, en complément de la vente de ces appareils dans des « boutiques » informatiques spécialisées. Ceci est également valable pour la commercialisation d’offres IPTV illicites. Les revendeurs font la promotion de leurs produits en ligne, via les réseaux sociaux, les sites à forte audience ou les sites de e-commerce traditionnels. Ces nouveaux canaux leur permettent d’attirer un public beaucoup plus large »

On relativisera tout de même la notion de public large, puisque seul 1,2 % des consommateurs illicites font appel aux services d'un boîtier TV ainsi configuré, dont 86 % ont acheté leur boîtier (à partir d'une trentaine d'euros) et leur abonnement IPTV (environ 50 € par an) séparément.

Un rapport pour nourrir la future réforme de la Hadopi

En filigrane, on comprendra que la Hadopi aimerait bien disposer des ressources nécessaires, sur le plan légal, mais également sur le plan humain pour agir sur ces « nouveaux » modes de consommation des contenus partagés illicitement, son pouvoir se limitant pour l'instant aux réseaux P2P. 

L'idée pour rendre l'autorité plus efficace, serait de lui permettre d'agir directement sur les flux financiers liant les différents acteurs de la chaîne, des sites de référencement (forums...) aux sites de streaming, en passant par les fournisseurs VPN, d'IPTV ainsi que leurs prestataires de paiement ou leurs régies publicitaires.

Une solution plaidée depuis plusieurs années par la haute autorité, qui sait que dans les mois à venir, la loi de transposition de la directive sur les services de médias audiovisuels sera un véhicule tout adapté à pareille réforme

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