FNAEG : les députés suppriment (en partie) l'extension du fichier des empreintes génétiques

Paris, renversé
Droit 4 min
FNAEG : les députés suppriment (en partie) l'extension du fichier des empreintes génétiques
Crédits : Marc Rees (CC-BY-SA 3.0)

L’Assemblée nationale a rejeté à l’unanimité l’amendement du rapporteur Didier Paris (LREM) qui tentait de faire du fichier des empreintes génétiques le nouveau « fichier des gens honnêtes ». Nicole Belloubet, garde des Sceaux, a été favorable aussi bien à sa création qu’à sa suppression. Néanmoins des dispositions dangereuses restent toujours en place.

L’initiative avait ému jusqu’à la CNIL. Le 9 novembre dernier, sans l’ombre d’une discussion et avec l’aval de la ministre de la Justice, la commission des lois de l'Assemblée nationale adoptait un amendement pour le moins dangereux pour les droits et libertés fondamentales

Un an plus tôt, la cour européenne des droits de l'homme condamnait la France en raison de la durée d’enregistrement (40 ans) et de l’absence de possibilité d’effacement des traces enregistrées dans le fameux « FNAEG ». Seulement, le rapporteur Didier Paris, profitant de la nécessaire mise en conformité de notre droit, a infligé une extension considérable du fichier des empreintes génétiques. Il a supprimé la limitation des recherches aux seuls parents en ligne directe et, en outre, a étendu le FNAEG à l'ensemble de l’ADN.

Les citoyens, suspects potentiels via le FNAEG

Avec cet amendement, détaillent les signataires d’une tribune dans l’Obs, tous opposés à ce texte, « plus aucune restriction n'empêche l'extension du FNAEG et l'ajout en son sein de toutes les données génétiques que l'exécutif souhaitera y intégrer ».

En outre, « il supprime également la limitation de la recherche en parentèle à la seule lignée directe, telle qu'autorisée en 2016 par l'article 706-56-1-1 du Code de procédure pénale, qui permet la recherche au sein du FNAEG des parents et des enfants potentiels d'un profil génétique, dont aucun titulaire n'est retrouvé dans le fichier ».

Le député LREM Didier Paris avait bien tenté d’arrondir les angles avec une nouvelle version pour la séance, mais il la retira, laissant intacte la capacité nuisible de sa première version.

Nuisible ? Avec une telle extension, il aurait été possible de ficher les caractéristiques physiologiques, morphologiques et héréditaires (couleur des yeux, de la peau, maladies, etc.) d’une personne puis de confronter les traces génétiques à l’ensemble des individus enregistrés. Un système « transformant tous les citoyens en suspects potentiels », dénoncent les signataires.

La CNIL a estimé dangereuse une telle réforme, soutenant a minima « que toute modification substantielle de ce fichier [fasse] l’objet d’une réflexion approfondie et concertée ». Sans surprise, le texte a fait également l’objet de nombreuses critiques dans les rangs parlementaires.

L'amendement communiste adopté à l'unanimité

Hier, à l’Assemblée nationale, les députés ont finalement adopté à l’unanimité un amendement des députés communistes supprimant une partie des extensions adoptées en commission des lois, celle relative à la recherche en parentèle. 

« En raison de sa taille – plus de 3 millions d’enregistrements –, une recherche en parentèle permettrait de cibler au moins 15 millions de personnes, en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’est prononcé contre l’établissement de fichiers biométriques de "gens honnêtes" » a expliqué le député Sébastien Jumel.

Pour le parlementaire, en outre, « la suppression de la distinction entre ADN codant et ADN non codant n’est en l’état pas pertinente. Si les recherches actuelles en génétique montrent que l’ADN non codant peut jouer un rôle fonctionnel, l’ADN codant est pour sa part porteur d’une information explicitement relative aux origines ethniques et à l’apparence corporelle des individus. Autoriser le stockage d’éléments explicitement codants dans le FNAEG reviendrait donc à y introduire des données dites sensibles ».

Pris les doigts dans le pot de confiture, Didier Paris a finalement admis que la recherche en parentèle était « délicate à mettre en œuvre ». Par ailleurs, a-t-il reconnu, le débat scientifique entre l’ADN codant et non codant « n’est pas tranché, même s’il est aujourd’hui généralement admis que ces notions sont dépassées ».

En commission, l'alternative est simple : ou cet élu de la majorité a tenté de faire passer son texte initial sans ce travail de fond. Ou bien il connaissait ces problèmes mais a volontairement négligé leur portée. S'adressant au groupe communiste, hier, il a en tout cas jugé «  normal, voire sain, de répondre à votre préoccupation ainsi qu’à celle du groupe Les Républicains  (dont un député a déposé un amendement identique, ndlr) en coupant court à toute discussion puisque, je le répète, le débat scientifique, qui progresse, n’est pas encore définitivement tranché sur le sujet ».

« Même avis » s’est simplement délestée Nicole Belloubet, la garde des Sceaux.

Un travail à finir

Néanmoins, le travail parlementaire reste à finir puisque contrairement à ce que nous indiquions dans une première version, la disposition qui supprime la limitation à l'ADN non codant reste toujours en place. Cette réforme exigera donc un travail d'arbitrage en commission mixte paritaire, là où sont arbitrées les différences entre la version des sénateurs et celle des députés. 

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