Dans le cadre d’une future proposition de loi, les députés Philippe Huppé (LREM) et Daniel Fasquelle (LR) entendent faire payer aux plateformes de réservation installées à l’étranger leurs impôts en France. Ils mettent sur la table une taxe de 5 % de leur chiffre d’affaires.
La question de la fiscalité du numérique est un vieux serpent de mer. Le principe est connu : des entreprises s’installent dans de lointaines contrées pour proposer des services en France qui, après montages aux petits oignons, échappent en tout ou partie à l’impôt.
Cette optimisation fiscale génère ainsi une inégalité avec les acteurs installés ou souhaitant s’implanter dans notre pays, ceux-là étant soumis à des prélèvements beaucoup plus confiscatoires.
Sur le terrain des plateformes de réservation en ligne comme AirBnb, le député Daniel Fasquelle remarque sans mal que « les plus importantes ne sont pas domiciliées en France et n’acquittent aucun impôt sur les sociétés ». « Il est inadmissible que Booking et Airbnb ne paient aucun impôt en France ! » ajoute Philippe Hyppé.
À titre d'illustration, en Europe, les personnes qui louent leur bien avec Airbnb concluent un contrat avec Airbnb Ireland UC, installée à Dublin. En 2014, BFM Business notait que « l'argent que vous versez au site effectue (…) un périple passant par plusieurs pays, essentiellement des paradis fiscaux. Car l'objectif de ces circuits est bien sûr d'échapper à l'impôt, à commencer par celui du pays où est situé l'appartement ».
Avec leur proposition de loi, qui fait suite aux travaux de la Mission d’information et de contrôle sur la « Loi Macron » d’août 2015, les élus LR et LREM comptent du coup « créer une taxe sur le chiffre d’affaires de ces plateformes, compatible avec le droit de l’Union européenne ».
Un article unique, une taxe de 5 %
Le texte codéposé par chaque parlementaire s’appuie sur un seul article. Il prévoit que les plateformes de réservation en ligne ayant pour objet la location de logements aux particuliers soient assujetties à une taxe égale à 5 % de leur chiffre d’affaires hors taxes.
Un seuil jugé « raisonnable eu égard aux marges bénéficiaires des plates formes de réservation ». En effet, « il correspond à un niveau de taxation de 25 % pour une entreprise qui réaliserait une marge bénéficiaire de 20 % de son chiffre d’affaires, ce qui est cohérent avec le taux de l’impôt sur les sociétés ».
Le rendement espéré correspondrait selon les évaluations à 100 millions d’euros, « sans doute plus » toujours selon les évaluations.
Pour ne pas assommer les entreprises récemment installées en France, il est prévu que celles présentes depuis moins de cinq ans ne soient pas assujetties. De même, le montant payé serait déductible de l’impôt sur les sociétés. Par ces contorsions, celles installées à l’étranger et qui échappent encore à l’IS, ne pourraient esquiver la taxe de 5 %.
La PPL Fasquelle, la PPL Huppé
Un premier pas, un contexte européen
Si le texte se focalise sur les plateformes de réservation en ligne, Daniel Fesquel y voit « un premier pas vers l’établissement d’un prélèvement fiscal sur les GAFAM ». Il se souvient en particulier des évaluations de la Commission européenne au terme desquelles les géants du Net « paieraient un taux d’imposition inférieur de moitié aux entreprises traditionnelles ».
Cette initiative a peu de chance d'aboutir, mais ce texte d'appel veut susciter une série de réactions en France alors que le débat européen a été relancé au début de l'année. En mars 2018, partant de ce constat, Bruxelles a en effet proposé un plan pour « une fiscalité équitable de l’économie numérique ».
Sa réforme est double. Elle s’attaquerait d’abord à l’imposition des sociétés. L’idée ? Faire en sorte « que les bénéfices soient enregistrés et taxés là où les entreprises ont une interaction importante avec les utilisateurs par l’intermédiaire de canaux numériques ». En fonction du dépassement d’un seuil (plus de 7 millions de C.A. dans un État membre, ou de 100 000 utilisateurs ou 3 000 contrats commerciaux), la présence numérique ou l’existence d’un établissement stable virtuel servirait de socle à l’assujettissement.
Le second volet tente d’instaurer une taxe provisoire de 3 % sur certains revenus tirés des activités numériques, dont les ventes d’espaces publicitaires ou de données générées à partir des informations fournies par les utilisateurs.
Avec l’Espagne, la France soutient mordicus cette taxe, en attendant une réforme d’ampleur au niveau de l’OCDE. Cependant, ce chantier ne suscite pas l’unanimité, notamment en Irlande ou au Luxembourg, qui profitent des montages des géants du Net.