« Nous avons inclus 1 To de stockage ! » a claironné Xavier Niel, hier au siège de Free à l’occasion du lancement de la Delta. Par la même occasion, le trublion des télécoms adresse un nouveau pied de nez aux sociétés de gestion collective sur le terrain de la copie privée. Explications.
Sur la question du stockage, la grande nouveauté de la Delta réside dans ce disque dur de 1 To amovible. L’abonné en devient propriétaire, mais il peut aussi décider de s’en passer et réaliser alors 10 euros d’économie sur sa prochaine facture. Trois autres emplacements sont offerts, sous le capot de ce matériel, avec une capacité maximale de 20 To.
Free pourra bientôt économiser 13 euros de redevance copie privée
Ces précisions ne sont pas neutres sur le terrain de la copie privée. Un secteur où Free a fait régulièrement preuve d’imagination pour payer le moins possible aux sociétés de gestion collective.
En principe, une box proposant un stockage de 1 To est soumise à 45 euros de redevance. Ce tarif est forfaitaire dès lors qu’on dépasse la tranche des 320 Go. En somme, que Free ait intégré un disque de 320, 500, 750 ou 1 To, le montant payé n’aurait pas varié d’un pouce.
Une réforme est en cours en commission copie privée. Selon la proposition des ayants droit, révélée par Next INpact, le barème maximal devrait être porté à 32 euros pour ce To de capacité. En somme, une fois voté, Free payera pour chaque serveur commercialisé 13 euros de moins aux sociétés de gestion collective.
L’abonné évince les disques externes et leur redevance
Jusqu’à présent, l’utilisateur qui souhaitait ajouter de l’espace disque devait passer par un ou plusieurs disques durs externes. Le barème provisoire de ce type d’appareils est aujourd’hui de 6 euros pour tous les modèles inférieurs ou égales à 5 To, 10 euros jusqu’à 10 To et 15 euros au-delà. Ce tarif n’est que provisoire. Dans un an, il sera compris entre 13 euros (250 Go) et 30 euros au-delà de 3 To.
Le serveur de la Delta est équipé de trois emplacements vierges, en plus du disque dur prévu sur option. L’abonné pourra donc installer trois autres disques durs, mais sur lesquels pas un centime ne tombera dans les poches des sociétés de gestion collective. Pourquoi ? Tout simplement parce que ces disques nus n’ont jamais été soumis à redevance.
En prenant pour exemple le cas d'un abonné souhaitant brancher trois disques externes de 3 To sur sa Delta, selon le barème définitif en vigueur dans un an, il devrait payer 90 euros de redevance, en plus de son matériel. En passant par des disques internes, il ne paiera pas un centime à la Sacem, la SPPF, la SCPP, la SACD et autres bénéficiaires.

Une option vendue 10 euros, plus juteuse encore
Imaginons maintenant qu’un abonné ne prenne pas l’option du disque dur amovible de 1 To. « Si vous n’ajoutez pas le disque dur, 10 € seront déduits sur votre prochaine facture » explique le site lors de la phase d’inscription. Un client qui dispose déjà d’un disque interne pourrait trouver économiquement intéressant de laisser cette case décochée.
Sur le marché, les disques durs internes 2,5 pouces d’une telle capacité sont proposés autour de 50 euros. Free a surement obtenu un tarif de gros plus intéressant. Si le client ne veut pas de disque dur, l’entreprise n’encaissera pas ces 10 euros, mais dans le même temps, elle n’aura pas à acheter le disque dur afférent. Mieux, l’entreprise économisera également 45 euros de copie privée qu’elle n’aura pas à reverser à Copie France.
Ces sommes ne sont évidemment pas visibles derrière ces 10 euros d’économie, tout simplement parce qu’elles sont nécessairement ventilées sur d’autres segments commerciaux. En résumé, lorsqu’il accorde ces 10 euros de ristourne au client, Free se marge ou économise sur la copie privée (45 euros) et sur le disque dur (peut-être plusieurs dizaines d’euros).

Cloud du spectacle ?
La Delta montre en tout cas une nouvelle fois la force imaginative du marché pour s’adapter aux redevances culturelles. Dans leur proposition de barème actuellement discutée, ceux-ci s’attaquent aux box d’entrées de gamme. Sur le segment 8 et 20 Go, les hausses atteignent ainsi 122 % (de 6,30 à 13 euros de RCP).
Les sociétés de gestion collective ont fait en effet le pari que les FAI proposeraient dans leurs nouvelles offres un déport des enregistrements dans le cloud.
Ce n’est qu’une supposition, en rien une information, mais Free pourrait massacrer davantage encore ces petits plans en proposant un jour du stockage dans le cloud, et une box sans disque « intégré ».
La question des DRM
Enfin Xavier Niel a claironné hier au siège de Free que l’abonné deviendrait « propriétaire » du fameux disque dur. Cette opération, bienvenue, a été justifiée par le souhait de laisser à chacun la maitrise de ses données.
Elle est cependant à relativiser puisque les flux enregistrés sur ce support sont encore et toujours protégés par des mesures techniques de protection sur certaines chaînes, en particulier TF1 et M6.
Ainsi, l’utilisateur qui installe ce disque sur son PC n’aura pas accès aux contenus provenant de ces chaînes. La Hadopi, en tant que « gendarme » des DRM, pourra être utilement saisie dans le cadre d’une procédure d’injonction pour faire sauter ces restrictions. Mais c'est un autre chapitre à venir...