Il est désormais possible d'effectuer un virement ou un paiement dans la zone SEPA, effectif en 10 secondes. Une promesse de la BCE devenue réalité ces dernières semaines. Mais dans la pratique, tout n'est pas si simple.
Une petite révolution se prépare depuis quelques années dans le monde bancaire européen : le virement et le paiement instantanés. Après le passage du RIB à l'IBAN pour la zone SEPA, ce second changement d'ampleur va directement affecter les clients et les possibilités qui s'ouvrent à eux.
Car si la révolution numérique a touché les banques, c'est surtout pour les activités de trading, les procédures internes et l'accès aux comptes en ligne. Les services, eux, mettent du temps à évoluer, malgré la pression des nouveaux usages poussés par les néobanques et de sociétés comme PayPal.
Rattraper le retard
Cette dernière permet depuis longtemps de transférer à un tiers des fonds instantanément, ceux-ci pouvant alors être utilisés directement. Des pratiques qui, ces dernières années, ont migré vers les smartphones.
Nombreux sont les services proposant ainsi un transfert d'argent, de Facebook Messenger à Skype en passant par les néobanques, avec un bémol : il faut utiliser un même établissement ou une même application. Surtout, le temps de récupération des fonds sur un compte bancaire classique est toujours aussi long.
Même si la situation s'est améliorée avec le temps, 24/48h (ouvrables) sont souvent nécessaires pour que des fonds soient transférés d'une banque à une autre en France. Impensable à l'heure du tout numérique.
Devant cet état de fait et le développement d'un nombre croissant d'initiatives nationales, la Banque Centrale Européenne (BCE) s'est lancée il y a quelques années sur l'initiative Instant Payments. Elle doit permettre des paiements/virements instantannés ou SEPA Instant Credit Transfer (SCTInst), même depuis un appareil mobile et sans connaître les coordonnées bancaires, sans interruption (24/7).
De quoi faciliter le paiement de compte à compte dans l'ensemble de la zone SEPA, sans même passer par la carte bancaire, faire naître de nouveaux services, ou en favoriser d'autres, comme le paiement à la livraison par exemple. La facturation doit aussi être facilitée pour les entreprises.
Des enseignes françaises s'y mettent, avec parfois un surcoût
Le groupe BPCE a été l'un des plus actifs sur cette initiative. C'est tout naturellement que ses banques ont été parmi les premières à sauter le pas dès 2018, lors de la mise en place. Depuis, d'autres établissements ont annoncé s'y mettre ou s'y sont mis depuis pour le virement et/ou le paiement : BNP Paribas, Crédit Mutuel Arkéa, Société générale, etc.
Certains clients l'ont découvert avec une surprise : le virement rapide leur est proposé, mais facturé 1 euro environ. Présenté comme un service complémentaire, capable de remplacer la très lucrative carte bancaire et nécessitant un investissement pour les banques, il a naturellement été intégré comme un service premium.
Car outre le besoin de gérer les comptes en temps réel, il faut aussi faire évoluer le cœur de la machine en charge de l'ensemble des transactions et la lutte contre la fraude. Si le travail n'a pas été réalisé progressivement en amont, la facture peut s'avérer lourde.
Cela n'empêche pas d'autres établissements de jouer sur ce nouveau service pour mettre en avant leur grille tarifaire plus agressive. C'est notamment le cas de Boursorama qui a annoncé il y a quelques jours l'arrivée gratuite du virement instantané pour l'ensemble de ses clients (particuliers et professionnels).
La banque en ligne en profite pour vanter ses tarifs, présentés comme les moins chers du marché. Une manière de rappeler à la concurrence que dans la période actuelle, réclamer 1 euro pour transférer des fonds n'est pas une perspective de modèle économique durable.
Pour autant, cette gratuité n'est pas sans contreparties.
Comment ça marche ?
Les règles établies par la BCE sont claires (et appliquées telles quelles en France) : les virements peuvent être au maximum de 15 000 euros, effectifs en 10 secondes, disponibles 24/7 et 365 jours par an, sont irrévocables, une confirmation ou un rejet devant être fourni dans les 20 secondes.
L'identification peut se faire via IBAN, numéro de mobile, QR Code ou NFC. Le cas du numéro de mobile sera sans doute le plus complexe, puisqu'il peut évoluer avec le temps. Il se base sur un référentiel européen construit autour des données fournies par les banques. Il faudra donc être attentif sur la mise en œuvre.
Chez Boursorama, une nouvelle zone est ainsi apparue dans la section relative aux virements et prélèvements. Une fois le compte d'origine choisi, la liste de vos bénéficiaires s'affiche avec la possibilité d'en ajouter un (via un IBAN uniquement).
Les comptes enregistrés sont alors indiqués comme compatibles ou non. Selon nos constatations, c'était le cas de comptes détenus chez CIC, Crédit Agricole, ou BNP, mais pas chez B for Bank, Fortuneo, LCL, N26, Nickel ou encore Orange Bank. Le montant maximum n'est pas clairement précisé, mais il est de 500 euros, loin des 15 000 euros évoqués par la BCE.
Sans doute une précaution pendant la phase de démarrage, mais qui peut vite être une limite génante. D'autant qu'un seul virement instantanné peut être effectué par jour, dommage. Mais cela fonctionne : les fonds ont été affichés directement sur le compte du bénéficiaire (Crédit Agricole), un SMS nous ayant tout de suite confirmé l'opération.
Une initiative intéressante, mais encore limitée
On le voit bien, malgré un lancement il y a quelques semaines/mois et un fonctionnement effectif entre banques compatibles, cela tarde à se généraliser et peut encore manquer d'intérêt pour les clients.
Une bonne partie des banques est encore incapable de gérer la réception de tels virements, l'identification par mobile n'est pas proposée par les établissements compatibles, il est le plus souvent question de virement que de paiement, la tarification peut paraître chère, les limites sont parfois contraignantes, etc.
Si 2019 devrait être l'année de la généralisation du service, il reste du travail. Un comble alors que l'on dispose déjà de moyens techniques pour transférer des fonds ou effectuer des paiements gratuitement dans des dizaines de services, et que de nombreux pays sont déjà à la page.
Espérons que les mois qui viennent seront l'occasion pour l'ensemble des banques françaises de prendre la mesure de l'attente de leurs clients pour un meilleur service, surtout au regard des montants annuels facturés par certaines.