La plateforme de diffusion a dû couper aujourd’hui la fonction d’enregistrement des chaînes du groupe Altice. Celui-ci réclame le versement d’une rémunération de la part du service en ligne. Après TF1 et M6 qui ont imposé plusieurs limites aux « bookmarks », c’est un nouvel abus des chaînes à l'encontre de Molotov, ses abonnés et de la copie privée.
Il n’est désormais plus possible d’enregistrer les flux de BFM Business, BFM TV, RMC Découverte ou RMC Story sur la plateforme fondée par Pierre Lescure, Jean-Marc Denoual et Jean-David Blanc.
Selon les explications que nous a fournies la direction de Molotov, « NextRadioTV [appartenant au groupe Altice, ndlr] s’oppose à l’application de l’exception pour copie privée à ses programmes en réclamant à Molotov un partage de revenus sans objet, ce qui contraint Molotov à suspendre le service d’enregistrement ».
La fonction en cause, anciennement baptisée Bookmarks, s’appuie sur la réalisation de copies privées dans le « cloud » et avait été rendue juridiquement possible par la loi Création de 2016. En contrepartie, le service paye la Redevance pour Copie Privée (RCP) à Copie France, une société civile qui les redistribue à son tour à l’ensemble des sociétés de gestion collective, dont la Sacem ou la SACD.
Cependant, les chaînes ne supportent pas l’idée de ne pas toucher un centime sur ces montants, tout en constatant que des internautes préfèrent Molotov à leurs propres services de replay, garnis de publicités.
Molotov conteste la rémunération exigée
Pour tenter de profiter de cette part du gâteau, Altice veut ainsi être rémunéré directement par la plateforme de diffusion. Si le montant réclamé n'est pas communiqué, Molotov nous rappelle cependant que « seule est applicable à ce service la rémunération pour copie privée qu’elle reverse déjà à Copie France. L’application de cette exception aux programmes distribués par Molotov ne peut donc être conditionnée ni soumise à aucune autre forme de rémunération que celle spécialement prévue à cet effet par la loi ».
Le service promet désormais de « mettre en œuvre toutes les démarches nécessaires pour que ses utilisateurs ne soient pas privés du bénéfice de l’exception pour copie privée, et que celle-ci s’applique à nouveau pleinement aux programmes de NextradioTV, dans le respect des textes applicables ».
Alors que Molotov a pour ambition de réinventer la consommation de flux TV, à une époque marquée par la prédominance de Netflix, Google ou Facebook, la décision de la branche française d'Altice, dirigée par Alain Weill, tranche avec les conventions signées avec le CSA. BFM TV par exemple est « un service de télévision à caractère national qui est diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en haute définition », explique celle relative à cette chaîne.
Payer ces acteurs reviendrait d’une certaine manière à sortir de cette logique de gratuité, tout en légitimant une rémunération de la part des marques de magnétoscope et autres dispositifs d’enregistrement.
Nouveau bras de fer en plein arbitrage par la Hadopi
Suite au vote d’un nouveau barème de redevance pour ces services d’enregistrement dans les nuages, doublant les tarifs sur les premières tranches de stockage, Molotov avait déjà été contraint de couper cette fonctionnalité sur son offre gratuite. Elle n’est depuis que réservée à ses offres payantes proposées à partir de 3,99 euros par mois.
Plusieurs restrictions ont en outre été imposées par les groupes TF1 et M6, en particulier un plafond de 20 heures de stockage pour l’ensemble des chaînes de chaque groupe, quand bien même l’abonné dispose d’une plus importante capacité d’enregistrement (150 heures pour la formule payante de base).
Hasard du calendrier, saisie par nos soins, la Hadopi a considéré que ces tours de vis étaient aussi illégitimes qu’injustifiés. La redevance copie privée étant payée sur toute la surface de stockage, elle considère anormal d’imposer un plafond de 20 heures.