Lors du 73e congrès de la Fédération nationale des cinémas français, plusieurs voix ont plaidé en faveur d’une réforme de la Hadopi. L’idée qui a le vent en poupe ? La transaction pénale. Elle permettrait de décongestionner les parquets, pour permettre à la Hadopi de réclamer un paiement des abonnés négligents.
Alors que l’institution mal née va fêter ses dix ans, les pressions se multiplient pour organiser un sérieux lifting. Depuis quelques mois, Françoise Nyssen plaide pour une réforme d’ampleur de la lutte contre les contrefaçons en ligne. Elle a dit et redit que les outils se devaient d’être aiguisés désormais à l’encontre des sites de streaming et de direct download. Le principe devrait notamment reposer sur un système de listes noires.
Lutte contre les sites illicites
Hier, au congrès de la FNCF, la députée Aurore Bergé a imaginé la possibilité de lancer des « référés d’heure à heure sur les sites de contournement ». Cette voie aurait pour vocation de répondre à la facilité de déposer une nouvelle adresse pour évincer un jugement de blocage.
Sur ce point, le tribunal de grande instance de Paris a récemment jugé que la liste des sites à déréférencer dans les moteurs pouvait être traitée sans intervention d’un juge. Dans une autre décision, la même juridiction a accepté les référés de droit commun pour les actions en cessation (blocage et déréférencement) même à l’égard des FAI. En quelques jours, une décision peut être obtenue en justice, quand il fallait préalablement des mois (notre actualité).
La parlementaire LREM, qui rendra très prochainement un rapport sur l’audiovisuel, envisage également de consacrer dans la loi la possibilité de mettre les frais du blocage « à la charge des FAI ». Une mesure jugée possible par la Cour de cassation, le 6 juillet 2017, mais régulièrement combattue par les FAI puisque non inscrite dans la loi.
À l’égard des particuliers, la transaction pénale
S’agissant spécifiquement de Hadopi, Françoise Nyssen a déjà révélé à l’Assemblée nationale que « les réflexions en cours portent sur les moyens d'en améliorer la pertinence et l'efficacité, s'agissant de la pratique du pair-à-pair, à laquelle elle s'applique ».
Lors du congrès du FNCF, Laurence Tison Vuillaume, sa directrice de cabinet, s’est dit personnellement favorable à ce qu’une pénalité intervienne au plus tôt, afin de rendre le système plus rapide, plus efficace.
L’un des scénarios qui a le vent en poupe, rue de Valois, est celui de la transaction pénale. Début 2018, cette piste a déjà été envisagée dans le rapport remis à la Hadopi par deux conseillers d’État. Avec un tel pouvoir, dixit le document, la Hadopi « se verrait reconnaître la capacité de proposer des transactions pénales aux personnes dont la commission de protection des droits constaterait qu’elles ont commis l’infraction de négligence caractérisée ».
« Pour le « tout-venant » de la négligence caractérisée, poursuivaient les deux conseillers d’État, cela permet d'avoir une procédure rapide, fondée sur une forme de reconnaissance par la personne de sa culpabilité ».
Concrètement, cette transaction supposerait également l’accord du Parquet, qui pourrait donc la refuser. Selon les règles en vigueur, le montant maximal du versement demandé à l’abonné pourrait être d’un tiers de la contravention, soit 500 euros.
Scénario d’une transaction pénale version Hadopi
Le scénario qui se dessine est simple. Partons du cas d’un abonné qui voit l’adresse IP de sa connexion repérée sur les réseaux P2P en plein échange illicite. Trident Média Guard, société de protection mandatée par les sociétés de gestion collective et l’Alpa, enregistre l’information.
L’IP est transmise à la Hadopi, qui adresse un avertissement au titulaire de l’abonnement. Aujourd’hui, au bout de la deuxième recommandation et d’une troisième constatation, la Hadopi décide soit d’enterrer le dossier, soit de le transmettre au Parquet, à charge pour lui de le classer, de l’envoyer au tribunal de police ou de proposer une formule alternative aux poursuites.
Avec la transaction pénale, tout change : la Hadopi pourra éviter d’engorger les juridictions en proposant à l’abonné une forme de marché : soit il signe une transaction, soit son dossier suit le cours habituel. Dans le premier cas, il aura à payer jusqu’à 500 euros, sinon il risquera, toujours en théorie, jusqu’à 1 500 euros d'amende.
Ces 500 euros seront un montant maximum. En toute logique, il devrait dépendre, à l’instar de la procédure actuelle devant le tribunal de police, des circonstances et de la gravité de l'infraction « ainsi que [de] la personnalité de son auteur, et notamment l'activité professionnelle ou sociale de celui-ci, ainsi que sa situation socio-économique ».
« Je suis pour qu’il y ait une sanction derrière les avertissements »
Contacté, Pascal Rogard appuie cette solution : « ce serait une sanction du type Code de la route ». Pour le directeur général de la SACD, « ce serait la méthode la plus simple pour rendre efficace la réponse graduée, sachant que la sanction initialement prévue, la suspension, est apparue disproportionnée, à juste titre. Je suis néanmoins pour qu’il y ait une sanction derrière les avertissements ».
L’idée est donc de trouver « une formule raisonnable », « une sanction modeste », qui au-delà du cas de la transaction, pourrait être une amende entre 50 et 60 euros pour les primo-sanctionnés, plus pour les récalcitrants. L’idée serait d’inciter ces brebis égarées à s’abonner à une offre légale payante.
S’agissant des sites illicites, c’est clairement l’objectif principal. « L’essentiel est de tarir la source afin que les contenus illicites ne soient plus disponibles notamment sur les moteurs de recherche. Les discussions en cours au CNC et l’établissement des listes noires poursuivent cette finalité ».