Le Sénat rejette encore la proposition de loi contre les « fake news »

Le Sénat rejette encore la proposition de loi contre les « fake news »

C'est vrai ?

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Marc Rees

Publié dans

Droit

06/11/2018 5 minutes
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Le Sénat rejette encore la proposition de loi contre les « fake news »

Le Sénat vient de rejeter par 288 voix contre 31 la proposition de loi contre les fausses informations (ou « fake news »). Après avoir déversé une pluie de critiques contre le texte soutenu par le gouvernement.

Atteinte à la liberté d’expression, atteinte à la liberté du commerce, texte mal ficelé, « bancal », source importante de contentieux… L’accueil de la proposition de loi (PPL) contre les « fake news » a été une nouvelle fois glacial au Sénat. Aucune surprise, puisque ce vote est la réplique d’un premier rejet en juillet dernier.

Aujourd’hui Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis, a regretté l’absence d’évaluation des éventuelles lacunes de notre législation actuelle, jugeant pour sa part  les textes en vigueur déjà suffisants. « L’arsenal existant a-t-il été mobilisé [lors des précédentes élections] ? Pas à ma connaissance. Pourquoi ? »

Même analyse de David Assouline (PS) qui a vu dans cette PPL, préparée Rue de Valois, une loi dangereuse et inefficace. Au fil des prises de paroles, il a estimé que des allégations, même simplement satiriques, pourraient être épinglées par un juge des référés, dès lors que ces propos portent sur « un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir ».

Juge de la vérité, juge de l'aléa 

Tous les intervenants ont rappelé la difficulté de cette fameuse procédure qui permettra à ce juge de l’urgence d’exiger d’une plateforme « toutes mesures proportionnées et nécessaires pour faire cesser » la diffusion d’une fausse information de nature à altérer la sincérité d’un scrutin à venir.

Pour Mireille Jouve (RDSE), par exemple, « un juge de référé ne peut être en mesure d’apprécier en 48 heures si les informations sont fausses et si d’autre part elles ont été diffusées de manière automatisée ou artificielle ». Surtout, le magistrat aura à anticiper les effets de ces propos sur un scrutin futur. Un exercice périlleux.

Le sénateur LREM André Gattolin a, lui, déploré que les sénateurs n’aient pas joué le jeu parlementaire en déposant des amendements destinés à améliorer un texte jugé si perfectible. Mais pour Pierre Ouzoulias (PCF), « il y a toujours péril à intervenir par la loi sur des matières qui sont le fondement de notre démocratie ». Et le parlementaire de rappeler les critiques adressées par le Conseil d‘État, sur le flou de plusieurs notions du texte.

La France, leader ou isolée en Europe

« Nous n’avons pas la prétention de répondre à toutes les questions, mais on peut se saisir d’une partie des problématiques » a tenté de défendre Franck Riester, nouveau ministre de la Culture, qui, alors député, n’avait pas pris part au vote. « Les contenus satiriques ne seront pas concernés […] c’est le juge qui prendra la décision », a-t-il tenu à préciser.

Aux sénateurs qui ont considéré que ce dossier devrait être géré avant tout au niveau européen, le nouveau locataire de la Rue de Valois n’a pu s’empêcher de rappeler l’épisode de la loi Hadopi, une institution franco-française. Une manière de démontrer qu’avec cette future loi contre les fausses informations, la France n’avait pas à rougir d’être leader ou pionnière en Europe.

Une présentation démontée en quelques instants par Philippe Bas (LR) : « cette idée saugrenue de légiférer sur les fausses nouvelles n’est venue à aucun des autres pays européens. Nous ne serons pas leaders, nous serons isolés ».

Pour le président de la commission des lois, l’important serait avant tout de s’attaquer à ceux qui diffusent des fausses informations. Cette proposition de loi est « inaboutie », a-t-il insisté, insistant sur les nombreuses hésitations qui ont émaillé les débats à l’Assemblée nationale. « Juridiquement, cette législation ouvre la voie à des difficultés : rien n’est fait pour coordonner le juge civil et le juge électoral qui pourrait dire que telle information n’a aucune influence sur le scrutin et donc le valider ».

