Alors que les institutions européennes n’ont pas encore finalisé l’examen de la proposition de directive sur le droit d’auteur, le groupe socialiste au Sénat, poussé par David Assouline, veut créer un droit voisin pour les éditeurs de presse. Il reconnaîtrait un droit à rémunération de … 50 ans.
L’article 11 de la future directive sur le droit d’auteur veut donner naissance à un droit voisin des éditeurs de presse en ligne. Avec lui, ces sociétés se verraient reconnaître un droit à rémunération pour toutes les exploitations en ligne, notamment des extraits issus de leurs articles.
La logique sous-jacente est que des acteurs comme Google et son service Actualités, s’enrichissent sur leur dos... quand bien même drainent-ils des visiteurs sur les sites en question.
Les eurodéputés ayant voté favorablement ce texte, s’ouvre maintenant une phase de trilogue durant laquelle des arbitrages seront pris, en toute confidentialité. Un vote au Parlement achèvera cette phase européenne au printemps prochain. La balle sera alors dans le camp des États membres qui devront chacun voter une loi de transposition.
Déjà une proposition de loi au Sénat
En France, les sénateurs socialistes n’ont pas décidé d’attendre la fin de ces aventures européennes. David Assouline, David Kramer, Marc Daunis et le groupe ont déposé une proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse.
« Les moteurs de recherche reproduisent et diffusent ainsi, comme libres de droits, sur leurs propres pages, des millions de textes, de photographies, de vidéographies sans licence », expliquent-ils en introduction avant de dénoncer « un préjudice patrimonial considérable aux agences de presse et à leurs auteurs ».
Pire, ces services en ligne sont devenus à leurs yeux « de véritables banques d'information et de données, en exploitant un contenu qu'ils n'ont ni créé, ni financé et pour lequel ils ne versent aucune rémunération ». Comme au parlement européen, la publicité suscitée par ces services en ligne n'est pas évoquée, tout comme la possibilité pour les éditeurs d'utiliser des techniques pour se couper des moteurs.
Leur véhicule législatif est ample puisque le droit voisin qu’ils appellent à faire reconnaître, « doit couvrir toutes les activités d'intermédiation dans la communication au public des contenus de ces agences et éditeurs ». Cela concerne les moteurs de recherche au sens traditionnel, mais également les services de référencement d’images (mesure déjà votée, mais jamais appliquée).
Une société de gestion collective et un droit à rémunération sur le Net
Leur texte consacre en toute logique un droit voisin sur l’ensemble de leurs productions, dont le son et l’image. Les productions sont « les éléments d'informations collectés, traités, mis en forme et fournis (…) sous leur propre responsabilité, un traitement journalistique ».
Voté, les agences et les éditeurs pourraint ainsi confier la gestion des droits afférents à ces éléments à une société de gestion collective à charge pour elle de collecter les sommes chez l’ensemble des intermédiaires qui les rendent accessibles au public. Soit, des pans entiers du Web.
S’agissant plus particulièrement des photos référencées par des moteurs tels que Google Images ou Qwant Images, le montant de la rémunération due serait déterminé selon les recettes d’exploitation ou à défaut forfaitairement.
« Le barème et les modalités de versement de cette rémunération sont fixés par voie de convention entre les sociétés agréées pour la gestion des droits (…) et les organisations représentant les exploitants des services automatisés de référencement d'images ». Cet accord prendrait donc la forme d’une convention d’une durée de cinq ans.
À défaut de convention dans les six mois, ces éléments monétaires seraient fixés par une commission comprenant des représentants de chaque partie, présidée par un représentant de l’État.
Un droit à rémunération durant 50 ans
Pour finir, alors que la proposition de directive a fixé un droit voisin de cinq ans, les sénateurs PS préfèrent opter pour une durée de... 50 ans à compter du premier janvier de l’année civile suivant celle de la première diffusion.
En imaginant un texte déjà voté, un exemple concret : lorsque l’AFP publie cette dépêche le 12 septembre 2018 pour rapporter les propos de son PDG, qui plaide, en bon lobbyiste, pour la reconnaissance d’un droit voisin au profit de l’AFP, l’agence disposerait d’un droit à rémunération jusqu’en 2069.