Dorénavant, toute instruction et circulaire n’ayant pas été mise en ligne dans les quatre mois suivant sa signature sera « réputée abrogée ». Quant aux textes diffusés mais erronés, ils pourront, sauf exception, devenir opposables à l’administration.
Voilà qui pourrait inciter les administrations à rendre le droit plus accessible aux citoyens. En vertu d’un décret d’application de la récente loi sur le « droit à l’erreur », paru fin novembre au Journal officiel, toutes les « instructions » et « circulaires » doivent dorénavant être diffusées sur Internet – faute de quoi, « leurs auteurs ne peuvent s'en prévaloir à l'égard des administrés ».
Menace d'abrogation automatique au bout de quatre mois
Cette obligation était en réalité déjà applicable depuis 2009 pour les circulaires et instructions ministérielles. Le Conseil d’État a d’ailleurs eu l’occasion de le rappeler au ministère de l'Intérieur il y a tout juste un an : en l'absence de publication, le texte concerné demeure inapplicable.
La véritable nouveauté réside dans le fait qu’en l’absence de diffusion sur Internet « dans un délai de quatre mois à compter de leur signature », toute circulaire ou instruction (même non ministérielle) sera dorénavant « réputée abrogée ». Ce qui aura des conséquences plus lourdes qu'une simple inapplicabilité pour les administrations concernées : celles-ci devront notamment relancer le processus de validation du texte en question si elles souhaitent qu'il produise des effets.
Bien qu’entré en vigueur le 1er janvier 2019, ce décret s’applique à l’ensemble des circulaires et instructions (y compris à celles antérieures à la réforme). Celles « signées avant cette date sont réputées abrogées au 1er mai 2019 si elles n'ont pas, à cette dernière date, été publiées », est-il d'ailleurs précisé.
Des textes éparpillés sur différents sites officiels
Mais où doit-on se rendre pour trouver ces fameuses instructions et circulaires ? C’est là que l’affaire se corse... Il n’existe pas de site regroupant tous ces textes.
Pour les circulaires et instructions « adressées par les ministres aux services et établissements de l'État », la publication doit se faire sur « circulaires.legifrance.gouv.fr ». Il n’en va cependant pas de même pour des textes émanant de collectivités territoriales ou d’administrations de type Pôle emploi, comme le reconnait implicitement la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des finances :
« Désormais, en application de l’article R. 312-7 du CPRA, l’ensemble des instructions et circulaires qui n’ont pas été publiées sur les supports prévus aux actuels articles R. 312-4 (recueils des actes administratifs pour les services déconcentrés de l’État), R. 312-5 (bulletin officiel ou registre pour les collectivités territoriales), R. 312-6 (bulletin officiel ou registre établissements publics et autres personnes morales), R. 312-8 (circulaires.gouv.fr pour l’État) et au nouvel article D. 312-11 (sites dédiés [voir détail ci-dessous, ndlr]) sont réputées abrogées. »
Bercy indique néanmoins que le décret « simplifie le régime de publication des circulaires ministérielles », puisqu’il vient « supprimer la règle de la double publication au bulletin officiel et sur « circulaires.legifrance.gouv.fr » qui existait avant [sa] publication ».
Qu’elles émanent d’un ministre ou non, toutes les circulaires et instructions devront être accessibles via un site indiquant « la date de dernière mise à jour de la page donnant accès à ces documents ainsi que la date à laquelle chaque document a été publié sur le site ».
Des interprétations potentiellement opposables à l'administration
Les internautes ont par ailleurs vocation à être informés d’une des nouveautés introduites par la loi sur le « droit à l’erreur ». La mention suivante devra en effet être intégrée, afin d’informer les citoyens que ces circulaires et instructions peuvent désormais être opposables à l’administration :
« Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par les documents publiés sur cette page, pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée, sous réserve qu'elle ne fasse pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. »
Le gouvernement souhaitait qu’en complément au « droit à l’erreur », les individus ou entreprises qui se soient conformés de bonne foi à des interprétations juridiques ne puissent faire l’objet « d’aucune sanction » ni de la part de l’administration, « ni à la demande de celle-ci à raison de faits ou de comportements que ces instructions et interprétations autorisaient expressément ». Un régime qui rappelle celui existant en droit fiscal.
Comme l’explique Bercy, les administrés pourront se prévaloir de ces textes, « même lorsqu’ils sont illégaux ». Et ce à condition toutefois de ne pas entrer dans le cadre des réserves évoquées précédemment.