Pour l’élu, « le juge des référés n’a pas à devenir le juge des élections ni trancher le vrai du faux, alors que les débats se ramènent très souvent à l’expression d’opinions divergentes ».

Le dernier mot pour les députés

Plusieurs parlementaires, comme David Assouline, ont reproché enfin que les messageries de type WhatsApp, qui relèvent de la correspondance privée, soient  hors du cadre du texte, alors qu’elles deviennent un vecteur important de diffusion d’informations voire de manipulations. La récente campagne présidentielle au Brésil a été marquée par la diffusion de nombreuses intox sur WhatsApp, utilisé par une large partie des votants.

Des intervenants ont également préféré porter leur attention sur la responsabilité des intermédiaires techniques, saluant le projet de résolution portée par Catherine Morin-Desailly.

Si le rejet a été massivement approuvé par les sénateurs, le texte repart désormais à l’Assemblée nationale où les députés ont le dernier mot dans la procédure législative.

Écrit par Marc Rees

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Introduction

Juge de la vérité, juge de l'aléa 

La France, leader ou isolée en Europe

Le dernier mot pour les députés

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Commentaires (15)




Le sénateur LREM André Gattolin a, lui, déploré que les sénateurs n’aient pas joué le jeu parlementaire en déposant des amendements destinés à améliorer un texte jugé si perfectible.

C’est vrai qu’un pansement sur une jambe de bois, ca a toujours été considéré comme efficace…


Demander au gouvernement de dire le “vrai” et de punir le “faux”… nous sommes tombés bien bas.








Sirodo a écrit :



Demander au gouvernement de dire le “vrai” et de punir le “faux”… nous sommes tombés bien bas.



Ce n’est pas une demande au gouvernement, mais du gouvernement. Le gouvernement veut pouvoir créer son MiniVer…









Patch a écrit :



Ce n’est pas une demande au gouvernement, mais du gouvernement. Le gouvernement veut pouvoir créer son MiniVer…





Certes, mais nous avons votés pour eux collectivement, pour plus de contrôle pour notre “sécurité” et pour notre “bien”, depuis des décennies. Ce n’est que la suite logique que ce genre de truc passe sans soucis, dans l’indifférence générale, avec une partie de l’opposition au Sénat non par principe, mais parce qu’il “faudrait le faire partout en Europe”.





le nouveau locataire de la Rue de Valois n’a pu s’empêcher de rappeler l’épisode de la loi Hadopi, une institution franco-française. Une manière de démontrer qu’avec cette future loi contre les fausses informations, la France n’avait pas à rougir d’être leader ou pionnière en Europe.





Il a rappeler le pognon de dingue que ça coûte pour absolument rien ? Pire, entre ça et la copie privée les gens se sentent plus légitime à tipiaker qu’avant la création de ce truc qui ne sert qu’à remplir les poches de fonctionnaires inutiles. <img data-src=" />








TriEdge a écrit :



Il a rappeler le pognon de dingue que ça coûte pour absolument rien ? Pire, entre ça et la copie privée les gens se sentent plus légitime à tipiaker qu’avant la création de ce truc qui ne sert qu’à remplir les poches de fonctionnaires inutiles. <img data-src=" />



Il y a des fonctionnaires à la hahahadopi? Tu es vraiment sûr?









Patch a écrit :



Il y a des fonctionnaires à la hahahadopi? Tu es vraiment sûr?







C’est devenue une boité privée dont elle et le personnelle sont financées directement par l’argent des nayant droits maintenant ?



Ca change de l’époque où on avait walter le haut fonctionnaire et des politichiens payés avec nos sous à sa tête <img data-src=" />



bien sûr que ce sont des fonctionnaires, et pas forcément des fonctionnaires “de base”. L’institution a d’ailleurs son budget dédié, voir les infos récurrentes sur ce site. Tu n’envisages quand-même pas que les ayant-droits vont payer pour ça, non ? C’est à l’État de veiller à leurs intérêts (et de leur glisser les biftons) !


