Pour la cour d’appel de Paris, un chauffeur Uber doit être assimilé à un salarié

Règlement de comptes
Droit 4 min
Pour la cour d’appel de Paris, un chauffeur Uber doit être assimilé à un salarié

La cour d’appel de Paris a jugé hier qu’il existait un « faisceau suffisant d’indices » pour requalifier en contrat de travail la relation entre un chauffeur Uber et la célèbre plateforme. Cet arrêt pourrait avoir d'importantes répercussions, y compris au-delà de l'univers des VTC.

Voilà qui devrait intéresser de nombreuses personnes qui effectuent différentes missions par le biais de sites de mise en relation (livreurs à vélo, etc.), parfois sous le statut d'auto-entrepreneur.

Reprochant à Uber d’avoir « définitivement désactivé son compte », ce qui l’empêchait d'effectuer de nouvelles courses, un chauffeur VTC a décidé, courant 2017, de poursuivre la plateforme devant le conseil de prud’hommes de Paris.

Le plaignant affirme alors que cette rupture s’assimile à un licenciement abusif. À ses yeux, les 2 038 trajets qu’il a effectués entre octobre 2016 et avril 2017 constituaient autant de CDD, qui mériteraient d’être requalifiés en CDI.

Le partenariat avec Uber « s’analyse en un contrat de travail »

Le 28 juin 2018, le conseil de prud’hommes se juge incompétent, le contrat litigieux étant considéré comme « de nature commerciale ». Uber brandissait notamment l’article L8221-6 du Code du travail, en vertu duquel les indépendants immatriculés au répertoire Sirene « sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre ».

Hier, la cour d’appel de Paris a toutefois estimé que le plaignant arrivait à renverser cette présomption de non-salariat. Ce même article du Code du travail précise en effet que l'existence d'un contrat de travail (qui n'est pas forcément écrit) peut malgré tout être établie lorsque existe « un lien de subordination juridique permanente » à l'égard du donneur d’ordre.

Fin novembre, la Cour de cassation a justement précisé dans une affaire concernant des livreurs de la plateforme « Take eat easy » que ce lien de subordination était « caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».

Sans citer expressément cet arrêt, la cour d’appel de Paris en a clairement suivi le raisonnement. Elle en a ainsi déduit qu’un « faisceau suffisant d'indices » permettait de « caractériser le lien de subordination » entre le plaignant et Uber.

Directives + contrôle + sanction = lien de subordination

Concernant les ordres et directives tout d’abord, les juges ont retenu que le chauffeur était notamment tenu de suivre « les instructions du GPS de l’application », afin de proposer un trajet considéré comme « efficace ». Ils ont également estimé que le plaignant avait reçu des « directives comportementales », par exemple sur les conversations à ne pas avoir avec les clients ou le refus systématique des pourboires, « peu compatibles avec l’exercice indépendant d’une profession ».

S’agissant du contrôle de l’activité du plaignant, ensuite, « force est de constater que l’application Uber en exerce un en matière d’acceptation des courses », soutient la cour d’appel. Par le biais d’un système d’avertissement s’enclenchant au bout de trois refus, la société incite les chauffeurs à « rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition [d’Uber], sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non ».

De plus, les chauffeurs Uber doivent se soumettre à un système de géolocalisation, lui aussi considéré comme un dispositif de « contrôle » par les magistrats.

En matière enfin de pouvoir de sanction, la cour d’appel affirme que la fixation par Uber d’un « taux d’annulation » de commandes pouvant entraîner la suspension d’un compte « y particip[ait], tout comme la perte définitive d’accès à l’application Uber en cas de signalements de « comportement problématiques » par les utilisateurs ».

Le dossier renvoyé devant les prud'hommes

La cour d’appel enfonce le clou : « Loin de décider librement de l’organisation de son activité, de rechercher une clientèle ou de choisir ses fournisseurs, [le plaignant] a ainsi intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par la société Uber (...) à travers l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport, qui sont entièrement régis par la société Uber ».

Les juges ont au passage souligné que le fait de choisir ses jours et horaires de travail n’excluait pas en soit « une relation de travail subordonnée ». « Lorsqu’un chauffeur se connecte à la plateforme Uber, il intègre un service organisé par la société Uber, qui lui donne des directives, en contrôle l’exécution et exerce un pouvoir de sanction à son endroit », insiste la cour d’appel.

L’affaire n’en restera cependant pas là : la cour d’appel a renvoyé l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Paris. La juridiction devra réexaminer le dossier, potentiellement afin d'allouer des indemnités de licenciement au plaignant. Ce dernier a pour l'instant obtenu 3 000 euros au titre de ses frais de justice.

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