Le projet de loi sur la justice prévoit des actions nettement plus incisives pour toutes les infractions punies d’au moins trois ans de prison. De nouvelles méthodes d’investigations seront ouvertes dès l’enquête ou l’instruction. Cela concerne notamment les cas de contrefaçons ou de mises à disposition d’un logiciel manifestement dédiés à ces actes.
Le projet de loi sur la justice est actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. Le dispositif met à jour plusieurs dispositions du Code de procédure pénale. Comme déjà exposé, les enquêtes sous pseudonyme sont en passe d'être généralisées à la plupart des crimes et délits en ligne. De plus, le fichier FNAEG, sur les empreintes génétiques, fait l'objet d'une extension, au point de devenir le nouveau fichier des « gens honnêtes ».
Mais d’autres réformes sont à relever, introduisant dans le droit commun des mesures jusqu’alors exceptionnelles. Par exemple, dans le cadre d’une enquête de flagrance portant sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, le juge des libertés et de la détention (JLD) pourra, à la demande du procureur de la République, autoriser l’interception, l’enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie électronique.
Le seuil des trois ans permet de faire entrer dans son périmètre notamment les actions en contrefaçon. Ces « écoutes » pourront durer un mois, mais elles seront renouvelables une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée, soit un total de 60 jours. Ces interceptions seront également possible dans le cadre d’une enquête préliminaire.
Balise et géolocalisation
L’article 230-32 du Code de procédure pénale est également revu et corrigé. Cette disposition concerne la géolocalisation et donc la possibilité de suivre à la trace une personne, un véhicule. Aujourd’hui, cette procédure est ouverte dans des hypothèses très spécifiques, dont l’enquête ou l’instruction visant les délits contre les personnes, la fourniture de moyens (logement, argent, etc.) à l’auteur, au complice d'un crime ou d’un acte de terrorisme ou encore s’agissant de l’évasion de détenu.
Le projet de loi étend là aussi cette technique à l’ensemble des crimes ou des délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement, et donc notamment aux actions en contrefaçon. Il pourra être « recouru à tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l'ensemble du territoire national, d'une personne, à l'insu de celle-ci, d'un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, si cette opération est exigée par les nécessités ».
Pénétrer dans des lieux privés pour faire comparaitre une personne
Conformément à l’article 32 du projet de loi, des perquisitions sans l’assentiment de la personne concernée seront possibles pour ces mêmes délits.
L’autorisation sera délivrée par le procureur de la République dès lors qu’il existe « des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre » de tels méfaits. Elle sera donnée sur décision écrite et motivée, « mentionnant la qualification des faits retenue, l’identité de la personne et le ou les domiciles où elle est susceptible de se trouver ». Les agents chargés de la comparution de cette personne par la force publique, pourront alors pénétrer dans ces lieux après 6h00 et avant 21h00, et même dans certains cas procéder à des perquisitions et saisies.
Des députés de la France Insoumise ont demandé la suppression pure et simple de cette disposition du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice. « Le Gouvernement banalise réellement ces mesures exceptionnelles » dénoncent les parlementaires qui citent l’un des cas susceptibles de tomber dans ce spectre : le fait de diffuser un logiciel de téléchargement d’œuvres protégées par le droit d’auteur, comme prévu à l’article L. 335-2-1 du Code de la propriété intellectuelle (issu de l’amendement Vivendi).
Certes, pour compenser cette mesure, le gouvernement a prévu de permettre aux personnes chez qui une perquisition a été réalisée, et qui n’ont pas fait l’objet de poursuites dans les six mois, d’en contester la régularité devant le juge des libertés et de la détention. Mais pour les élus de LFI, « ceci n’est clairement pas suffisant eu égard au caractère liberticide des extensions de champ et de durée prévus par le Gouvernement ».