Europe : vers une obligation de suppression dans l’heure des contenus terroristes ?

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Europe : vers une obligation de suppression dans l’heure des contenus terroristes ?
Crédits : gldburger/iStock

Selon le Financial Times, la Commission européenne entend présenter une proposition de loi contre les contenus terroristes. Elle accentuerait la régulation en ce secteur, exigeant des sites un retrait dans l’heure sous peine de sanctions financières.

Comment lutter contre les contenus terroristes sur Internet ? Selon nos confrères, la Commission européenne envisage de présenter une proposition de loi pour accélérer le retrait de ces contenus trouvés sur les sites web.  

Julian King, commissaire européen à la sécurité, chargé de la lutte contre le terrorisme et la criminalité, promet des mesures plus « énergiques », considérant que les intermédiaires techniques « n’ont pas assez progressé ». Ainsi, « nous ne pouvons pas nous permettre d’être détendus ou de faire preuve de complaisance face à un phénomène aussi sombre et destructeur ».

Ces positions peuvent faire croire que cet univers est sans foi ni loi. Une déduction fausse. Depuis des années, les États membres ont adopté de nombreux textes pour combattre ou prévenir la délinquance ou la criminalité en ligne. La France par exemple a mis en œuvre un système de blocage ou de déréférencement administratif des sites faisant l’apologie du terrorisme en février et mars 2015.

Autre exemple, depuis la loi du 13 novembre 2014, le fait de faire publiquement l'apologie de ces actes « est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende » voire sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque le canal de communication est Internet (article 421-2-5 du Code pénal).

La loi sur le renseignement a aiguisé les pouvoirs des services en autorisant une exploitation des données de connexion afin de détecter les signaux faibles du terrorisme. La loi sur la confiance dans l’économie numérique prévoit enfin différents leviers pour contraindre un hébergeur à retirer promptement ces éléments, au besoin en passant devant un juge. 

Un retrait dans l'heure, sous peine de sanctions financières

Selon nos confrères, la Commission européenne envisagerait toutefois de pousser plus en avant ce mouvement en imaginant cette fois une obligation de retrait dans l’heure des contenus terroristes, outre des sanctions financières pour les retardataires.

Le sujet est tout sauf aisé. La gravité des infractions contraste en effet avec des faits parfois difficiles à qualifier. L’intermédiaire technique qui doit prendre une telle décision, bien plus rapidement qu’un juge, se retrouve confronté à des éléments flirtant sur la ligne rouge de la liberté d’expression. Comment dès lors éviter le risque de surblocage et autres atteintes aux libertés fondamentales, surtout lorsque plane le couperet de l’amende ?

L'information est à prendre avec des pincettes puisqu'aucun texte ni aucune position officielle ne confirme ces éléments. Cette obligation de retrait dans l’heure n’est toutefois pas vraiment une nouveauté.

Un tempo déjà suggéré par la France

En mars 2018, la commission avait déjà publié une série de lignes directrices, sous forme de recommandations. Considérant que les contenus terroristes sont les plus nocifs dans l’heure de leur diffusion, elle plaidait pour un retrait dans ce même laps de temps, à compter du signalement.

Elle suggérait aussi pour des mesures proactives, avec détections automatiques afin de retirer ces contenus et empêcher leur réapparition. Soit un vrai système de filtrage automatisé des flux.  

Hasard ou coïncidence, un mois plus tôt, Édouard Philippe réclamait lui aussi une coopération beaucoup plus volontariste des plateformes, non sans menace. À l’issue du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), le premier ministre français exigeait des réseaux sociaux et autres acteurs tels que YouTube, la mise en place d’« outils automatiques d’identification et de retrait afin que les contenus puissent être retirés moins d’une heure après leur mise en ligne ». 

Des positions à raccrocher directement au plan franco-anglais de juin 2017, gorgé de mesures de filtrages et autres listes blanches, dont on retrouve trace en septembre 2017 à Bruxelles.  

Fait notable, en juin de la même année, la Commission européenne tirait un premier bilan annuel du code de conduite signé avec Facebook, Twitter, YouTube et Microsoft. Le réseau de Mark Zuckerberg était alors félicité pour des retraits... dans les 24 heures après signalement.

Une délicate remise en cause de la directive de 2000

Cette nouvelle législation dédiée au terrorisme ou à la lutte contre les contenus illicites (terme beaucoup plus vaste) va nécessairement remettre en cause le socle de la directive de 2000 sur la société de l’information.

Ce texte oblige déjà les hébergeurs à supprimer rapidement, mais sans durée détermine, les contenus manifestement illicites signalés dans leurs serveurs. L’article 15 du texte interdit néanmoins aux États membres d’imposer aux prestataires « une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ».

Soit à peu près l'opposé de ce que soutiennent aujourd’hui la France et la Commission européenne. Le sujet devrait nécessairement interesser l'industrie culturelle, l'article 15 étant un lourde contrainte dans la réforme actuelle de la directive sur le droit d'auteur, bientôt de retour au Parlement européen.

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