Afin de lutter contre les dépôts illicites d'ordures (ou même les jets de déchets ou de mégots), une sénatrice propose de recourir à la vidéo-verbalisation. Les forces de l’ordre pourraient ainsi mettre à l’amende les contrevenants, à distance et sans interpellation. À condition toutefois que leur véhicule se trouve à proximité.
« Les opérateurs de vidéoprotection des centres de supervision urbain sont amenés de façon récurrente à constater des dépôts illicites d'ordures, d'immondices ou de déchets », fait valoir Mireille Jouve, en appui d’une proposition de loi déposée mi-décembre devant le Sénat. D’après l’élue RDSE, ces agissements « ne vont pas en diminuant, bien au contraire ».
Au regard de cette « multiplication » des dépôts sauvages, la parlementaire regrette qu’il ne soit toujours pas possible de constater ces infractions à la salubrité publique par l’entremise des caméras installées sur les voies publiques. En l’état, le droit l’interdit. « Toutes les infractions relevées par ce biais sont illégales et susceptibles de faire l'objet d'une annulation », peste à cet égard Mireille Jouve.
De nouvelles infractions verbalisables « à la volée » par caméra
Les dépôts illicites d'ordures, d'immondices ou de déchets étant « la plupart du temps effectués au moyen d'un véhicule », la sénatrice estime que le recours à la vidéo-verbalisation présenterait pourtant « un intérêt manifeste ».
À mi-chemin entre les radars automatiques et la vidéo-surveillance, la vidéo-verbalisation permet pour mémoire à un agent de police, installé devant ses écrans, de dresser un PV à distance. La contravention est reçue quelques jours plus tard par le titulaire de la carte grise, exactement de la même manière que s’il s’était fait flasher par un radar automatique.
À ce jour, seules certaines « infractions aux règles de la circulation » peuvent ainsi être vidéo-verbalisées : défaut de port de ceinture, usage du téléphone au volant, non-respect de stops et de feux rouges, refus de priorité aux piétons, dépassements dangereux, usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules (bus, taxis...), non-port du casque, etc.

Mireille Jouve propose que les caméras puissent également servir à constater les « infractions relatives aux dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies publiques ».
Autant dire que de très nombreux agissements pourraient entrer dans ce champ : l’abandon de poubelles, le jet de mégots ou d’emballages plastiques sur les trottoirs, le non-ramassage des déjections canines, le fait d’uriner sur la voie publique, etc.
« La lutte contre ce type d'incivilités pose aujourd'hui de réelles difficultés au sein de nombreuses communes françaises et représente souvent un coût non négligeable pour nos collectivités », se justifie Mireille Jouve. L’élue espère ainsi qu’étendre le champ de la vidéo-verbalisation permettra « d'endiguer plus efficacement ces agissements qui contreviennent aux règles d'hygiène et de propreté ».
Une identification des contrevenants qui s'annonce délicate
Seul hic : pour pouvoir dresser son PV à distance, sans interpellation, l’agent a besoin de l’identifier. Pour les infractions routières, cette tâche s’avère plutôt aisée grâce aux plaques d’immatriculation. Pour les personnes qui écraseraient simplement leur cigarette au cours d’une promenade (pour ne citer que cet exemple), l’affaire risque de se révéler bien plus délicate – pour ne pas dire impossible. Idem si le passager d’une voiture jette un papier par la fenêtre...
Même pour l’exemple type mis en avant par Mireille Jouve (une voiture dont les occupants déposent des encombrants sur un trottoir, en ville), le dispositif pourrait rapidement montrer ses limites. Et pour cause : la vidéo-verbalisation ne fonctionne que là où se trouvent des caméras. De plus, cette verbalisation « à la volée » n’est bien souvent utilisée que durant certaines plages horaires, pour des raisons de moyens humains. Il suffirait donc de se rendre dans des zones plus discrètes, notamment à la campagne, pour passer entre les mailles du filet.
« À partir du moment où l’on fait de la vidéo quelque part, on déplace la délinquance, on ne la supprime pas », nous avait d’ailleurs confié François Driol, directeur de la police municipale de Saint-Étienne, lors d’un reportage dédié à la vidéo-verbalisation. L’intéressé affirmait toutefois qu’il y avait un « effet plumeau » : « Lorsqu’on donne un coup de plumeau, il y a toujours une partie de la poussière qui ne retombe pas. » Une façon de faire comprendre qu’il y avait malgré tout des résultats.
Avant de pouvoir être examinée par le Sénat, la proposition de loi de Mireille Jouve devra être inscrite à l’ordre du jour de la Haute assemblée (ce qui est loin d’être systématique). En 2013, plusieurs députés UMP avaient d’ailleurs déposé un texte à l’objet similaire. Il n’a cependant jamais été débattu, faute d'avoir pu franchir cette étape.