C’est ironique de dire qu’il y a des fonctionnaires à la Hadopi <img data-src=" />








TriEdge a écrit :



C’est devenue une boité privée dont elle et le personnelle sont financées directement par l’argent des nayant droits maintenant ?



Ca change de l’époque où on avait walter le haut fonctionnaire et des politichiens payés avec nos sous à sa tête <img data-src=" />



Travailler dans une administration publique != fonctionnaire. D’ailleurs l’Etat a de plus en plus recours aux contractuels pour éviter d’embaucher des fonctionnaires, même là où théoriquement c’est interdit ou devrait être limité.

D’ailleurs dans la plupart des administrations publiques hors ministères et collectivités territoriales, il n’y a pas ou très peu de fonctionnaires. Ca fonctionne quasi qu’avec des contractuels.

D’ailleurs Walter n’était pas nommé en tant que haut fonctionnaire à la hadopi, il été mis à disposition… Ce qui n’est pas du tout la même chose.







anagrys a écrit :



bien sûr que ce sont des fonctionnaires, et pas forcément des fonctionnaires “de base”. L’institution a d’ailleurs son budget dédié, voir les infos récurrentes sur ce site. Tu n’envisages quand-même pas que les ayant-droits vont payer pour ça, non ? C’est à l’État de veiller à leurs intérêts (et de leur glisser les biftons) !



Même réponse.



Merci pour la précision, mais si le monsieur a été “mis à disposition”, quel est son statut ?

En prenant Wikipédia comme source je vois que :

Denis Rapone, président de la Haute Autorité, est conseiller d’État. Donc fonctionnaire.

Eric Walter, d’après sa fiche, est “haut fonctionnaire” - c’est pas Universal ou la SACEM qui l’ont “mis à disposition” de la Hadopi, que je sache.

Pour les autres, ça semble être plus flou - après tout on est en France, rien ne saurait être simple.








Sirodo a écrit :



Demander au gouvernement de dire le “vrai” et de punir le “faux”… nous sommes tombés bien bas.





Il faudrait apprendre à lire d’abord, avant de dire ce genre de bêtise.

Ce n’est pas le gouvernement qui dira quoi que ce soit, ce sera un juge qui sera saisi.









anagrys a écrit :



bien sûr que ce sont des fonctionnaires, et pas forcément des fonctionnaires “de base”. L’institution a d’ailleurs son budget dédié, voir les infos récurrentes sur ce site.









anagrys a écrit :



Merci pour la précision, mais si le monsieur a été “mis à disposition”, quel est son statut ?

En prenant Wikipédia comme source je vois que :

Denis Rapone, président de la Haute Autorité, est conseiller d’État. Donc fonctionnaire.

Eric Walter, d’après sa fiche, est “haut fonctionnaire”





Bien sûr que la HADOPI est composée d’agents de l’État (autrement dit je confirme tes propos).









anagrys a écrit :



Merci pour la précision, mais si le monsieur a été “mis à disposition”, quel est son statut ?

En prenant Wikipédia comme source je vois que :

Denis Rapone, président de la Haute Autorité, est conseiller d’État. Donc fonctionnaire.

Eric Walter, d’après sa fiche, est “haut fonctionnaire” - c’est pas Universal ou la SACEM qui l’ont “mis à disposition” de la Hadopi, que je sache.

Pour les autres, ça semble être plus flou - après tout on est en France, rien ne saurait être simple.



Les autres “chefs” sont nommés.

Lui a été mis à dispo seulement parce qu’il était déjà haut fonctionnaire, sinon il aurait été juste nommé comme les autres, on ne l’aurait pas mis haut fonctionnaire spécifiquement là.



&gt; après tout on est en France, rien ne saurait être simple



Cette phrase est très amusante : je me déplace beaucoup à l’étranger, et dans tous les pays j’ai entendu dire “on a l’administration la plus rigide qui soit” et/ou “la plus compliquée” et/ou “la plus …”

De la Norvège aux USA, de la Belgique à Madagascar je l’ai entendu.

Avec des nuances (à Mada, c’est plutôt “le peu d’administration qui existe est bien compliquée, mais tout se résout facilement avec un pot de vin” …) mais n’empêche, la critique de l’administration est un sport mondial…