Attention si la sonnette de votre porte est associée à une caméra de surveillance. Cet outil, qui permet de contrôler l’accès à votre logement, ne peut être installé n’importe comment. C’est en substance ce qu’indique très sérieusement le ministère de l’Intérieur, saisi d’une question parlementaire au Sénat.
Que Gérard Collomb vienne préciser le régime encadrant ces appareils de vidéoprotection peut sembler pour le moins saugrenu. Et pourtant, les dispositions régissant ces yeux électroniques sont assez limpides.
En août 2016, Jean-Louis Masson, sénateur aux 754 questions annuelles, a interrogé le numéro un de la place Beauvau sur ces cas. Deux exemples sont cités, celui des copropriétés équipées d’un système de vidéosurveillance à côté des sonnettes « pour que les résidents puissent contrôler la personne qui veut entrer dans l'immeuble » ou encore, dans les campagnes, ces habitants « ayant une clôture autour de leur jardin, [qui] placent parfois leur sonnette avec vidéosurveillance sur la clôture en limite de propriété ».
Problème en effet, de par leur positionnement, ces caméras ne se contentent pas toujours de filmer l’espace privé, mais débordent sur l’espace public, là où se trouvent leurs visiteurs potentiels.
Pas d'exception au profit des sonnettes
Dans sa réponse parlementaire, publiée le 23 août 2018, soit deux ans plus tard, Gérard Collomb détaille le régime applicable à la « videoprotection », novlangue pour qualifier les caméras filmant l’espace public ou les lieux et établissements ouverts au public.
Le régime est décrit à l’article L251-2 du Code de la sécurité intérieure. « La transmission et l'enregistrement d'images prises sur la voie publique par le moyen de la vidéoprotection », indique le ministre, ne peuvent être mis en œuvre que par les seules autorités publiques compétentes, et encore, que dans une série de cas : prévention des actes de terrorisme, défense contre les incendies, protection des installations publiques, etc.
Le principe souffre de rares exceptions. Les seuls particuliers à être autorisés à filmer la voie publique sont finalement les commerçants, afin d’ « assurer la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations » et seulement si les lieux sont « particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol ». L’article L223-1 du même code y ajoute les personnes morales, mais seulement en cas de risque terroriste.
De ces cas limitativement énumérés, le ministre de l’Intérieur en déduit que « la mise en œuvre, par un particulier ou une copropriété, d'un dispositif de vidéoprotection filmant la voie publique, associé à une sonnette, aux fins de contrôler l'entrée dans un domicile ou dans un immeuble ne figure pas parmi les exceptions énumérées ci-dessus et ne peut donc être autorisée ».
A contrario, un système de vidéosurveillance peut être installé, mais à condition que l’œil ne filme que l’intérieur de la propriété privée... Ce qui n’est pas toujours le cas puisque par définition il s’agit d’en contrôler l’accès.
Qui pour contrôler ?
Qui peut exercer le contrôle de ces caméras trop indiscrètes ? Cette mission revient en principe à la commission départementale de vidéoprotection. Elle est chargée de vérifier du bon respect des articles précités. La CNIL elle-même peut être saisie par elle ou de sa propre initiative, afin de contrôler cette fois « que le système est utilisé conformément à l'autorisation préfectorale », avec au besoin une mise en demeure allant jusqu’à la suppression de ces appareils.
Sur son site, la CNIL souligne que « les particuliers ne peuvent filmer que l’intérieur de leur propriété (par exemple, l’intérieur de la maison ou de l’appartement, le jardin, le chemin d’accès privé) ». Elle insiste : « ils n’ont pas le droit de filmer la voie publique, y compris pour assurer la sécurité de leur véhicule garé devant leur domicile ». Il est ainsi possible de saisir les services de police ou de gendarmerie, ou de police municipale, voire le procureur de la République ou le tribunal civil.