Aux rencontres cinématographiques de Dijon, l’ARP, la société des auteurs réalisateurs et producteurs de cinéma, a fait connaître ses vœux pour l’avenir de la lutte contre le piratage. Une réforme attendue à l’occasion de la future grande loi sur l’audiovisuel à l’ère du numérique.
Comment renforcer la lutte contre le piratage ? Jeudi dernier, aux Rencontres cinématographiques de Dijon, Franck Riester a donné le cap à suivre, à savoir une riposte graduée « plus efficace » et un combat visant les sites de streaming (ou de flux). « Tout doit être mis en œuvre pour les assécher de toute ressource, en lien avec les intermédiaires de paiement et les annonceurs ; cela passera par la création de « listes noires » des sites pirates, et la lutte contre la réapparition des sites miroirs ».
« On s’attaque au peer to peer, alors que le piratage se fait en flux ou en téléchargement direct. C’est sur ce terrain qu’on doit se concentrer ». Pas de révolution de palais, le nouveau ministre de la Culture reprend ici la ligne tracée par ses prédécesseurs, en particulier Françoise Nyssen.
Seule différence notable, Franck Riester à l’avantage de l’expérience, en ayant été rapporteur de la loi Hadopi en 2009, un périple parlementaire qui a laissé encore des traces tant les oppositions furent denses et profondes.
« Vous connaissez l’importance que j’attache à ce sujet et l’implication qui a toujours été la mienne. Le sujet s’est enlisé depuis plusieurs années, en particulier parce que c’est un thème pas toujours très porteur en politique ; je suis bien placé pour le savoir » a ajouté le locataire de la Rue de Valois devant les professionnels du cinéma, avant d’asséner que « la bataille doit être relancée ».
Hadopi : la transaction pénale plutôt que la transmission au Parquet
Dans les rangs de l’ARP, société de perception et de répartition des droits, le plan d’attaque est déjà sur la table. Radu Mihaileanu, président de la société civile, a exposé les grandes lignes attendues sur ce front.
Dans les propositions, le premier point réside dans la réforme de la riposte graduée. L’idée ? Injecter la transaction forfaitaire dans la riposte graduée afin de rendre optionnel le recours au parquet. En somme, c’est la Hadopi elle-même qui, en discutant avec l’abonné mal sécurisé et plusieurs fois averti, déciderait de lui infliger une sanction financière. « Très vite, il faudra inclure tous les modes de piratage dans ce dispositif, dont le streaming » insiste l’ARP, sans détailler le mode opératoire.
Bonne nouvelle pour ses partisans, la faisabilité juridique de la transaction pénale a déjà été étudiée et validée par deux conseillers d’État, missionnés par la Hadopi. L’objectif sera d'alléger sa mission essentiellement pédagogique pour lui apporter un parfum beaucoup plus pénal. Dans la mécanique actuelle, tout est fait pour dissuader les échanges sur les réseaux P2P, et très logiquement, peu de sanctions ont été rendues par les tribunaux de police. Aucune contravention à 1 500 euros n’a été infligée par cette juridiction en près de 10 ans d’Hadopi. Et seule une centaine de « prunes » ont été infligées, avec un montant moyen de 300 euros.
Responsabiliser les intermédiaires techniques
À l’approche de Noël, l’ARP a d’autres idées dans sa besace. Elle entend impliquer les FAI, les hébergeurs, dont les UGC (user generated content) et les moteurs de recherches. Elle insiste également pour « responsabiliser les intermédiaires ».
Bonne nouvelle : la chose est déjà actée dans le projet de directive sur le droit d’auteur, puisque le dispositif européen en discussion entre la Commission, le Conseil et le Parlement, entend justement accentuer leur responsabilité sur les contenus mis en ligne par les tiers.
En façade, l’enjeu sera d’obtenir un meilleur partage de la valeur. Mais, en coulisse, cette implication juridique permettra des mesures de restrictions d’accès immédiates sur les contenus épinglés comme contrefaisants. Seul hic, le sort de l’article 13, socle de ce dispositif, est actuellement entre les mains des trois institutions dans le cadre du « trilogue ». Une phase de négociations secrètes où adversaires et partisans tentent de tirer la couverture chacun de leur côté.
Le levier de l'offre légale
L’ARP a encore d’autres cordes à son arc, cette fois moins juridiques : elle souhaite que l’offre légale soit améliorée, tout comme le référencement et la circulation des œuvres. Elle milite également pour supprimer « toute interruption de diffusion » dans la chronologie des médias. Des manques qui poussent nécessairement les internautes à aller s’abreuver dans d’autres contrées, celles où les SPRD ne touchent pas un centime.
L’analyse est partagée par Laurent Samama, responsable « EMEA media & entertainment partnerships » chez Google, pour qui « la mise en avant des offres légales est indispensable ». Pour David Kessler, directeur général d’Orange Studio et Orange Content, la messe est dite : plus les plateformes d’offres légales seront fournies, moins la propension à pirater sera au rendez-vous.